Tribunes

Le combat pour la légitimité : de la Pucelle d’Orléans à l’ère covidienne. Lettre aux membres et amis de la Confrérie Royale

Bien chers amis,

En cette nouvelle année, 2022e après la naissance du Sauveur, nous célébrons le 600e anniversaire de la mort du roi Charles VI et de l’avènement de Charles VII. Un événement à la fois triste et réconfortant. L’année 1422 marqua, depuis deux années, avec la signature du traité de Troyes (21 mai 1420), l’une des soumissions les plus tragiques du beau pays de France. À la suite de terribles défaites militaires face à la puissante armée anglaise et à ses alliés bourguignons, le pauvre roi Charles VI, affaibli par une maladie de près de trente années, régnait sur un royaume divisé entre les factions. Il fut contraint d’accepter l’inacceptable : reconnaître comme son héritier le roi Henri V d’Angleterre, son cousin et son gendre, aux dépens de son fils légitime, le dauphin Charles. La revanche des Plantagenêt avait atteint son objectif : l’union des couronnes de France et d’Angleterre sur une même tête, tant attendue depuis la mort de Charles IV le Bel, en 1328. La gesta Dei per Francos semblait être alors un chapitre définitivement clos. Les résistances étaient profondément affaiblies, en raison des dissensions nobiliaires et de l’hécatombe d’Azincourt, qui décima la fine fleur de la chevalerie française. Un tableau bien triste… Toute ressemblance avec la situation actuelle ne saurait être totalement fortuite !

Et pourtant, le Dieu de justice intervint pour remettre les pendules à l’heure. Le 31 août 1422, Henri V mourut de dysenterie, dans sa 36e année. Il fut suivi dans la tombe, le 21 octobre, par Charles VI. L’héritier anglais était un enfant de moins d’un an, Henri VI, placé sous la régence de ses oncles, le duc de Bedford en France et le duc de Gloucester outre-Manche. L’enfant fut sacré roi d’Angleterre en octobre 1429, avant de recevoir illégitimement la consécration comme roi de France, en décembre 1431, au cours d’un voyage éclair dans le royaume. Mais à cette époque, les choses avaient bien changé dans le beau pays de France…

Héritier légitime humilié, le dauphin Charles, devenu pour ses partisans légitimes le roi Charles VII, régnait bien lamentablement sur une portion congrue du vaste royaume des Lys, au sud de la Loire. « Le roi de Bourges », comme les Bourguignons le surnommaient par dérision, fut proclamé roi, quelques jours après la mort de son père, dans la cathédrale de la noble cité berrichonne, où il s’était retiré lors de la prise de Paris par les Bourguignons en 1418. Entouré d’une poignée de fidèles, exilé de sa capitale, dépourvu des ressources financières indispensables pour lever une armée nombreuse et compétente, le jeune souverain ne perdit néanmoins pas confiance dans la quête de ses droits et de sa couronne. Il lui manquait surtout l’onction du sacre de Reims qui devait lui accorder, aux yeux de ses sujets, sa pleine et entière légitimité. Les premières années de la reconquête furent difficiles. Petites victoires et singuliers revers s’alternaient inexorablement. Charles VII dut se réfugier à Chinon, cité royale qu’il avait réussi à prendre aux Anglais en 1428. C’est alors que…

L’intervention de la Providence : Jeanne !

Sire, n’entendez-vous pas cette rumeur qui provient des marches de votre bon royaume, à la frontière du duché de Lorraine ? Le 25 février 1429, une jeune bergère de 16 ans prénommée Jeanne, native de Domrémy, arrivait à Chinon escortée de quelques hommes d’armes, pour y rencontrer le roi. Ce qui fut alors pour certains une plaisanterie de mauvais goût, ou pour d’autres une diablerie fomentée par l’Anglois, s’avéra être finalement tout autre chose… « Gentil dauphin, je te dis de la part de Messire Dieu que tu es vrai héritier du trône de France » proclamait la jeune fille devant une assistance abasourdie. Et la pucelle d’ajouter qu’elle irait elle-même le conduire à Reims pour recevoir l’onction sainte avant que de bouter les envahisseurs hors du royaume.

