Chretienté/christianophobieHistoire

[CEH] Les funérailles d’Henri IV à Saint-Denis, par Odile Bordaz. Partie 3 : De Notre-Dame à Saint-Denis

Les funérailles d’Henri IV à Saint-Denis

Par Odile Bordaz

Partie 1 : Le cérémonial de la quarantaine

Partie 2 : Le cortège funèbre du Louvre à Notre-Dame de Paris

Partie 3. De Notre-Dame à Saint-Denis

Le lendemain, mercredi 30 juin, sur les huit à neuf heures du matin, chacun revint à Notre-Dame où le divin service fut célébré en musique. L’évêque de Paris officiait, l’évêque d’Aire prononça l’oraison funèbre.

« L’office parachevé et la Mese dicte, messieurs du Convoy allerent disner. Cependant qu’on dînoit, Messieurs du Clergé, et généralement tous ceux qui avoyent assisté au convoy, s’assemblerent, dedans et dehors ladicte Eglise nostre-Dame, commençans à cheminer sur les trois heures pour aller à S. Denys. »1

Comme sur le parcours du Louvre à Notre-Dame, les rues allant « depuis ladicte Eglise jusques hors le faubourg S. Denys », étaient tapissées de noir des deux côtés et ornées des armes du roi et de la ville de Paris.

Après avoir franchi la Seine sur le pont de Notre-Dame, le convoi prit la rue Saint-Denis et se dirigea, dans le même ordre que la veille, jusqu’au la Croix penchée, située dans la plaine du Lendit, entre le faubourg de La Chapelle et Saint-Denis. Cette croix se trouvait aux limites des territoires de l’abbaye. C’est pourquoi, arrivés en ce lieu, le clergé et les religieux de Paris devaient se retirer pour céder la place aux religieux de Saint-Denis, qui attendaient là afin de recevoir le corps du roi et l’ensemble du convoi, non sans avoir eu officiellement l’assurance que le cercueil n’était point vide, que le roi n’avait pas été enterré ailleurs et que sa dépouille reposait bien dans ce cercueil.

Les membres du cortège qui étaient montés en carrosse ou à cheval à la sortie de Paris reprirent leur marche jusqu’à l’abbatiale.

Parvenu à Saint-Denis — il était plus de dix heures du soir —, le cercueil et l’effigie du roi furent déposés dans une chapelle ardente d’une grande hauteur et largeur, aménagée au milieu du chœur, entièrement tapissé de noir et illuminé, comme la nef, par des milliers de cierges. Comme à Notre-Dame la veille, on chanta les vêpres et les vigiles des trépassés.

Le lendemain, jeudi 1er juillet 1610, vers neuf heures du matin, les princes, prélats, grands seigneurs, cours souveraines, se retrouvèrent, chacun assis à son rang, pour assister à la messe célébrée par le cardinal de Joyeuse et chantée en musique par les chantres de la chapelle du feu roi. ? L’évêque d’Angers prononça l’oraison funèbre.

La messe de Requiem chantée aux funérailles d’Henri IV à Saint-Denis serait, selon la tradition, la Missa Pro Defunctis, composée par Eustache du Caurroy, sous-maître de la Chapelle royale et chantre, mort le 7 août 1609, alors qu’il était depuis vingt ans au service du roi. Cette messe, la seule de ce compositeur qui soit parvenue jusqu’à nous, n’est pas de rite romain mais parisien, donc dans la ligne de l’église gallicane, désireuse d’affirmer son indépendance vis-à-vis de Rome. Elle est devenue par la suite la messe officielle de Requiem des rois de France jusqu’à la fin de l’Ancien régime.

Comme l’écrit Pierre Matthieu :

« La cérémonie n’eut pas besoin de pleureurs empruntez ny de larmes acheptées ; chacun en fournit abondamment. »2

