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[Institut Lys et Chrysanthème] 2 La Cour comme creuset du raffinement, des arts et de la culture ou des fruits d’une éducation aristocratique (2)

Note de l’auteur: cette étude inédite publiée a été composée il y a déjà des années: en relisant je me dis que j’étais bien naïf encore sur le discours des japonais modernes sur leur passé. Aujourd’hui, j’aurais certainement insister sur les différences fondamentales entre une société païenne et chrétienne. Néanmoins, les remarques d’ordre naturelle restent d’actualité, et si le passé décrit est idéalisé par les auteurs et vu au prisme de principes en fait chrétien – sans l’avouer- il y a de nombreux enseignements à tirer, d’où cette publication sans retouche de fond.

La raison de cette recherche est concomitante à monmariage et l’arrivée de mes premiers enfants: je voulais savoir ce que disait la sagesse universelle quant à l’éducation des enfants, dans notre monde moderne détruits

Par Paul de Lacvivier

 

Communication seconde – Ère Heian (IXe-XIIe siècle)

Première partie

 

Bibliographie étudiée :

– Shigenori KUDO, Le Mariage dans le Dit du Genji (源氏物語の結婚), Tôkyô, Chuô Kôron, 2012

– Sanae FUKUTÔ,  Mère et enfant sous la Royauté Heian (平安朝の母と子), Tôkyô, Chûkô, 1991

– Shûya NAKAMURA, Gouvernement et vie dans la capitale Heian (平安京の暮らしと行政), Tôkyô, Yamakawa Editions, 2001

– Keiko UMEMURA, Histoire de la famille dans l’antiquité (家族の古代史), Tôkyô, Yoshikawa Hrofumi, 2013

– Kikan IKEDA, Vie et culture de la Cour Heian(平安工の生活と文学), Tôkyô, Chikumashob, 2013 (1964)

– Hideki TAKAHASHI, Maison au Moyen-Âge et genre(中世の家と性), Tôkyô, Yamakawa, 2004

Quel genre d’éducation dans l’époque Heian?

 

La teneur des recherches rend quelque peu pauvres les informations que nous avons sur le caractère concret de l’éducation des enfants, qui correspond d’ailleurs essentiellement à une éducation aristocratique. Nous pouvons d’ailleurs déjà remarquer une structure de l’éducation chez les petits enfants qui fait penser aux schémas d’éducation dans les familles nobles européennes, avec par exemple l’existence systématique d’une mère de lait, qui pouvait avoir un rôle très important tout au long de la vie de l’enfant :

 

« Les mères de lait et leur famille, par le simple fait de devenir mère de lait d’un noble de haute extraction ou du Roi, espéraient pouvoir ne serait-ce qu’un peu, monter l’échelle sociale. Il se trouvait comme un rapport vassalique entre la nourrice et le nourri. C’est pour cela que la mère de lait prenait tous ses soins envers le poupon. Les enfants étaient ainsi élevés et éduqués dans leur petite enfance par des femmes d’un rang inférieur. »[1]

 

L’argument avancé par l’auteur sur l’utilisation systématique de la mère de lait évoque des raisons de fécondité de la mère : allaiter de façon soutenue rend infertile le temps de l’allaitement, et les épouses de grandes familles ne pouvaient pas se permettre de rester longtemps infertiles d’où le besoin de mères de lait. Plus prosaïquement, on pourrait plus simplement penser que les épouses de grandes familles avaient aussi de nombreux devoirs à remplir, tant envers la maison, que des devoirs religieux, ou des devoirs publics, ne laissant pas le loisir de s’occuper de tous les soins que requièrent les nouveau-nés :

 

« L’épouse qui gérait l’ensemble des affaires de la Maison, avait pour rôle de pourvoir à l’éducation, au savoir-vivre de l’enfant et de le préparer à pouvoir évoluer dans la société.»[2]

 

Il semblerait en tout cas que le rôle de la mère de lait se bornait à ces soins en question :

 

« Si la mère de lait s’occupait de donner le lait et de s’occuper des besoins du petit enfant, la mère légitime éduquait et inculquait les bonnes manières à l’enfant, dans une répartition entre la mère légitime et la mère de lait des tâches éducatives. »[3]

 

Dans le cas des enfants des maîtresses, l’éducation des premières années se faisait dans la maison de l’épouse, à laquelle les parents pourvoyaient. Il est en tout cas certain que l’essentiel de l’éducation jusqu’à l’âge adulte se faisait à la maison, et non dans des écoles, du moins nous n’en avons pas trace dans les sources étudiées :

 

« Les accouchements se faisaient ainsi souvent dans la famille de la femme. Les parents de l’épouse pourvoyaient souvent à l’éducation et aux besoins de la vie de l’enfant récemment né.»[4]

 

En ce qui concerne l’institution de l’école, il existait une « Université » de modèle confucéen dans la capitale, qui était une véritable école de formation des hauts fonctionnaires d’Etat. Il semble que cela soit la seule institution « publique » de formation et d’instruction. Nous décelons aussi l’existence d’un certain nombre d’institutions d’instruction privée[5], spécifiques et réservées aux membres d’une certaine famille, ou plutôt d’une parentèle, réservées aux hommes et dont l’objectif est de former les successeurs de la Maison, les cadres de la parentèle, si l’on peut dire.

