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Soyons humains, bon sang ! Et sachons user de notre psychologie, Par Paul-Raymond du Lac

 

« L’un des meilleurs usages de la douceur, c’est de nous l’appliquer à nous-mêmes, ne dépitant jamais contre nous ni contre nos imperfections. Certaines colères contre soi-même n’ont d’origine que l’amour propre, qui se trouble et s’inquiète de nous voir imparfaits » (Saint François de Sales)

 

Nous serons toujours imparfaits sur cette terre, puisque notre nature est blessée et que le désordre nous guette constamment. Suivons alors Saint François de Sales et ne soyons pas trop dur envers-nous-mêmes.

Tout en n’oubliant pas qu’il faut être violent avec soi-même (s’arracher l’œil s’il nous amène à pécher, etc).

« Je préfère le voir mort qu’en état de péché mortel » disait Blanche de Castille en parlant de son fils, Saint Louis.

Et elle a raison !

 

Quand cela touche au péché, c’est une horreur qu’il faut extirper par tous les moyens !

 

Mais quand il s’agit du champ vaste et trouble des imperfections, il faut se reconnaître tel qu’on est : imparfait, faible et misérable.

Alors soyons violents envers le péché et les vices, et doux envers nous-mêmes, créature aimée de Dieu et façonnée à son image, sauvé par le sacrifice de son propre Fils !

 

Il ne s’agit pas de ne rien faire, mais d’apprendre à utiliser notre nature psychologique, notre caractère, et les « carottes » émotionnelles pour combattre le vice d’une part, et nous aider à accomplir nos œuvres pour nous diriger vers notre fin, le bon Dieu.

Comme l’évoque si bien Saint Thomas d’Aquin dans son traité sur les passions de l’âme, les passions en elles-mêmes sont bonnes, mais il faut qu’elles soient ordonnées. Nous, catholiques, nous ne cherchons pas à devenir des froides machines, des robots sans émotions ni passions, tel ces stoïciens ou ces moines bouddhistes qui font du néant, cette aridité contre-nature et anti-humaine, le « bonheur » : ils ne sentent plus rien, donc ils croient qu’ils sont sauvés, alors qu’ils font le jeu du démon ! Devenus des cœurs de pierre et des banquises arctiques, ils peuvent accomplir tout péché sans aucun souci : ils ont appris à tuer leur conscience, et à tuer la vérité, dans un relativisme complet.

 

Bref, nous, catholiques, nous connaissons par la Foi les vérités nécessaires à notre salut, et nous connaissons par la raison éclairée par la Foi l’essentiel de notre nature humaine et politique. Notre constitution naturelle est sociale, et il existe ainsi une politique naturelle, un ordre naturel des sociétés, dont la version royale française est certainement l’un des exemples les plus aboutis et parfaits, dans une mesure qui reste bien limitée sur cette pauvre terre : un gros millénaire de christianisme vécu et appliqué dans une persévérance de générations en générations font naître un glorieux douzième siècle, glorieux par sa vertu et son humilité.

 

Apprenons ainsi à user de nos émotions, de nos passions et de notre caractère pour nous aider à accomplir ce que nous devons accomplir : faire taire les passions qui nous entravent dans certains devoirs, et apprendre à user habilement d’autres qui peuvent nous aider dans nos devoirs.

 

Il n’est évidemment pas toujours facile de se connaître objectivement, car c’est désagréable, toujours. Notre siècle, pourtant, nous rend la tâche facile : les études sur notre « psychologie » pullulent, et, si tout ce genre littéraire de « réalisation personnelle » et autres livres-recettes se fourvoient complétement dans les fins, et nient toute la part rationnelle et spirituelle de notre âme, les constatations de bon sens sur notre psychologie sont souvent exactes et peuvent aider, à la lumière de la foi.

