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[Saga Autarcie] Article 15 – Du fonctionnement du régime monarchique pendant l’ère Edo – 1 – Du rôle sacredotal du Tennô

L’étude suivante se compose de 18 articles se suivant, à paraître à rythme hedomadaire. Articles précédents

Article 1 de la saga: L’autarcie au Japon ou le Sakoku 鎖国, première approche

Article 2 de la saga:  Les origines de l’autarcie nipponne

Article 3 de la saga:  Les origines du mot  d’ « autarcie » au Japon

Article 4 de la saga : Autarcie, question de point de vue

Article 5 de la saga : L’autarcie, politique pratique pour la protection du pays, tout simplement

Article 6 de la saga : De l’autarcie à l’ouverture du pays – toujours pour la protection du pays et pour le service du divin

Article 7 de la saga : L’influence de la pensée autarcique en Europe : Fichte contre la pensée kantienne

Article 8 de la saga :  Chauvinisme et pensée du Joi à la fin de l’ère Edo

Article 9 de la saga :  L’autarcie comme prolongement du chauvinisme légitimiste, réflexion sur la souveraineté

Article 10 de la saga :  Au centre et à la source, le Roi, autarcie et chauvinisme n’étant que des politiques pratiques.

Article 11 de la saga : La pression extérieure et la non-évidence de l’ouverture du pays : la signature des traités

Article 12 de la saga : L’union autour du Roi au-delà des dissensions superficielles : de l’idée chauvine purement défensive à l’idée chauvine de défense par l’expansion

Article 13 de la saga : Le chauvinisme, le vrai, comme amour de son pays, comme sentiment sain et nécessaire

Article 14 de la saga : Mise en parallèle et Contraste en Restauration Meiji et Révolution Française

Pour finir, nous nous attarderons sur un sujet qui peut sembler connexe au chauvinisme et à l’autarcie mais qui lui est profondément lié : le fonctionnement institutionnel de l’époque Edo, et de son évolution vers la restauration, grâce à la place du Roi sacré et absolu. Le chauvinisme, mère de l’autarcie, ne peut en effet se comprendre pour cette époque au Japon sans son lien avec la « vénération au Roi », seconde mamelle autour de laquelle tout Japonais se retrouvait, et s’est toujours retrouvé au cours de l’histoire, du moins spirituellement et dans les annales :

« La figure du Tennô est invisible durant l’ère Edo. Le contraste est grand avec la période suivante où le Tennô Meiji entreprit volontairement de grandes visites à travers tout le pays, dont la figure de « Grand Empereur Meiji » apparaissait régulièrement dans les manuels, autant d’éléments rendant sa figure largement et profondément connue à travers le peuple. Sans même avoir besoin de comparer le Tennô de l’ère Edo avec celui après Meiji, il suffit d’aller chercher d’autres moments de notre passé pour apercevoir la figure bien visible des  Tennôs, sur le devant de la scène, comme par exemple le Tennô Tenmu qui sortit victorieux du trouble de Jinshin (672) et amorça ensuite l’établissement du système antique des codes et des lois, ou encore le Tennô féminin Kouken Tennô, ou encore Gosanjô Tennô qui proclama l’édit du règlement des Shôen [les terres de Cour], ou encore le Tennô retiré Gotoba qui combattit le Bakufu de Kamakura pendant les troubles de Shôkyû et fut exilé à Oki, ou encore le Tennô Godaigo pendant la période des Cours du Nord et du Sud.

Cela vient certainement du fait que le Tennô, qui exerce lui-même le pouvoir, posséda souvent un rôle de premier plan dans les luttes politiques pour l’exercice du pouvoir, démontrant ainsi dans les manuels d’histoire du Japon une présence importante. »[1]

Cette époque semble a priori poser problème comme par l’existence d’une double légitimité, une du côté du Shogoun, sorte de lieutenant général du royaume et de suzerain suprême des chevaliers, et le Tennô, Roi sacré, qui concentre le rôle de chef du sacerdoce tout en fondant l’ordre dans toute la société par l’octroi des noms et des titres de noblesse. En réalité, l’opposition n’est qu’apparente : sans jamais velléité d’usurpation, la Cour – la société des nobles autour du Roi – conserva la légitimité, tout en confiant l’exercice du pouvoir au Shogoun, titre, d’ailleurs, octroyé par le Roi et qui signifie Grand général (pour la soumission des barbares dans sa traduction extensive).