Il serait par ailleurs très intéressant aussi de creuser l’éducation dans les temples et sanctuaires, qui semblent être des centres d’instruction et d’érudition[6].

 

Nous nous heurtons encore ici aux problèmes des sources qui ne se concentrent que sur l’histoire des femmes, et aussi sur l’éducation des femmes. Nous n’avons que peu d’indications sur le rôle du père et l’éducation des hommes. Du moins voici un résumé rapide du rôle du père, somme toute classique et attendue :

 

« Le maître de maison qu’incarne le père et le mari a pour rôle de représenter la Maison face au dehors, et de pourvoir à la vie de chacun des membres de la famille. »[7]

 

Les sources étudiées rappellent aussi souvent l’importance du rite de passage de la majorité, déjà étudié lors de la première communication (entre 12 et 15 ans en fonction du sexe), qui marque l’entrée dans l’âge adulte.

 

Un autre âge charnière semble être celui de 7ans, qui marque la fin de la petite enfance et le début d’une instruction réelle. Cet âge semble se retrouver de façon générale tant chez les antiques occidentaux, qu’aujourd’hui encore au Japon et ailleurs – avec l’entrée au primaire à 7 ans au Japon. Rien n’est dit sur l’éducation en elle-même, mais si nous suivons le bon sens et le modèle traditionnel européen, c’était l’âge de raison où l’on passait de l’éducation des femmes à celles des hommes – pour les garçons du moins. Saint Louis et la plupart des Rois de France ne commençaient ainsi à s’intéresser à l’éducation de leur enfant qu’à partir de leur septième année.

Au point que l’exégèse rapporte qu’au Japon un enfant de moins de 7 ans n’était pas encore considéré comme quelqu’un d’important, avec un certain nombre d’abandons d’enfants, pas simplement des nouveaux-nés, mais aussi des enfants plus grands, jusqu’à 7 ans maximum :

 

« Il n’était pas indispensable pour les enfants en-dessous de 7 ans de réaliser des obsèques officielles. »[8]

 

L’explication retenue est la suivante :

 

« Les études anthropologiques interprètent cette pratique d’abandon des enfants avant qu’ils n’aient 7 ans par le fait que les petits enfants étaient vus comme des existences proches des dieux.  »[9]

N’oublions jamais que la mortalité infantile restait très haute, ce qui explique peut-être en partie pourquoi des obsèques complètes n’étaient pas toujours réalisées. Nous pouvons en tout cas constater que comme en Europe chrétienne, ce furent les ordres religieux qui avaient un fort rôle de charité et d’aide, avec par exemple la mise en place d’hospices et d’orphelinats dans des temples, ordonnés par la Reine[10] ou encore :

 

« La charité, le secours envers les malades et les enfants abandonnés était dévolus à une poignée de religieux. »[11]

 

Pour on ne sait quelle raison, il semblerait que les études « doxiques » ont tendance à voir l’époque comme dure, cruelle, obscurantiste, au-delà du raisonnable et sans vraiment de fondement si ce n’est une certaine naïveté anachronique d’une vie facile, éloignée de la mort et des souffrances, mais qui ne devrait en rien présumer d’une soi-disante cruauté éternelle.

 

« […] Selon Takahashi, deux raisons se trouvent essentiellement à l’origine de l’adoption des enfants. Une première […] consiste à prendre soin, comme nouveau tuteur, d’un enfant devenu orphelin, et la seconde […] de tenter d’acquérir une bonne et haute position politique. Si l’adoption au onzième siècle est plus « une adoption pour l’enfant », le douzième siècle serait le début de « l’adoption pour la Maison ». »[12] Volonté destructrice face à la Maison de l’historiographie contemporaine ?

 

Puisque les sources insistent essentiellement sur les femmes, nous allons maintenant présenter rapidement l’éducation aristocratique tout en raffinement des courtisanes.

