Politique

Ecotaxe : on nous mène en bateau

Ainsi donc, ce qu’il convient d’appeler la jacquerie des bonnets rouges bretons contre l’écotaxe a porté ses fruits. Le premier Ministre a tranché : sa mise en œuvre est suspendue sur l’ensemble du pays (je refuse d’employer le terme technocratique de « territoire » ). Prenant la pose avantageuse du sage qui intervient en dernier recours, Jean-marc Ayrault ajoute : « Le courage, ce n’est pas l’obstination. Le courage, c’est d’écouter et de comprendre, c’est de rechercher la solution et d’éviter l’engrenage de la violence ».

S’agissant de courage, il apparaît que le vrai courage aurait été de convenir qu’il s’agit d’une mesure imbécile, pénalisant les agriculteurs, les entrepreneurs et plus généralement les français qui verront, à nouveau, leur pouvoir d’achat sérieusement entamé pour cause de répercussion de cette taxe sur le prix des marchandises. Plutôt que de concéder une suspension, le véritable courage aurait été d’annoncer l’abandon de cette taxe d’autant plus inepte qu’elle ne frappe pas les importations de nos voisins européens.

Se soucier de l’environnement est une préoccupation noble qui demande de l’intelligence, donc de prendre le temps de la réflexion. Quel intérêt peut-il y avoir à activer à la va-vite une taxe supplémentaire qui au final ressemble comme deux gouttes d’eau à ce fameux droit de polluer né des cerveaux malades qui ont accouché du protocole de Kyoto ?

Il eut été autrement plus judicieux de relancer et développer le transport fluvial des marchandises, qui a été lentement mais sûrement démantelé à partir du premier septennat Mitterrand. A l’époque, le communiste Charles Fiterman avait hérité du Ministère des Transports.  Soucieux de plaire à ses amis syndicalistes, il avait, malgré de belles déclarations sur la modernisation de tous les modes de transports de marchandises, tenté de privilégier le ferroutage. Malheureusement, une certaine incompétence de la SNCF dans ce domaine, alliée à la nocivité des syndicats de cheminots a conduit à une montée en puissance du transport routier. Sans oublier la mise en concurrence décidée par l’Union Européenne et la création de société de ferroutage par de grosses entreprises de BTP qui en avaient assez des retards chroniques de livraison pouvant aller jusqu’à 48 heures.

La batellerie, c’était 16403 péniches en 1976. L’État socialo-communiste a été tellement soucieux d’écologie, a tellement soutenu cette filière qu’il n’en reste plus que 6099 aujourd’hui. Et encore, la plupart datent des années 1900/1910, seules 1200 péniches ont moins de 60 ans. Les années Mitterrand ont été celles du plan de diminution du nombre de bateaux, avec prime à la casse versée sous condition de non-remplacement. Elles ont été celles de la mise en place de normes déloyales. Ainsi, un conducteur de train, un chauffeur routier peuvent assurer le trajet seul, alors que la réglementation impose aux bateliers d’être deux à la barre. L’embarcation « filant » à 20 km/h sans mettre qui que ce soit en danger justifiait-elle cette mesure ? Maintenant, soyons matérialistes, parlons gros sous. Grosso modo, ferroutage et transports routiers se valent : environ 16€ la tonne. Le transport par péniche quant à lui aligne un coût de 6€ la tonne. Enfin, puisqu’il paraît que l’écologie est au cœur des préoccupations de notre gouvernement, abordons le bilan carbone. Là encore, ce n’est guère brillant. Le transport routier qui actuellement transporte 85% du fret français aligne 196 grammes. Le ferroutage est certes plus propre, sa trace carbone n’est que de 55 grammes, mais il ne transporte que 13% du fret. La palme de l’écologie revient au transport fluvial dont la trace carbone est de 38 grammes, malheureusement il ne pèse que 2% du fret.

Alors que bon nombre de pays du nord de l’Europe n’ont cessé de développer le transport fluvial, et continuent de le faire, nous pouvons encore voir des péniches sur nos canaux, fleuves et rivières de France. Sauf qu’elles sont devenues, après transformation, de jolis appartements pour bobos germanopratins. Ce qui tendrait à prouver qu’écologie politique et bon sens n’ont vraiment rien à voir. A moins bien sûr que cette écotaxe ne soit un moyen supplémentaire de faire rentrer de l’argent dans des caisses désespérément vides. Qui a parlé de fuite en avant ?

Pascal Cambon


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