Histoire

[1ère partie] Michel JOSSEAUME : un acteur de la renaissance du Légitimisme !

Il a paru à la Rédaction de Vexilla Galliae, que la contribution de Monsieur Michel Josseaume à la renaissance du Légitimisme en France avait été si déterminante, qu’il serait utile, ce grand acteur de la Légitimité étant toujours vivant, de recueillir auprès de lui d’inappréciables éléments factuels que recèlerait sa mémoire et qui viendraient éclairer plus précisément son action propre dans les relations qu’il fit de cette héroïque période de renaissance. Seulement, un épuisement rapide et préjudiciable à sa santé, inhérent au grand âge auquel Monsieur Josseaume est heureusement arrivé, ne nous autorisa pas la réalisation de ce beau projet. Cet article s’inspire donc directement de la longue évocation que fit Michel Josseaume, dans un Hors-Série du Lien Légitimiste en 2009, de la renaissance du légitimisme pendant la guerre, évoquant, dans une vue d’ensemble de l’action entreprise alors, une quantité de noms de personnes y ayant participé. Dans ma retranscription, je me suis attaché à recentrer l’objectif sur Michel Josseaume lui-même, pour n’évoquer que les actions auxquelles il a participé.

            Les premiers souvenirs qu’il évoque de son action légitimiste remontent au mois de novembre 1943, date à laquelle un petit groupe de jeunes légitimistes, dont Jacques Rolain, de passage à Paris, commence à se retrouver, une fois par semaine, dans un obscur rez-de-chaussée prêté par l’un de leur camarade, square Charles Dickens, dans le XVIème arrondissement de Paris. Ce square était une toute petite impasse, mais qui avait l’avantage de bénéficier d’une discrète sortie par l’arrière… Nous sommes en pleine guerre et tout peut arriver… D’ailleurs, leur hôte, qui fait partie de l’OCMJ (Organisation Civile et Militaire des Jeunes), périra en juillet 1944, dans une ferme du Loiret, fusillé au petit matin par les Allemands…

            C’est alors qu’au printemps 1945, l’oncle de Michel Josseaume lui apprend l’existence de l’avocat légitimiste Paul Watrin, qu’il connaissait pour l’avoir fréquenté entre les deux guerres. Le jeune Josseaume prend immédiatement contact avec ce dernier. C’est chez Maître Watrin, dans son hôtel particulier du 326, rue Saint Jacques (VI°), qui se trouve dans l’arrière-cour-jardin d’un immeuble en pierre de taille, en face le Val de Grâce, qu’a lieu la première réunion, l’après-midi du 13 juillet 1945, donnant le coup d’envoi de la résurrection du légitimisme en France ! Ils sont une dizaine à y assister, dont Jean de Montcorgé, jeune et brillant avocat, excellent théoricien.

            Après deux réunions d’organisation chez Maître Watrin, les samedis 22 septembre et 6 octobre 1945, c’est Jean de Montcorgé qui, le 3 novembre 1945, donne au 44 rue de Rennes (VI°), dans la partie de la rue de Rennes qui a aujourd’hui été absorbée par la place de Saint-Germain-des-Prés, devant l’église abbatiale Saint-Germain-des-Prés, la première conférence sur « L’Idée de Légitimité », devant le noyau initial augmenté de plusieurs dizaines de curieux en la matière.

            Le 24 novembre suivant, Jean de Montcorgé donne une seconde conférence sur « La Question du Drapeau », cette fois-ci dans une ancienne boutique de la rue Servandoni, presque à l’angle de la rue de Vaugirard (VI°). C’est à cette adresse qu’auront lieu, de janvier 1946 à juin inclus, toutes les conférences suivantes et leurs débats, donnés par plusieurs intervenants dont Michel Josseaume.

            Après le premier samedi de juin 1946, la dernière ligne droite des révisions avant les examens et le concours d’entrée à Sciences-Po, détourne momentanément Michel Josseaume de son activité légitimiste. Ce n’est qu’en décembre 1946, après son mariage, qu’il reprend vraiment son activité légitimiste, lors d’un échange de vues, en nombre restreint de part et d’autre, mais amical, avec des orléanistes, rue Emile Duclaux (XV°), chez un membre très actif de l’Action Française…

            Le 4 janvier 1947, Jean de Montcorgé organise, chez lui, avenue de Tourville (VII°), une fête des Rois.