 

Education aristocratique et idéal éducatif : former des bonhommes, édifier les âmes

La première école des femmes pendant l’ère Heian était d’abord la Cour, lieu de l’excellence dans les arts, le raffinement et le savoir-vivre. Faire entrer sa fille au service de la Reine et de la Cour était la garantie de fournir la meilleure éducation possible à l’époque :

 

« Faire entrer comme servante sa fille au Palais ne cherchait pas seulement à assurer l’ascension sociale de sa fille. Il faut bien se rappeler qu’une immense importance était accordée à la grande culture et au raffinement de la Cour dont pouvaient profiter les servantes au cours de leur service. »[13]

 

Plus que l’ambition sociale ou le désir de réussite dans le monde, on cherchait à former le caractère et l’expérience grâce au contact d’un milieu favorable, lieu où le fin du fin se rencontrait et interagissait :

 

« La lettre en question présente le sens du service au Palais des femmes selon la courtisane Sei Shônagon. Pour elle, ce service ne constitue pas simplement une occupation rémunérée ou un travail, mais correspond, si l’on faisait une analogie à l’époque contemporaine, de profiter d’une éducation supérieure dans un lycée ou au-delà. Au cours de leur service, ces femmes élargissent leur champ de vision et d’expérience, approfondissent leur culture et leur raffinement, en affermissant tout autant leur caractère féminin. »[14]

 

L’autre lieu d’érudition et d’études qui pouvait permettre de sortir du monde et de se vouer à un dessein supérieur était la vie monastique, comme ce que la vie de clerc ou de moine pouvait représenter en Europe. Le point intéressant consiste pour l’époque Heian de constater que selon toute vraisemblance la vie de la Cour se trouvait encore au-dessus de la vie monastique, en son sens de perfectionnement moral et spirituel, marquant à la fois l’excellence de la Cour et, à la différence de l’image négative qui peut exister en Occident sur la vie dissolue de la Cour, une moralité certaine, et même plus, un lieu de perfectionnement spirituel. La Cour était le lieu Sacré et pur constituant un lieu même peut-être plus propice que le monastère pour sortir du monde en entrant dans son centre le plus intime, puisque toutes les décisions légales étaient prises en son sein, centré sur la figure du Roi :

 

« De cette façon, soit on abandonnait le monde pour prendre les habits de moniales dans un temple bouddhique, soit on recherchait un monde encore plus élevé et inaccessible de ce monde. Cet univers idéal et sublime dans ce monde, comme nous l’avons déjà dit, n’était rien d’autre que le monde de la Cour.  »[15]

 

L’étude de l’époque permet ensuite de souligner l’importance de la beauté dans l’éducation des femmes : toute aristocrate se doit d’être belle. Simplement, à la différence des considérations contemporaines superficielles de la question, la spiritualité de l’époque rappelle la place de la beauté, qui bien plus qu’une certaine beauté physique, est avant tout le reflet d’une vertu morale. La beauté se trouve être un tout connecté à chaque instant de sa vie :

 

« La beauté des femmes de l’époque ne se concevait absolument pas comme une chose indépendante ou isolée, elle existait au contraire au sein de la réalité environnante comme un médiateur apaisant vecteur d’harmonie, qui n’existait ainsi que dans un état synthétique et global. »[16]

 

Cette beauté toute humaine ne se trouve pas dans la nature, et elle est foncièrement artificielle, en ce sens qu’elle est le résultat des vertus de bonté et de grande moralité, toutes qualités foncièrement humaines et n’existant pas telles quelles dans la nature :

 

« Dans tous ces domaines [arts, actes quotidiens, etc], elles cherchent ainsi à produire une beauté artificielle [non-naturelle/humaine]. Cette beauté esthétique et physique en vînt ainsi à exprimer une attitude de l’âme, et ainsi se trouver intimement reliée à la beauté spirituelle, à la beauté de l’âme. »[17]

 

Il ne faut pas voir une opposition avec la nature, mais plutôt un accent mis sur la particularité humaine dont la beauté n’est qu’un mode d’expression, voire d’incarnation, de vertus qui n’existent que dans le domaine humain. La beauté intérieure, la beauté de l’âme ne peut que nécessairement, et par là naturellement, s’exprimer dans la réalité physique et concrète :

 

« Cette spiritualité intérieure se reflète ainsi d’elle-même et naturellement dans la beauté extérieure. Forme et fond, cœur et corps fusionnent, constituant les délices de la beauté féminine. »[18]

 

Le but ultime de l’éducation : édifier les âmes et former de bons hommes

 

Kikan Ikeda cherche ensuite la raison profonde l’éducation, en fondant son analyse sur l’éducation des femmes qui permet de révéler l’essence de l’éducation.

