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La bonne amitié, par Antoine Michel

« Mieux vaut une réprimande ouverte qu’une amitié cachée.

Les blessures d’un ami sont inspirées par la fidélité, mais les baisers d’un ennemi sont trompeurs.

(…) L’huile et les parfums réjouissent le cœur ; telle la douceur d’un ami dont le conseil vient du cœur.

(…) Le fer aiguise le fer ; ainsi un homme aiguise un autre homme.

(…) N’abandonne pas ton ami et l’ami de ton père, et n’entre pas dans la maison de ton frère au jour de ta détresse ; mieux vaut un voisin proche qu’un frère éloigné. » (Pv, 27, 5-6, 9, 17, 10)

La véritable encyclopédie universelle est la Bible, avec tout ce qu’il faut dans tous les domaines : les médiévaux, à commencer par les rois, apprenaient à lire dans l’Histoire sainte, et, nourris par la saine tradition de l’Église et de la patristique, ils ne s’arrêtaient pas à la lettre, et tiraient toute la substantifique moelle donnée par Dieu aux hommes, pour le salut.

Ces quelques versets des proverbes, si simples, nous manifestent pourtant une vérité profonde que l’on oublie souvent. L’amitié est évidemment une nécessité politique pour l’homme, dont la nature est fondamentalement sociable : mais, bien mieux, un véritable ami, un bon ami, quoique dans le tact et la délicatesse, est sévère, car il nous aime et ne peut supporter de nous laisser dans nos erreurs et nos défauts.

Notre temps moderniste et libéral, si mou, si mollasson, si mielleux, si ennuyeux, veut nous faire oublier cette véritable amitié virile et franche, aux aspérités réelles mais tout en charité.

Nous sommes un animal politique, et bon an mal an, que cela se fasse avec charité et douceur ou avec violence et pleurs, « Le fer aiguise le fer ; ainsi un homme aiguise un autre homme. ».

Alors quitte à être aiguisé, autant que cela soit par des gens bons et charitables, par des amis.

« Mieux vaut une réprimande ouverte qu’une amitié cachée. » Une amitié cachée, ainsi, est un non-sens, elle n’est pas une véritable amitié, elle a quelque chose de faux, car l’amitié se montre en action avant qu’en théorie, et surtout dans les moments désagréables, où on veut se faire dire certaines choses, que seul un ami peut souvent rendre entendable – car notre fond d’amour propre est indécrottable. Évidemment, il s’agit toujours de rester délicat et doux : parfois on ne veut pas entendre, alors dans ce cas, la patience est requise.

Mais sachons bien que « Les blessures d’un ami sont inspirées par la fidélité, mais les baisers d’un ennemi sont trompeurs. »

Dieu nous envoie des épreuves car il nous aime. Il nous châtie pour notre bien. Il nous envoie les souffrances pour notre perfectionnement. Un ami peut nous blesser, mais c’est par fidélité : se reflète ainsi dans la vie politique humaine l’économie divine de la Rédemption et de sa Providence…

En revanche, l’ennemi libéral, l’ennemi démocratique, l’ennemi doucereux de la facilité, de la flatterie, du narcissisme, ne cesse de nous envoyer des baisers…de mort.

Et ces blessures et ces remontrances ont fait un baume agréable et curatif : pour soigner la blessure il faut d’abord la désinfecter, et cela pique toujours, mais pour une véritable guérison.

« L’huile et les parfums réjouissent le cœur ; telle la douceur d’un ami dont le conseil vient du cœur. »

L’amitié est une fidélité, et une fidélité n’est pas que personnel : elle est aussi familiale, elle est aussi politique. « N’abandonne pas ton ami et l’ami de ton père, et n’entre pas dans la maison de ton frère au jour de ta détresse ; mieux vaut un voisin proche qu’un frère éloigné. »

Un frère éloigné, lié par le sang, ou par les liens du baptême, mais dont ces liens ont été reniés, ne changent pas la réalité de ce lien, mais rend tout compliqué : l’hérétique dans la foi, le traître assassin dans la famille (on sait combien les guerres fratricides sont légions dans les familles royales partout et de tout temps, car ces égaux, ces pairs, ces si proches dans le pouvoir, ont des tentations infinies pour tomber dans l’hybris) sont une épine qui fait souffrir le frère… L’Église comme le Roi montrent qu’il faut savoir pardonner, au moindre mouvement de bonne volonté, soixante-dix fois soixante fois – en sachant user de la menace de la justice, mais en retardant toujours le plus possible l’exécution… Il arrive néanmoins qu’un tel deviennent Judas et non Pierre… Mystère de l’iniquité…

Alors apprenons à cultiver nos amitiés, qui ne sont pas passionnelles, ni mercantiles, mais politiques et chrétiennes au sens plein du terme !

Et toute vraie amitié chrétienne est fondée sur le Christ avant tout: elle est une relation à trois, et non pas seulement une pauvre relation humaine à deux !

N’oublions pas aussi de faire attention, en toute délicatesse, à notre ami, surtout avec les technologies modernes : certaines choses, qu’il faut dire, ne doivent pas être dit n’importe comment et n’importe quand (un tchat, un message sur un réseau social ne peut remplacer un coup de fil, ou une vraie entrevue, ou parfois un bon moment passé ensemble – nous sommes des hommes, ni des anges, ni des animaux).

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France

Antoine Michel

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