Le Bakufu fit néanmoins en sorte de s’accommoder la Cour en la restreignant essentiellement à un rôle sacerdotal, honorifique et culturel/scientifique, sans pour autant jamais renverser la légitimité, qui donc laissait en substance la réalité du pouvoir absolu du Roi, ainsi disponible pour récupérer le mandat donné en cas de difficultés, ce qui se passa pendant la restauration. Cette période d’Edo, loin d’avoir affaibli la Cour, fut au contraire une période de presque de trois siècles de récupération et de restauration après deux siècles d’extrême faiblesse dans un pays en guerres claniques, avec ses célèbres Rois mendiants, tellement la Cour pu être pauvre dans les moments les plus critiques.

Comment fonctionnait donc le régime d’Edo, entre Cour et Bakufu ?

« Quel était dont le rôle que remplissait le Tennô, quel était autrement dit sa raison d’exister, dans le régime du Bakufu de l’ère Edo, placé ainsi dans le système féodal que nous venons de décrire ? Voici les différents rôles habituellement attribués au Tennô pendant l’ère Edo :

-Il légitime par son autorité la Shôgoun et le Sauveur Tôshô [terme générique désignant l’incarnation d’une sorte de Saint Bouddhique venant sauver les hommes, ici Ieyasu Tokugawa, le fondateur du régime d’Edo]. Un ambassadeur royal vient accorder le titre de Shôgoun, qui devait pourtant tirer une révérence devant le Shogoun, ce qui est symbolique de l’époque. Il y aussi le don du titre honorifique de « Palais » par la Cour au sanctuaire du Tôshô, et l’envoie d’une ambassade du Tennô venant y faire une offrande royale, autant de choses montrant que tant le Shôgoun que le Tôshôgu devaient être légitimités par la Cour.

– Il avait une fonction religieuse, à la tête et grand supérieur des enseignements bouddhiques, du Shintô et de l’Onmyôdô, devant réaliser prières et invocations pour la paix du pays et la santé du Shôgoun.

– La fonction très ancienne datant de l’antiquité de proclamer le nom de l’ère et d’octroyer les titres royaux. L’octroi de ces titres permettait à la fois de former toute une strate de conditions différentes, et les différentes maisons nobles Yoshida et Shirakawa, à la tête des sanctuaires du pays, ou encore la Maison Tsuchimikado, à la tête du Onmyôdo, faisait office d’organe central gérant l’octroi de ces titres.

– Il était aussi le grand supérieur des bouddhismes Tendai, Shingon, Jôdo et Shûgen, et présidait à ces diverses organisations tout en étant le grand prieur. »[2]

Le rôle sacerdotal, honorifique et scientifique est ainsi clairement affirmé.

[1] Toshihiko TAKANO, Le Bakufu de Edo et la Cour (江戸幕府と朝廷), Tôkyô, Editions Yamakawa, 2001, p.1 « 江戸時代の天皇は姿が見えない。明治天皇が全国に行幸を積極的に行ったことや、修身の教科書に「明治大帝」として頻繁に登場したことで、国民の間に深く広く浸透したのとは対照的である。明治以降の天皇と比較しなくても、壬申の乱(六七二年)に勝利し、古代の律令制をスタートさせた天武天皇や、女帝である孝謙天皇、あるいは荘園整理令(一〇六九年)を出した後三条天皇、承久の乱で鎌倉幕府と戦い、隠岐に流された後鳥羽上皇や、南北朝期の後醍醐天皇でも、いずれも天皇の姿が前面に見えてくる。その理由は、天皇が権力を持ってみずから政治を執り行ったり、権力闘争の主役となったから、その存在感が日本歴史の教科書を通して伝わってきたのであろう。 »

[2] Ibid, p.6/7 « 以上の最も基礎的な、いわゆる封建制の仕組みを持つ江戸時代の幕府体制にあって、天皇・朝廷の果たした役割、つまり存在意義はどういうものであったのであろうか。江戸時代を通して整理すると次のようになると思われる。①将軍や東照権現の権威づけを行う。勅使が将軍宣下を行うが、その場合でも、将軍の下座につのは象徴的である。また東照宮への宮号宣下や毎年の日光奉幣使の派遣など、いずれも将軍や東照権現の権威づけに朝廷はなくてはならないものであった。②国家安全や将軍の病気平癒のために、仏教・神道・陰陽道を駆使して祈祷を行う宗教的機能をはたした。③古代以来である機能である元号宣下や官位叙任を行う機能、役割を持った。官位叙任をを通じて身分編成に機能するほかに、神社支配の吉田家・白川家や、陰陽道支配の土御門家などの家職を持つ公家たちが、本所として身分統制の機能をはたした。④門跡は天台・真言・浄土・修験の諸宗派の編成をしたり祈祷にあたる。 »

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