 

« J’aimerais maintenant réfléchir sur la place de la tradition éducative des femmes dans notre pays, quel est son esprit, quel est le sens qu’elle porte dans le passé, le présent et pour l’avenir de notre nation nipponne. »[19]

 

Il constate d’abord qu’une femme ne doit pas spécialement s’instruire des sciences chinoises, ou se spécialiser dans les études propres d’une Maison (son métier), domaine réservé aux hommes, qui doivent continuer le métier de la Maison et servir la Maison du Japon, c’est-à-dire la Maison royale, ce qui nécessite souvent une certaine érudition et instruction des sciences chinoises :

 

« Cela signifie qu’une femme ne pouvait pas hériter en tant que telle de la science développée par une Maison. »[20]

 

Ici s’applique le principe de 和魂漢才 wakon-kansai « Sciences chinoises, génie nippon » dans toutes les études des sciences : le but des aristocrates hommes dans l’étude des sciences chinoises était de conserver et de sublimer, de perfectionner l’esprit nippon, il ne fallait en rien se perdre dans l’érudition stérile ou la dissolution de son identité, dangers forcément présents. Les femmes, qui n’apprenaient pas systématiquement les sciences chinoises, avaient l’honneur et la chance de ne pas être tentées de perdre l’âme nipponne, qu’elles cultivaient au contraire à longueur de journée en se concentrant sur leurs arts particuliers.

Deux choses à retenir ici : d’une part, étudier les « sciences » n’était pas du tout vu comme une sorte de privilège ou de supériorité, mais plutôt comme une nécessité, avec ses dangers réels, qui pouvait détourner de sa propre identité et de la voie du bien en se perdant dans l’érudition. La hiérarchie des valeurs était inversée par rapport à la doxa occidentale classique ; d’autre part, il n’était pas non plus interdit aux femmes d’apprendre les sciences, mais ce qui était mal vu était de s’y perdre :

 

« Cela ne veut pas dire qu’il est interdit, ou qu’il ne faut pas qu’une femme étudie les sciences érudites. S’il est vrai qu’elles ne chercheront pas à étudier en propre et par volonté propre, une femme avec quelques talents ne manquera pas d’acquérir naturellement les fondamentaux des sciences et du savoir chinois et il n’était en rien considéré comme bon de réfréner cette acquisition de connaissance, au contraire. Les critiques visent juste les voies de l’érudition, ardue et de longue haleine, comme celle des 5 classiques ou des 3 annales, nécessitant une recherche poussée et la spécialisation qui sont en font un métier à part entière ne laissant plus de temps au reste, avec en plus l’attitude de vouloir étaler sa science, toutes choses et attitudes critiquables en ce temps. »[21]

 

Tout cela permet déjà de distinguer une conception de l’éducation distincte de celle d’instruction, cette dernière ne se trouvant ni une fin en soi, ni uniforme, mais conditionnée à une fin supérieure. Ensuite l’auteur distingue les matières fondamentales de l’instruction des femmes de la Cour :

 

« Nous comprenons ainsi avec les exemples précédents que les trois matières obligatoires et fondamentales de l’éducation des femmes pendant l’époque Heian étaient écriture, musique et poésie japonaise. »[22]

 

Ikeda précise tout de suite que ces matières ne constituaient en rien de simples occupations d’aristocrates oisifs, sans utilité réelle et juste pour le plaisir des sens, mais bien des savoirs indispensables pour remplir leur rôle à la Cour et vivre en société :

 

« On pourrait penser que ces trois matières de l’écriture, de la poésie et de la musique n’ont rien à voir avec la vie pratique et constituent des occupations superflues, inutiles et de lucres qui se rattachent à des loisirs de gens oisifs. Pourtant, à y regarder de près, nous nous rendons compte que ces matières ne sont en rien ni inutiles ni des lubies superflues, mais qu’au contraire ces matières constituaient des bases indispensables pour vivre en tant que femme de haute extraction à la Cour. Les interactions sociales passaient forcément par les échanges de lettres, nécessitant maîtrise et talent dans l’écriture des caractères, ainsi que du talent dans la composition des poèmes, constituant l’essentiel du contenu de ces lettres et de leur qualité. Encore dans toute rencontre physique ou réunion, le chant et la déclamation de poème se faisaient de façon habituelle et quasi-systématique, qui en faisait tout sauf une occupation accessoire et inutile. Cette éducation n’était pas qu’utile, on peut dire qu’elle constituait une éducation nécessaire et fondamentale pour éducation réellement pratique et ancrée dans le réel. »[23]

 

On pourrait ajouter aussi le rôle religieux qui ne devait pas certainement être absent de la poésie de la musique, vue aussi comme offrandes aux divinités.

L’utilité pratique ne constitue pas cependant la raison fondamentale de cette instruction, qui, derrière le besoin dans la vie de tous les jours, cherche avant tout à édifier les âmes et former de belles personnes :

 