A l’issue de la messe, les prières et oraisons achevée, se déroula la cérémonie des funérailles. Le maître des cérémonies leva la couronne royale, le sceptre et la main de justice et les draps d’or qui étaient sur le corps du roi ; les gentilshommes de la Chambre et les archers levèrent le cercueil et le portèrent dans le caveau des rois, qui se trouvait devant le maître-autel de l’église, du côté droit, près de la porte du chœur. Le cardinal de Joyeuse d’avança jusqu’au bord du caveau, assisté des prélats ; il fit les prières habituelles, puis jeta de la terre et de l’eau bénite sur le cercueil ; toujours accompagné des prélats, il alla ensuite s’asseoir à l’autre bout du caveau, face au Maître des cérémonies. Un héraut d’armes s’avança alors pour appeler par leurs noms et qualités, chacun des seigneurs qui portaient les pièces d’honneur : les cottes d’armes des hérauts, l’enseigne des cent gentilshommes, les éperons, les gantelets, l’écu du roi, la cotte d’arme, le heaume timbré à la royale, le guidon du roi, l’épée royale, la bannière de France, les bâtons des maîtres d’hôtel, et celui du Grand maître, la main de justice, le sceptre royal, la couronne royale. Un héraut recevait ces pièces l’une après l’autre et les donnait au fur et à mesure aux autres hérauts qui les déposaient dans le caveau.

Laissons la parole à Claude Morillon pour nous décrire la suite de la cérémonie :

« Lesdictes pièces d’honneur ainsi déposées, Monsieur le comte de Sainct Paul dit à voix moyenne. « Le Roy est mort ». Puis un Héraut d’armes cria par trois fois : « Le roy est mort. Le Roy est mort. Le Roy est mort. Priez tous Dieu pour son ame. » Lors chacun se mit en prière, ayant les larmes à l’œil. Peu de temps après ledisct sieur Comte de sainct Paul leva le bastion de grand Masitre et di « Vive la Roy ». Ledit Heraut reprint sa parole, et cria à ahute voix « Vive le Roi, vive le Roi, vive le Roi, Louys tresiesme de ce nom, par la grace de Dieu Roy de France et de Navarre, très-Chrestien nostre très souverain Seigneur et bon Maistre, auquel Dieu doint très heureuse et très longue vie. Vive le Roy Loys. » »3

Après ces paroles, les trompettes, hauts bois, flûtes, clairons et tambours sonnèrent par trois fois et les seigneurs reprirent les pièces d’honneurs qu’ils avaient déposées dans le caveau ;la couronne royale, le sceptre, la main de justice, ainsi que tous les ornements royaux furent portés au trésor de l’abbaye par le religieux gardien de ce trésor.

Les princes, ducs et grands seigneurs furent ensuite conduits dans la salle du festin funèbre pour y dîner. Après le dîner et le grâces, les prélats, gentilshommes de la Chambre et servants, les officiers domestiques du feu roi, les membres du Parlement, de la Chambre des comptes, les généraux de la justice et des monnaies et de l’hôtel de ville, se retrouvèrent tous dans la salle où le comte de Saint-Paul leur adressa la parole pour leur signifier que le roi qu’ils servaient étant mort, ils n’avaient plus « d’estat en la maison ». Pour confirmer ses paroles il rompit devant eux son bâton, signe que son service avait pris fin. 

Le cercueil contenant le corps d’Henri IV resta dans le caveau des cérémonies jusqu’en 1643, année de la mort de Louis XIII, puisque selon la tradition c’était seulement à la mort de son successeur que le précédent roi pouvait être enterré.

Comme l’exigeait aussi la tradition, ni le nouveau roi ni sa mère, la régente, n’étaient présents aux funérailles. La seule fois que le jeune Louis XIII avait été en présence de son père mort, était le jour où il avait donné de l’eau bénite, au Louvre, suivant en cela une coutume inaugurée par le roi Louis XII qui avait voulu aller bénir la dépouille de son prédécesseur Charles VIII.

Le lendemain des funérailles, le vendredi 2 juillet 1610, la reine régente, Marie de Médicis, en tenue de deuil, à grand voile penchant et longue queue portée par trois princesses — Mmes de Condé, de Soissons et de Conté — quitta le Louvre, accompagnée par des princes, ducs, chevaliers de l’Ordre, des grands seigneurs et officiers de la Couronne, des princesses et grandes dames de la cour, parmi lesquelles se trouvait la reine Marguerite, première épouse du défunt roi, pour aller à Notre-Dame, où elle assista à la messe célébrée par l’évêque de Paris. Après la messe, la reine rentra au Louvre.

À suivre…

Odile Bordaz
Conservateur aux Archives nationales


1 Claude Morillon, op. cit., p. 26-27.

2 Pierre Matthieu, Histoire de la mort déplorable de Henry IV, 1611.

3 Claude Morillon, op. cit., p. 2.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.