Puis, le 21 janvier 1947, la Chapelle Expiatoire ayant  refusé, la veille au soir, par la voix du ministre Jules Moch, ministre des Transports, des Travaux publics et de la Reconstruction du gouvernement Léon Blum, effets pratiques de l’aimable pression du « comte de Paris », que la messe du souvenir se tînt en son sein, cette première messe légitimiste a lieu in extremis dans la crypte de l’église Saint-Augustin, grâce à son vicaire, l’abbé de Villèle. Il s’y produit le quiproquo invraisemblable que voici : suite à la bien innocente erreur de l’un des organisateurs de cette messe, se trouvent réunis à la quinzaine de légitimistes fervents, Madame Léon Daudet, furieuse d’avoir été ainsi abusée, sa fille Claire, plus raisonnable, Hélène Maurras, folle de rage de se trouver en terrain ennemi et Jacques Maurras, aimable et curieux de ces jeunes légitimistes…

            Peu après, Michel Josseaume reçoit de Michel Féret, mandaté par le duc de Bauffremont pour maintenir les contacts avec le réseau auquel il appartient, les proclamations romaine et suisse du prince Jacques-Henri de Bourbon-Anjou, Aîné des Capétiens, de droit le Roi Henri VI de France, avec pour mission de les diffuser au maximum, mais à bon escient.

Par la proclamation romaine, datée du 28 mars 1946, Jacques-Henri de Bourbon-Anjou fait connaître qu’il entend assumer sa position de Chef de la Maison Royale de France en tant qu’Aîné des Capétiens, en prenant le titre de duc d’Anjou et les pleines armes de France et demande à son cousin, Jacques, duc de Bauffremont-Courtenay, de devenir son représentant en France.

Dans la proclamation suisse, datée du 20 juillet 1946, enregistrée devant notaire, le prince déclare :

« Notre qualité de Chef salique de la Maison de France comporte pour nous seul le droit héréditaire de porter les armes appartenant au Chef de cette Maison, soit : « d’azur à trois fleurs de lis d’or », qu’en la qualité à laquelle est attaché héréditairement le droit de faire valoir nos titres au Trône de France, nous déclarons ne renoncer aucunement à ce droit ».

Mais, très vite, en mai 1947, Michel Féret annonce à Michel Josseaume qu’il ne peut plus continuer d’assumer sa liaison avec son groupe en raison de problèmes personnels imprévus.

En tous les cas, cette activité bourdonnante suscite la curiosité. Et que cette curiosité soit amicale ou hostile importe peu à Michel Josseaume et à son groupe, l’essentiel étant qu’ils arrivent à faire connaître, par leurs efforts, l’existence et les droits de l’Aîné des Capétiens ! Le tout premier article, petit mais aimable, daté du 15 février 1947, paraît dans le Samedi soir et est dû à Claude-André Hurtrel. Le suivant paraît en mars, dans la Revue française d’Héraldique et de Sigillographie, sous la plume hostile du très orléaniste Jacques Meurgey. Puis, les 3 et 24 avril, paraissent deux autres articles, nettement plus sereins, sous la plume d’Alain Decaux, dans l’hebdomadaire Quatre et Trois. Le 29 avril, un écho à nouveau très venimeux paraît dans La Presse. Le 1er mai, un autre, plus potable cette fois, traitant de l’organisation légitimiste de Michel Josseaume et du duc de Bauffremont, paraît dans Cavalcade. Enfin, l’Intransigeant, quotidien du soir, parle, le 2 juillet, de la résurrection des légitimistes en évoquant l’état des groupements monarchistes d’alors…

Durant cette année 1947, les réunions légitimistes mensuelles organisées et suivies par le groupe de Michel Josseaume se tiennent Salle des Sociétés savantes, 28, rue Serpente (VI°).

Et, le 7 juin 1947, une réunion d’importance se tient au foyer catholique du 64, rue Madame (VI°), pour exposer au public parisien la récente prise de position officielle du prince Jacques-Henri de Bourbon-Anjou, monseigneur le duc d’Anjou et Ségovie.

Les contacts de Michel Josseaume ne s’arrêtent pas à des légitimistes néophytes ou convaincus, il prêche aussi en terre orléaniste. Courant 1947, profitant de ses bons rapports personnels avec René Benjamin, prix Goncourt et esprit maurassien très connu entre les deux guerres, il le tient au courant des deux déclarations de Jacques-Henri de Bourbon-Anjou. Ce dernier lui accuse réception de cette lettre par une réponse amicale datée de septembre 1947.