« Si on approfondit encore le sujet, nous nous rendons compte que l’éducation des arts pendant l’époque Heian, à savoir poésie, écriture et musique, ne se satisfaisait pas simplement d’une maîtrise et d’une excellence, qui, une fois acquises, suffiraient de façon définitive. Les artisans et les artistes qui possèdent la maîtrise de leur art de façon inégalable et indiscutée, un passage supprimé donnent des musiciens virtuoses, des poètes et des écrivains qui n’ont absolument pas pour but d’être simplement « cultivés » ou parfaitement « opérationnels ». Se perfectionner dans un art ou une technique, qui donne une excellence pratique et utile, ce qui avait certes son importance, permet en réalité de réaliser une chose bien plus essentielle que toute utilité pratique, celle de construire, d’édifier par l’éducation un caractère complet et abondant, de former l’âme. En bref, l’objectif de l’instruction de l’écriture, de la poésie et de la musique ne vise à rien d’autre que d’édifier une femme bonne et honnête. L’éducation des femmes ne consiste ainsi pas simplement à instruire les femmes et leur donner certaines compétences pour former des artisans/artistes – quelque soit la technique ou la matière en question – mais bien, grâce à l’éducation, à former une femme bonne et honnête, entière et complète, pour édifier une « femme » dans toute son authenticité. »[24]

 

Nous avons ici l’expression profonde de l’essence de l’éducation qui va au-delà de l’instruction : bien loin de toute érudition stérile ou de spécialisation aride, d’une évacuation du réel au profit d’une connaissance extensive et des idées désincarnées, pente dangereuse de l’idéalisme ou de l’instruction pour l’instruction, qui fait de la fin de l’étude la connaissance ou la science en elle-même, en oubliant le bien et le bon, et avec eux la réalité. Cette éducation se trouve aussi distincte et séparée d’une instruction complétement pratique et commandée par la dictature de l’utilité, ce qui conduirait à une aridité tout aussi grande et dévastatrice que la pseudo-connaissance ésotérique fondatrice de toutes les idéologies : avec l’oubli persistant de la fin qui doit diriger la vie humaine, à commencer dans l’instruction, la vision de la vie se réduit comme peau de chagrin dans une conception de l’utilité sans attaches avec les fins spirituels et métaphysiques, confinant à une sorte de matérialisme et de relativisme compulsifs qui laissent sans bornes la démesure humaine. Nous avons ici les deux critiques de l’éducation moderne occidentale post-révolutionnaire, entre matérialisme et idéalisme, sans compter les illusions du progrès, de la science, de la démesure et de la croyance de la supériorité de la logique sur toute chose.

L’époque Heian rappelle une conception traditionnelle de l’éducation, l’instruction n’est jamais une fin en soi, mais seulement un moyen, qui peut se trouver accessoire, voire qui peut aller contre la fin désirable et poursuivie d’édification des âmes pour former de bons hommes. Cette édification bien faite se relie naturellement aux exigences pratiques de l’éducation, puisqu’être un bon homme passe par être bon au jour le jour dans ses activités, à commencer par le simple fait de pouvoir vivre de ses efforts et de son travail, tant qu’ils sont bons. Tout cela restant subsumé à la fin supérieure du Bien, du Salut, dirait-on en contexte chrétien.

Il n’existe pas non plus dans cette ère Heian de hiérarchie qui placerait l’érudition au-dessus d’une âme bien faite, bien au contraire, peu importe son degré d’instruction, tant que l’on est bon :

 

« Pendant l’ère Heian différence était faite entre ceux qui savaient beaucoup de choses, et ceux qui comprenaient bien. A la lecture de « Dit du Genji », le lecteur se rend assez vite compte et en toute clarté que l’on considérait que savoir beaucoup de choses n’était pas valorisé, voire même considéré comme une chose ennuyeuse. »[25]

 

L’érudition stérile ne peut être qu’objet de méfiance, et de détournement de la Voie spirituelle que tout homme doit suivre. Le but ultime de l’éducation se trouve dans l’édification de belles âmes, et l’instruction n’a ni à être uniforme, ni absolue, elle n’est qu’une composante, qu’un moyen tourné vers un bien supérieur. Ce moyen détourné de la fin devient ainsi dangereux et condamnable. Plus que savoir, il faut bien comprendre :

 

« L’important, bien plus que de savoir, était de bien comprendre. Ce qui était précieux, bien plus qu’une connaissance encyclopédique des choses de la Chine, était de posséder une bonne âme toute d’humanité et de charité, c’est ce que nous apercevons du moins comme sens dans les sources étudiées. »[26]

 

D’où le critère permettant de déterminer la réussite ou non de l’éducation, loin de tout « niveau d’étude » ou de degré « d’érudition » :

 

« Ces divers points révèlent en tout cas que le but de l’éducation féminine ne se trouve pas dans l’acquisition des sciences, mais que tout l’enjeu se trouve sur la capacité de ces sciences à édifier les hommes : là était recherché l’essentiel et la substance de l’apprentissage des sciences. »[27]

 

Ce critère s’applique selon toute vraisemblance aussi aux hommes, qui ont le malheur de devoir s’exposer, pour les besoins du service au bien public, à des tentations d’érudition oisive ou stérile, pouvant détourner de la nécessaire édification des âmes. Une personne bien éduquée est une personne qui est bonne dans toutes les parties de sa vie, qui est dotée des vertus qu’une bonne éducation a fortifié et ancré dans les cœurs :