Un examen effectué par des médecins et des théologiens reconnut la sincérité de Jeanne, désarmant ainsi les craintes et les hésitations d’un prince quelque peu pusillanime. C’est là que l’épopée commença, dont ne saurions, en quelques lignes, retracer les heures de gloire et de peine, et qui conduisit à la reconquête progressive du royaume des Lys par son souverain légitime. Celle qui allait reprendre Orléans, conduire Charles à Reims, remporter tant de victoires décisives sur l’ennemi, avait su, par son charisme tout droit inspiré du Ciel, galvaniser des troupes de soldats peu disciplinés et envenimer le courage des plus valeureux capitaines de ce temps, Dunois, La Hire, Xaintrailles, Ambroise de Loré, André de Rambures, et tant d’autres.

Jeanne fut l’étincelle qui sut raviver la grande geste de Dieu pour les Francs, la petite flamme d’espérance qui a rendu courage aux peuples de France asservis par la guerre et son cortège de misères. Et le résultat ne s’est pas fait attendre : la libération d’Orléans, le 8 mai 1429, marqua le début d’une reconquête progressive qui s’acheva, en dépit de la capture et de la mort de la Pucelle, le 31 mai 1431, par la quasi-totale reprise en main des territoires du royaume par les Valois — à l’exception de Calais, qui sera finalement reconquise par Henri II, en 1558. Cette épopée n’aurait pu avoir lieu sans l’intervention divine, qui envoya une vierge, une fille du bon peuple de France, une nouvelle Judith pour assurer la délivrance de la Fille aînée de l’Église.

Une nouvelle reconquête ?

Six cents ans après l’avènement de Charles VII, notre beau pays connaît des affres on-ne-peut-plus similaires, quoique plus sinistres encore, puisqu’en 1422, l’Europe était le phare de la Chrétienté. L’histoire est faite de répétitions, permises par Dieu pour rappeler aux hommes qu’Il est le maître de l’histoire et de leur destinée, que Lui seul peut les extirper du chaos qui les menace à condition qu’ils retournent à l’obéissance et à la fidélité. L’infidélité et l’apostasie dont notre époque pâtit ne datent pas d’hier… Mais nous voici à une époque charnière marquée par l’échec des léviathans modernes et par le désir des fils des ténèbres de bouleverser de nouveau les repères d’une humanité en pleine détresse, par le truchement d’une révolution idéologique, morale, médicale et migratoire incontournable — le Great Reset tant souhaité et consciemment préparé par Klaus Schwab et les parangons du néo-mondialisme.

La crise covidienne jointe à la crise encore plus cinglante de l’Église, est le prétexte d’une tabula rasa définitive d’une époque où subsistaient encore, malgré l’acharnement des hérauts de la post-modernité, des petites étincelles de l’ancien temps. « Sans moi vous ne pouvez rien faire ! » (Jn XV, 5) Cette parole du Christ doit avant tout résonner à nos oreilles, avant de nous lancer dans des grands discours et de profondes analyses, avant de sortir le canon ou l’arbalète, avant de faire de grands plans de survivalisme. Notre secours vient de Dieu et de Dieu seul. Sainte Jeanne d’Arc en fut la preuve incarnée, à une époque où tout semblait perdu. Notre combat pour la légitimité, pour le règne du Christ sur son beau royaume de France et sur l’humanité tout entière, pour la défense des droits et de la liberté de l’Église catholique, ne peut donc être efficace s’il n’est avant tout soutenu par la grâce divine. Mais ce combat demande aussi courage, détermination, conversion personnelle et pénitence en ces temps douloureux au milieu desquels il nous faut être des « martyrs », des témoins, et ne pas avoir peur de risquer son confort, sa notoriété, sa vie même pour la Vérité. La reconquête est à ce prix. Comment la Providence pourrait-elle soutenir des soldats apeurés et mollassons ? « Aide-toi et le Ciel t’aidera », dit l’adage.

Qu’en ce début d’année 2022 le Ciel nous vienne en aide pour faire de nous des soldats intrépides du règne du Christ dans notre vie et dans notre beau pays de France, pour affronter les combats de demain et pour qu’à l’instar de Jeanne, nous fassions refleurir les beaux lys de la Fille aînée de l’Église !

Mathias Balticensis

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