            La grande rencontre, pour Michel Josseaume, à lieu le 17 octobre 1947, à l’Hôtel Meurice. Il rencontre en effet pour la première fois, monseigneur Jacques-Henri de Bourbon-Anjou, duc d’Anjou et Ségovie, de droit le Roi Henri VI de France, qui est descendu dans l’hôtel qu’appréciait tant son père, Alphonse XIII d’Espagne/Alphonse Ier de France ! Il est présenté au Roi par Dominique Clauzel, qui avait opéré la jonction entre le réseau de légitimistes auquel appartenait Michel Josseaume et le duc de Bauffremont, et par mademoiselle de Tassin, que le prince embrasse avec affection, l’ayant toujours connue tant en France qu’en Espagne. L’entrevue est brève et dure à peine une demi-heure entre 18 et 18h30. Mais d’autres entrevues, nombreuses et beaucoup plus constructives, suivront…

            L’organisation légitimiste qu’il anime fait de son mieux et travaille bien, grâce à une activité sans répit s’adressant à tous les milieux, alliée à une volonté farouche de faire fi de l’incroyable difficulté que représente la percée, dans l’indifférence générale, d’une idée disparue depuis si longtemps dans les profondeurs de l’oubli, pour ne s’attacher qu’au succès final escompté… Cette activité est épuisante, notamment pour Michel Josseaume qui écrit toutes les nuits, jusqu’à deux heures du matin, dans toutes les provinces et à l’étranger, pour décider ou à tout le moins éclairer des interrogateurs hésitants…

            Ce travail acharné porte ses fruits et la Légitimité remonte des abysses de l’oubli à la connaissance du jour. Pour l’équipe soudée de Michel Josseaume, où chacun, tels Pierre de Kervéguen ou Jacques Rolain, joue de sa partie forte, le signal éclatant de cette réussite est que les Orléans deviennent hargneux, ne comprenant rien, légers et amateurs comme ils le sont toujours, à cette résurrection ! Jacques-Henri de Bourbon-Anjou est très content et le leur manifeste !

            L’année 1948 est une année charnière. Du fait de ses quotidiennes prospections épistolaires, Michel Josseaume lie contact avec de nombreuses nouvelles recrues : Achille Joinard, personnage haut en couleurs, fabricant avisé d’objets religieux, mais surtout pape unanimement reconnu du Tour de France… aux idées légitimisantes, certes, mais qui n’aura pas l’action matérielle qu’il en espérait, ce dernier étant fâché avec Paul Watrin ; Max Dupont, esprit austère et fort pieux, demeurant à Tours puis à Boulogne-sur-Mer, deviendra un excellent militant légitimiste ; le comte Amaury de Chansiergues d’Ornano, demeurant en Avignon, et son épouse, née Gersende de Sabran-Pontevès (tante homonyme de l’actuelle duchesse Jacques d’Orléans), s’avèreront de fidèles soutiens ; Robert Ledru, demeurant à Saint-Brice, près de Reims, père de famille nombreuse, était le président très influent du syndicat des maraîchers primeuristes de la région rémoise et fera preuve d’une vraie ferveur et d’un grand sens de l’organisation. Et de nombreuses autres fidèles recrues qui transmettront, partout dans les provinces, la parole légitimiste faisant connaître l’existence et les droits de l’Aîné des Capétiens !

Dans le courant de l’année, prêchant à nouveau en terres orléanistes, il est introduit, grâce à un vieil ami breton, à la permanence de la Mesnie, présidée par Maurice Colinon, qui ambitionnait de rassembler les benjamins du monarchisme et qui tenait ses réunions dans une salle du Musée Grévin… Très vite, les arguments légitimistes d’acier de Michel Josseaume exaspèrent l’orléaniste Colinon qui lui adresse une lettre d’exclusion ainsi rédigée :

            « Au courant de votre situation exacte par rapport à nos opinions et aux fonctions que vous exercez [auprès de l’Aîné des Bourbon], je vous avise par la présente qu’il est inutile que vous nous rendiez visite à l’avenir… »

            Bel aveu, comme le souligne Michel Josseaume, de la faiblesse dans laquelle Maurice Colinon savait qu’étaient les convictions de ses jeunes monarchistes quant à la légitimité du « comte de Paris »… Une autre tentative aura lieu un peu plus tard, qui se soldera par un nouvel échec et l’on en arrivera, en octobre 1949, à constater qu’aucune action commune, même ultra minimale, n’est envisageable avec ces gens-là… La mauvaise foi est indifférente à la Vérité… . (fin de la première partie)

Franz de Burgos

Octobre 1954 : au baptême de Gwenael-Jacques Josseaume, le parrain, l’excellent Infant Jaime, conversant avec le père, Michel Josseaume, et le sieur Alderete…

Jacques Henri de Bourbon, avec sa future épouse, Mademoiselle de Dampierre, quelques jours avant leur mariage

Alphonse, suivi de son fils Jacques-Henri, pénètre dans l’église où l’Infant va se marier

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