 

« La Princesse Akashi nous expose son idée de l’éducation en contant que tout ce qui fait la femme consiste non pas dans l’obsessive partialité d’une opinion trop campée, mais dans la possession d’une âme bien faite à l’intérieur qui permet de se trouver tout de rond à l’extérieur dans chaque aspect de sa vie. »[28]

 

Figure d’humilité, de modestie et de bienveillance, signe de la véritable noblesse d’âme, qui resurgit aussi dans la beauté extérieure :

 

« Bien que je sache, je feins de ne pas savoir pour mieux servir bienveillamment, je ne babille pas tout pour ne pas importuner, voilà ce qu’elle enseigne, la façon de bien se tenir, même si cela est difficile. A l’intérieur une honnêteté intègre et incorruptible, et en plus à l’extérieur une attitude d’humilité, d’authenticité fidèle et de mesure qui constitue la bonhomie magnifique.»[29]

 

L’auteur termine enfin sa description de l’éducation sur une analyse intéressante de la beauté de la « soumission » au sens positif du terme, sens complétement oublié en Occident, et qui désigne finalement cet acte d’amour et de confiance qui consiste à se mettre « sous la main » de la personne aimée. Cet acte de soumission investit celui qui a la charge du soumis d’une mission immense en rapport avec le caractère entier et complet de la soumission, qui peut aussi se voir comme une remise de soi-même à autrui. La « soumission » dans l’épître de Saint Paul sur le mariage qui fait l’analogie entre la soumission de l’épouse au mari et celle de l’Église envers le Seigneur, comme de tout homme envers Dieu, rappelle que cette soumission volontaire ne se fait que grâce au Sacrifice du Seigneur pour son Église dans la Passion, comme le mari se sacrifie pour son épouse, sa chair, et pour sa famille. La soumission devient ainsi un acte pur d’amour et de confiance. L’interprétation japonaise relie la soumission à cette capacité « d’harmonie », qui comprend humilité, bienveillance, confiance et concorde, dont le point commun avec la conception chrétienne de soumission se trouve peut-être dans ce caractère bien loin de tout rapport de force, ou de domination, ou de pression extérieure, mais bien au contraire dans cet élan intérieur et volontaire d’amour et d’humilité dans l’harmonie de la belle personne :

 

« Comme nous l’avons déjà dit, la vertu pour les femmes de l’ère Heian se résume dans les mots de Genji dans le « Dit du Genji » […] : « Femme, soumets-toi aux trois figures ! », ce qui signifie en clair, selon l’enseignement confucianiste, la « soumission au père pendant l’enfance, la soumission au mari dans le mariage et la soumission à ses garçons dans le veuvage ».  Je crois que cette pensée de Chine s’est mêlée et a fusionné avec une autre pensée, une spiritualité particulière au Japon. Cette spiritualité particulière voit l’esprit de soumission comme l’idée englobant les diverses vertus de bienveillance, d’humilité, d’harmonie et de concorde, et d’authenticité probe. Si cette spiritualité pouvait se manifester par un mot, celui d’«harmonie », alors ces vertus présentent selon toute vraisemblance l’idéal de l’éducation des filles pendant l’ère Heian, unies par la spiritualité d’harmonie. »[30]

 

On pourrait noter que cette exigence de soumission volontaire, ou de sacrifice, se retrouve aussi pour les hommes face à leurs suzerains, et aux hommes envers le divin, dans un ordre harmonieux[31].

 

Tout se relie ainsi dans l’éducation, qui n’est pas une sphère à part et indépendante, mais qui se situe dans un tout, sur la Voie du Bien. Ainsi par exemple la beauté ne peut se séparer de la beauté divine, et explique pourquoi tout art beau est forcément religieux dans son essence, puisque le beau reste toujours une expression du divin et une expérience du divin, dans une simplicité sublime et inimitable :

 

« Ce genre de foi pieuse naît dans le scintillement des statues de Bouddha et la magnificence belle des peintures murales. Pour les gens de cette époque, une chose qui n’était pas belle ne pouvait pas être bienvenue. Il était inconcevable que le laid devienne objet de foi. La Joie purement religieuse se trouve vécue pour la première fois dans l’expérience du beau sublime. C’est là que se trouve l’union naturelle des arts et de la religion en harmonie subtile, dans un univers sublime et de toute simplicité.  »[32]

 

L’éducation aristocratique de l’ère Heian, en conclusion, représente un modèle d’éducation dirigée vers un Bien, qui propose le mieux de son époque, et a vocation à être imité et à se répandre partout chez les hommes. La noblesse n’est plus là ni un titre, ni une invention humaine, mais une charge réelle exigeant de marcher devant et diriger les sujets pour que tous soient toujours plus nobles dans leur cœur. La force extraordinaire se trouve peut-être illustrée dans ces cours aristocratiques de tout éclat où le nombre de personnes exceptionnelles se succèdent, là où il ne doit pas y avoir plus de naissances exceptionnelles qu’ailleurs, en termes de pures potentialités : tout homme bien édifié marche mieux sur la bonne voie, et il n’y a pas qu’une seule façon ni d’instruire, là où la fin n’en reste pas moins une.

