CivilisationHistoire

Du cardinal Mazarin et du Jansénisme (5)

Les actes des communications des sessions du centre d’études historiques paraissent une fois par semaine, chaque samedi. Les liens des communications en bas de page.

Centre d’Etudes Historiques

1661, la prise de pouvoir par Louis XVI.

Actes de la XVIIIe session du Centre d’Études Historiques (7 au 10 juillet 2011)

Collectif, Actes dela XVIIIe session du Centre d’Études Historiques, 1661, la prise de pouvoir par Louis XIV, CEH, Neuves-Maisons, 2012, p.119-162.

Par l’abbé Christian-Philippe Chanut

Évidemment, nous sommes réduits aux conjectures sur l’initiation à la foi qu’il reçut de sa mère, mais, si l’on recourt à quelques lettres d’elle, on en trouve des traces d’autant plus sûres qu’elles ont un écho dans quelques propos de son fils. Ainsi, à la fin de sa vie, alors qu’à ses souffrances physiques s’ajoutent la peine de ne plus revoir son fils, Hortensia Buffalini dicte quelques lettres à son adresse qui peuvent être regardées comme des bouquets spirituels : « Mon fils, soyez dévot à la Madone » (8 octobre 1643) ; « Dieu soit loué de tout événement » (29 décembre 1643). Elle est morte le 11 avril 1644 ; la veille, l’abbé Elpidio Benedetti a écrit au cardinal Mazarin : « Elle garde une parfaite connaissance mais accompagnée d’une telle faiblesse que la nature apparaît entièrement consumée. Dès les premiers jours, elle s’est reconnue destinée à la mort et s’y est disposée avec cette franchise que pouvait lui donner la bonté de sa vie (…) Elle a montré sa force d’esprit, s’abandonnant totalement à la volonté de Dieu. »

On approche mieux la spiritualité du cardinal Mazarin dans des lettres que lui écrit sa sœur Anna-Maria qui est passée du couvent de Citta di Castello à celui de Santa Maria di Campo Marzo, à Rome (juin 1644), et qui est depuis longtemps sa confidente spirituelle. D’elle, on apprend qui Giulio Mazarini n’a pas attendu d’y être contraint pour s’intéresser à la spiritualité ; ainsi, dans une lettre datée de décembre 1645, elle écrit : « Á l’approche de Noël de notre Rédemption, je passerai le saint Avent à supplier Sa Divine Majesté de bien vouloir remplir le cœur de Votre Éminence de Son Saint Amour, afin qu’elle puisse jouir en cette sainte nuit de ces douceurs de l’âme qu’elle éprouva en cette même nuit dans la Santa Casa de Lorette, quand elle était capitaine. » Outre la confiance en la sainte Providence, l’efficacité des prières et l’abandon à la volonté de Dieu, la sœur Anna-Maria lui rappelle que le Ciel ne nous aide que dans la mesure où nous faisons ce que nous pouvons : « Il faut que vous aussi vous jouiez votre rôle, car Dieu ne veut pas toujours faire des miracles pour Votre Éminence. » Puisque les affaires de Dieu et du monde coexistent, comme le bon grain et l’ivraie de la parabole, et que les chrétiens qui ne sont pas du monde, sont dans le monde, il convient que son frère, sans abandonner l’exercice du gouvernement (qui est devenu son devoir d’état), sache y faire la part du bien et du mal, de la nature et de la grâce : « Dieu vous a doué d’un esprit si perspicace que vous savez bien discerner le temporel et le céleste. »

Dans la mesure où il ne l’avait pas contristée, Mazarin se fiait à la protection divine ; en toutes circonstances, il s’en remettait à la volonté de Dieu, acceptant les desseins de la Providence et comptant sur la miséricorde divine. Dans sa correspondance avec le cardinal Alessandro Bichi : « Il faut tout remettre à Dieu » ; « Je remets tout dans les mains de Dieu, qui m’a été propice jusqu’à présent et j’espère de sa divine bonté la continuation de ses grâces »[1] ; « De Dieu j’espère un bien plus véritable ». Ce fut évidemment mieux dit encore quand s’approcha l’heure de la mort où il entra lucide et conscient et qu’il quitta « le visage serein et égal en se recommandant à leurs prières », celles de ses proches qu’il venait d’embrasser. « Je remercie pourtant, en toute soumission, la Divine Providence qui a daigné prolonger ma vie jusqu’à la conclusion de la paix, après laquelle je meurs content, ayant satisfait mon intention de faire jouir ces peuples des fruits de la tranquillité. Je me confie donc en la miséricorde de Dieu qui voudra bien se contenter d’un cœur humble et contrit, en me donnant encore cette paix que lui seul peut donner. »[2] « Je suis si grand pécheur que Dieu juge mieux pour moi d’exaucer vos prières pour le salut de mon âme plutôt que celles pour le salut de mon corps. Aussi l’ai-je déjà remise volontiers entre les mains de Sa Divine Majesté. Je suis très résigné à sa volonté et s’il lui plaît de m’appeler à lui, comme je l’espère de son infinie miséricorde (…) Ainsi Dieu m’aura fait la grâce de me faire mourir après la paix et de me donner une longue maladie en pénitence de mes péchés et afin que je puisse disposer de mes affaires, régler celles de ma famille et, ce qui importe le plus, penser au salut de mon âme. Rendez-vous grâces au Dieu Bénit et priez pour moi comme je prierai pour vous. »[3]

