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L’abbé Jaime Balmes contre le socialisme, par Jean de Fréville

L’abbé Jaime Balmes (1810-1848) est un prêtre catalan qui, n’en déplaise aux indépendantistes du jour, écrivait principalement en espagnol. On lui doit d’excellents ouvrages d’apologétique, de philosophie et d’histoire, entre autres, en plus d’avoir été un apôtre du néo-thomisme au XIXe siècle.

D’une activité prodigieuse et d’une œuvre colossale en dépit de sa mort prématurée à un peu moins de 38 ans, son génie l’a fait s’intéresser à un vaste champ de connaissances, en demeurant toujours parfaitement catholique.

Parmi les thèmes ayant attiré son attention, il y a eu le socialisme, qui n’en était alors qu’à ses débuts : celui du socialisme utopique. Karl Marx était encore jeune homme et, à moins de regarder vers son modèle que furent la Terreur et Babeuf, le socialisme n’était alors que théorique, avant ses premières applications – encore timides – de 1848.

Quand l’abbé Jaime Balmes consacre au socialisme en 1844 une étude en plusieurs articles, il s’intéresse spécialement à L’Utopie de Thomas More, qui a donné son nom au socialisme utopique sans être une œuvre socialiste (l’auteur espagnol le montre bien), ainsi qu’à Robert Owen. Comme la franc-maçonnerie et la Révolution dite « française », le gros du socialisme est effectivement venu d’Angleterre, ce que l’on oublie trop souvent… Au tournant entre XIXe et XXe siècles, un orateur carliste antibritannique, Juan Vázquez de Mella, pouvait avec raison dénoncer le lien nécessaire entre libéralisme et socialisme : ce n’est pas pour rien, il s’agit de la simple vérité.

Jacques Balmes nous paraît donc en prophète lorsqu’il écrivait en 1844, en guise de préambule à son court essai sur Le Socialisme :

« Le socialisme, ou bien cette école de philosophie qui se propose de détruire l’ordre social actuellement existant, pour le reconstruire sur des bases nouvelles et d’après un autre plan, est un objet digne de fixer l’attention de tous les hommes qui pensent, qui ont quelque amour pour l’humanité. On se tromperait étrangement en effet si l’on regardait ces novateurs comme les misérables jouets d’un fanatisme aveugle qui, jetés en dehors de toutes les voies par un orgueil insensé, ne laissent après eux aucune trace de leur passage. Il est certain qu’on n’a réalisé nulle part, qu’il est même impossible de réaliser leurs systèmes, qu’ils se sont renfermés jusqu’à ce jour et que probablement ils se renfermeront encore pour longtemps dans la sphère de la spéculation et de la théorie ; mais la semence qu’ils jettent à tous les vents de l’opinion tombe au hasard sur une terre qui la reçoit avec avidité et qui peut la féconder, il faut savoir le reconnaître, le jour où la Providence aura résolu de déchaîner sur le monde des bouleversements jusqu’alors inconnus1. »

Nous avons ici, tout d’abord, une définition basique du socialisme : une « école de philosophie qui se propose de détruire l’ordre social actuellement existant, pour le reconstruire sur des bases nouvelles et d’après un autre plan ». Cela s’applique à l’État aussi bien qu’ à la société dans son entièreté, à la famille, etc. Partout le socialisme, fruit de la Révolution, veut détruire l’œuvre de Dieu.

Ensuite, nous avons une annonce prophétique qui, depuis, s’est largement vérifiée : le caractère inéluctable de la pratique socialiste, le fléau qu’il incarnerait dans diverses révolutions, la Commune de Paris, la révolution d’octobre 1917, l’URSS, etc., et cela jusque dans le libéralisme et le matérialisme contemporains qui ne sont que des formes légèrement distinctes de socialisme.

Le socialisme inquiétait alors, en 1844, quelques observateurs, mais davantage en théorie qu’en pratique. La très grande partie des commentateurs, l’archi-majorité de l’humanité, ne le prenaient guère au sérieux.

Nous autres, par force, n’avons plus trop le choix : nous sommes en plein dedans, et ça sent très mauvais. Mais le connaissons-nous suffisamment, ce socialisme ? Ne serions-nous pas des socialistes malgré nous, en nous vautrant dans le matérialisme par l’habitude terrible que nous en a donné la praxis si célèbre des révolutionnaires modérés… ?

Jean de Fréville


1Abbé Jaime Balmes, Le Socialisme, rééd. Larroque-Engalin, Éditions du Drapeau blanc, coll. « Tradition hispanique », 2022, article i : « Effet que produisent les doctrines socialistes », p. 9.

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