(à suivre)

[1]     Sanae FUKUTÔ,  Mère et enfant sous la Royauté Heian (平安朝の母と子), Tôkyô, Chûkô, 1991, p.139/140« 乳母と夫は、天皇の乳母 とその夫や親族・子どもたちが高い地位に昇ったように、それぞれの階層で、少しでも高い地位や、安定した生活物資を手に入れるために、乳母 になるのである。そこには常に臣従関係が介在している。ゆえにこそ大切にかしずき世話をする。子どもたちにとっては、一段低い階層の女性たちにかしずかれ、育っていくのである。 »

[2]     Ibid, p.153 « 家の中を取りしきり統括する妻は、子どもの養育、教育、社会への出立の準備なども、その役割として分担していたのである。 »

[3]     Ibid, p.149/150 « 乳母が、乳幼児の授乳から身の回りの雑用をするに対して、子どもしつけ、教育などは、乳母とともに母親が分担したのであろう。 »

[4]                 Ibid, p.158 « その結果として子どもの出産は、妻方で行われることが多かった。子どもの養育や生活の援助も、妻の両親によってなされること多い。 »

[5]                 Kikan IKEDA, Vie et culture de la Cour Heian(平安工の生活と文学), Tôkyô, Chikumashob, 2013 (1964), p.18

[6]     Il ne fait pas de doutes que les institutions religieuses avaient aussi un rôle éducatif, et constituaient en tout cas des lieux d’érudition. Cf communication ultérieure.

[7]     Ibid, « 家の主である夫や父は、対社会的に家を代表し、社会に責任を負い、家族員の生活を支えなければならない。 »

[8]     Ibid, p.201 « また七歳は、一つの区切りであり、それ以下は葬送も不要であった。 »

[9]                 Ibid, p.180 « この七歳以下の子どもを捨てる習俗の解釈をめぐって民俗学では、神に近いと考えられていたからである、との説が一般的なようである。 »

[10]   Ibid, p.173.

[11]   Ibid, p.178 « 病人や捨て子などの救済は、まずきわめて一握りの宗教者によって担われたのである。 »

[12]   Ibid, p.185 « このように、道長は、実子がいたのに多くの子どもを養子にしている。高橋氏による、道長の場合は、主に二つの理由で養子を取る。ひとつは、倫子の妹の子を養子にしたように、母や父の場合を亡くした子どもの後見のためであり、もうひとつは、孫兼頼にみられるように、道長の子どもとすることで高い政治的地位が獲得できる、政治的養子である。この二つの要因から観て、十一世紀の養子は「子どものための養子」であり、十二世紀になり「家のための養子」が始まるとされている。 »

[13]   Kikan IKEDA, Vie et culture de la Cour Heian(平安工の生活と文学), Tôkyô, Chikumashob, 2013 (1964), p.58 « 宮仕えの目的は、けっして単に立身出世にあるのではありません。このほかに、宮廷において、高い教養が求められたということが、最も重要なものとして考慮されねばならないのです。 »

[14]   Ibid, p.59 « これは清少納言が、宮仕えの意義を説いたものですが、この文によって見ますと、宮仕え、単に職業というだけではなく、現代的に言うならば、女子の高等教育の機会です。宮仕えにおいて、女子の見聞が広められ、教養が深められ、また人格が鍛えられるのです。 »

[15]   Ibid, p.61 « こうして、一にはこの世を捨てて仏門に帰し、一には現世における、より高い世界を思慕することになったのです。そして、現世における理想的な最高の世界というのは、前にも述べたように、実に宮廷にほかならなかったのです。 »

[16]   Ibid, p.180 « 当時の女性の美しさは、けっして孤立したものではなく、周囲との調和の中にのみ存するものであって、いわば総合の上にあるものです。 »

[17]   Ibid, p.200/201 « すなわちこれらのものに人工的な美しさを出そうとするのです。それで、いきおい容色の美は、その人の心ばえ、すなわち精神と密接な関係を持つことになってきたのです。 »

[18]   Ibid, p.201 « これらの内部的な精神性は、おのずから外部的な容色としてあらわれます。その心と姿との融合した境地に、女性の容姿美があるわけです。 »

[19]   Ibid, p.218 « 我が国の女子教育の伝統に、どのような地位を占めているか、またその精神は、日本民族の過去・現在・将来にどんな意義を持っているか、というようなことについて述べたいと思います。 »

[20]   Ibid, p.219 « 女子にはその家の学問を伝えることができなかったことを意味しております。 »