Tout le monde aura compris qu’un tel homme n’avait rien de commun avec les jansénistes. Néanmoins, en dépit de l’influence de son oncle paternel et de ses brillantes études au Collège romain, il n’était pas non plus un affidé des Jésuites et moins encore des probabilistes qui tâchaient de faire accréditer une espèce de morale mondaine d’« accommodements avec le Ciel ». C’était si vrai que lorsqu’il s’était agi de s’occuper de sa propre âme, il fit venir d’Italie des clercs réguliers Théatins (1644) qu’il avait pratiqués dans sa jeunesse et auxquels il était resté très attaché, surtout en la personne du brillant R. P. François-Marie del Monaco (1593-1651), fondateur de la maison de Paris. Était-ce retrouver un peu d’air romain en France ? C’était plutôt se bien situer spirituellement, puisque le maître-livre sorti des rangs théatins était le « Combat spirituel » du R. P. Lorenzo Scupoli (1530-1610) dont saint François de Sales et le cardinal Bérulle firent grand cas : « Songez, pour vous animer au combat, que les obstacles que vous rencontrerez, Il les fera tourner à votre profit et à votre avantage, du moment que vous vous comportez en soldat fidèle et généreux. »


[1] Cardinal Jules Mazarin : lettre au cardinal Alessandro Bichi, datée de Rome le 11 août 1638.

[2] Cardinal Jules Mazarin : lettre au cardinal Antoine Barberini, datée du Bois de Vincennes, le 6 mars 1661.

[3] Cardinal Jules Mazarin : lettre à Margarita Mazarini-Martinozzi, datée du Bois de Vincennes, le 6 mars 1661.

Communications précédentes :

Préface : http://vexilla-galliae.fr/civilisation/ histoire /2653-ceh-xviiie-session-preface-de-monseigneur-le-duc-d-anjou

Avant-Propos : http://vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/2654-ceh-xviiie-session-avant-propos

 La rupture de 1661 (1/3): http://vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/2663-la-rupture-de-1661-2-3

La rupture de 1661 (2/3): http://vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/2664-la-rupture-de-1661-2-3

La rupture de 1661 (3/3): http://vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/2684-ceh-la-rupture-de-1661-3-4

De Colbert au patriotisme économique (1/3)

De Colbert au patriotisme économique (2/3)

De Colbert au patriotisme économique (3/3): http://vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/2693-ceh-de-colbert-au-patriotisme-economique-3-3

1661 : transfert de la Cour des aides de Cahors à Montauban (1/3) 

1661 : transfert de la Cour des aides de Cahors à Montauban (2/3)

1661 : transfert de la Cour des aides de Cahors à Montauban (3/3): https://www.vexilla-galliae.fr/civilisation/histoire/ceh-1661-transfert-de-la-cour-des-aides-de-cahors-a-montauban-3-3/

Permanence des révoltes antifiscales, 1653-1661 (1/3)

Permanence des révoltes antifiscales, 1653-1661 (2/3)

Permanence des révoltes antifiscales, 1653-1661 (3/3)

Découverte et esprit scientifique au temps de Louis XIV (1/2)

Découverte et esprit scientifique au temps de Louis XIV (2/2)

Louis XIV au Château de Vincennes (1/3)

Louis XIV au Château de Vincennes (2/3) 

Louis XIV au Château de Vincennes (3/3) 

1661 et les arts : prise de pouvoir ou héritage ? (1/2)

1661 et les arts : prise de pouvoir ou héritage ? (2/2)

La collection de tableaux de Louis XIV

Du cardinal Mazarin et du Jansénisme (1)

Du cardinal Mazarin et du Jansénisme (2)

Du cardinal Mazarin et du Jansénisme (3)

Du cardinal Mazarin et du Jansénisme (4)

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