 

Prenons par exemple « Les langages de l’amour » de Gary Chapman (2015, éditions Farel) : cet américain au vernis chrétien, conseiller conjugal qui a une longue expérience en la matière, explique certaines vérités de bon sens psychologique sur la façon de témoigner son amour à autrui (pas forcément qu’en couple d’ailleurs), et il explique que nous ne parlons pas forcément tous le même « langage de l’amour » : certains sont plus sensibles aux paroles, d’autres aux services rendus, d’autres aux moments de qualité, d’autres aux cadeaux et d’autres au toucher physique.

 

Un certain « fond » chrétien (protestant a priori, il cite Jésus sans trop de difficultés) lui fait rappeler en filigrane l’importance du sacrifice, et que l’amour est avant tout « volonté » : une décision d’agir pour une personne, et non pas un sentiment (l’amour-passion étant une lubie passagère, qui peut aider, mais qui ne vaut rien en elle-même, et qui appelle à un véritable amour de volonté ; c’est d’ailleurs pourquoi tant de mariages explosent : ils croyaient que l’amour-passion était l’amour tout court !).

 

Bref, ce livre, à la lumière chrétienne, peut donner des idées pratiques, et nous rappellent certaines vérités psychologiques de notre constitution. Et il est intéressant pour se rappeler de la déchéance contemporaine de la vie de famille : il expose des cas qu’il a rencontrés, et c’est assez effrayant…

 

Ce genre de livre, néanmoins, est à prendre avec des pincettes, et ont de grandes limites !

L’auteur « oublie » – mais c’est logique – que le but n’est pas de satisfaire des égoïsmes réciproques dans un couple ou dans une famille, mais qu’il s’agit de se fondre dans l’amour de Dieu, qui est aussi amour du prochain par l’exercice de la vertu, en particulier la piété, et les sacrifices, contre ses émotions et son « réservoir émotionnel » s’il le faut.

Il ne s’agit pas de ne jamais ordonner, ni punir – on sent des relents « d’éducation positive » et autre rousseauisme éducatif qui triomphent partout aujourd’hui.

 

Tant que le cap est le même, dirigé vers Dieu, puis vers ses devoirs envers la famille et le Roi, la famille est indestructible !

Un père de famille doit savoir « ordonner » à sa femme et ses enfants, quand il le faut, et a priori avec conseil (mais prendre conseil ne signifie ne pas décider, ni ne pas ordonner). Le Père de famille est là pour « mettre l’ordre », et « mettre de l’ordre »  aussi désagréable que cette mission soit (car il est toujours plus facile de se laisser aller ! encore plus dans une société ultra-laxiste comme la nôtre… vous avez peu de chance de pécher par dureté excessive).

Le père de famille, justice et miséricorde, est justice d’abord : il doit savoir redresser les torts dans la famille et punir fermement les fautes ; cela fait, il peut ensuite être miséricordieux en adoucissant une peine, ou en l’annulant, sans la faire disparaître, ce qui reviendrait à faire disparaître la faute. Il tient le cap et affronte l’extérieur.
La mère vient mettre la douceur et le conseil nécessaires, incarner le soleil dans la maison, être le cœur battant de la charité du foyer.

 

Gary Chapman ne nous donne en fait que quelques techniques du « vieil homme », qui sont légitimes car naturelles, mais ne sont que des moyens pour atteindre une fin supérieure.

 

Normalement, prier ensemble, aller aux offices ensembles, se sacrifier pour le même Dieu et dans la même foi suffisent et dépassent largement tous les autres langages de l’amour psychologique.

Mais cela ne suffit pas : il faut savoir user de notre psychologie et cela est légitime !

Simplement, n’oublions jamais notre fin : la restauration du Christ en toute chose, l’avènement du nouvel homme en nous et dans la société en tout (le Christ encore) et l’accomplissement des fins naturelles des sociétés familiales, paroissiales et du royaume (la restauration politique intégrale).

 

Une fois ces objectifs bien clairement connus, et l’ordre minimal installé pour les atteindre, sachons user de tous nos « ressorts » psychologiques pour nous faire avancer sur cette voie !

 

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France

Paul-Raymond du Lac

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