[21]   Ibid, p.223 « 女が学問をしてはならぬというわけではない、またわざと習うというわけではないけれども、少し才のある人であれば、しぜんに会得することもあるだろう、だからそういうことをとめるわけにはいかない、しかし、三史・五経というような、道々にむつかしい学問を専門に研究して、その研究したものを、残るところなく外に現してしまうような態度は、けっして賞揚すべき態度ではないと批評しているのです。 »

[22]   Ibid, p.225 « 以上の諸例のように、平安時代の女子の教育の科目は、学習・音楽・和歌が、いわゆる必修科目というようなものであったことがわかります。 »

[23]   Ibid, p.229 « ところで、学習・和歌・音楽といったのは、いかにも実際生活とは関係のない、むだな、ぜいたくな、いわば趣味に類する科目であるかのように一応考えられないでもありません。しかし仔細に調べてみますと、それらけっしてぜいたくな余計な教科目は、その当時の上流の婦人にとっては生活上欠くべからざるものでした。というのは、当時の社交生活では、手紙というものは避くべからざるものであり、手紙にはじょうずな手蹟、じょうずな和歌が必ず要求されましたし、また人と会っても、席上において和歌を唱和するのが常であったのですから、ぜいたくどころではありません。そういうときに役だたせるために、必要な、いわば実用教育であったとさえいうことができます。 »

[24]   Ibid, p.230 « しかしさらに考えてみますと、それでは平安時代の芸術教育即ち和歌・学習・音楽、それらのものは、単に優れた技術を習得させればそれでよいという意味のものであったでしょうか。元来技術家は、その方面に非常に長けた技量をもっているのですが、女子教育はそうした技術家、すなわち書家とか、音楽家とか、歌人とか、そういう人を養成するためになされたかというとけっしてそうではありません。なるほど実用的に見て、そういう技術に長ずることは、たいせつなことでしたが、それよりもいっそうたいせつなことはそうした教育によって豊かな円満な人格をつくり上げるということ、つまり和歌・習学・音楽、そういう学課を修練することによって、りっぱな婦人をつくり上げるということが、目標とされていたのです。けっきょく女子教育の目的は単なる技術家の養成にあるのではなく、―その技術もさることばがら、―それよりも、そのことによってりっぱな、完全な、「女性」をつくり上げることであったと思われます。 »

[25]   Ibid, p.231 « 平安時代には、物知りということと、わかりのよい人ということとの間には区別があって、単なる物知りではつまらないと考えられていたことは、『源氏物語』などを見ても明らかにわかります。 »

[26]   Ibid, p.231 « 物知りよりも分かりのよい人がだいじである、漢学の知識よりも人間らしい心が大事である、そういう意味であろうかと察せられます。 »

[27]   Ibid, p.231/232 « それらの点から見ても、少なくとも学問そのものは、女子教育の目標ではなくして、その学問がいかに人間をつくるに役立つかという点で、学問の重要性が認められていると考えられるのです。 »

[28]   Ibid, p.237 « すべて女というものは、なにか一かど立てて、それに偏してしまう、というようではいけない、ただ心の中に、しっかりとしたものをもっていて、しかも外面はなだらかにしているのがよいのだということを、明石姫君の教育方針として語っています。 »

[29]   Ibid, p.237 « 自分は知っているけれども知らないような風にもてなす、全部しゃべってしまわない、そういうふうにするのがよいのであるが、むつかしいものである、ということを教えています。内に堅固な志操を持して、しかも、外には中庸・謙譲・誠実な態度をとるのがりっぱであると教えているのです。 »

[30]   Ibid, p.238 « 前に述べたように、平安時代の女子の美徳とされたものは、『源氏物語』の藤袴の巻で、源氏の君が「女は三に従うものにこそあなれ」といっているように、儒教のいわゆる「幼従父、既嫁従夫、夫死従子」という思想が、日本固有の思想と結合したものではなかろうかと考えられます。服従の精神は、寛容・謙譲・調和・誠実、そういったさまざまの美徳を包含しています。もしその精神を「和」という語で表しうるならば、「和」によって統一された人格が、平安時代の女子教育の理想であったろうと考えられます。 »

[31] Et en accord étonnant, comme vérité naturelle, avec la conception de la mission d’aide e la femme développée par la Genèse, et sublimée dans le mariage chrétien et l’analogie paulinienne du mariage mystique de Jésus et de son Eglise avec les relations de soumission de l’épouse et de sacrifice de l’époux.

[32]   Ibid, p.292 « このような信仰心は、金色に輝く仏像の美しく崇高な相貌や、燦爛たる壁画などの中から生まれています。かれらにとっては、美しいものでなければ、ありがたいものではなかったのです。醜なるものは信仰の対象とはなりませんでした。宗教的法悦は、美の絶対境において、はじめて体験されたのです。ここに芸術と宗教との調和融合して至高至純な世界があります。 »

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