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Vérité, Justice et charité : dans cet ordre !, par Paul-Raymond du Lac

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Je lisais tantôt « La religion de combat » de l’abbé Joseph Lémann, publié en 1891, dans une époque où l’Eglise est assaillie de toute part, et où la restauration royale en France semble quasiment impossible…

 

Cet ouvrage présente le combat spirituel nécessaire et appelle au combat des catholiques par la prière et les œuvres : il appelle à l’engagement dans tous les champs possibles après avoir exposé l’histoire eschatologique de l’humanité et décrit le combat contre le démon, qui a existé de tout temps, et qui prend aujourd’hui une tournure particulière en ce sens où il devient triomphant.

 

Le livre est marqué par l’ultra-montanisme du temps avec une certaine hyperbole de la louange pontificale, qui, pour notre malheur, se dégradera en « papolâtrie » dans l’Eglise post-conciliaire : seuls les papes, à l’époque Léon XIII, était le rempart de la vérité et de la Foi.

Ne leur jetons pas la pierre : à leur époque, seul le pape tenait la route, et peu nombreux ont été ceux qui ont vu tout de suite la catastrophe politique du ralliement en France, et peut-être personne n’a vue l’impossibilité pour l’Eglise seule de jouer juste sur le plan politique sans l’épée du temporel – le Roi en France, en l’occurrence.

 

L’ouvrage décrit ainsi le combat, puis la défense, puis l’attaque.

Au moment de l’attaque, il place de façon très intéressante – en se positionnant dans une réflexion spirituelle – la nécessité d’attaquer d’abord par la vérité (en l’annonçant haut et fort), ensuite par la charité (dans les œuvres) et enfin par la justice (pour se préparer au jugement de Dieu).

 

D’un point de vue strictement surnaturel, cette position est défendable. La charité sous-entend la justice, et quand il parle de justice, il parle de jugement dernier, donc il incite à penser à son jugement et donc à se convertir.

Si on le comprend bien, tout va bien… mais il serait tentant de mal le comprendre.

Car au même titre que la « papolâtrie », une telle proposition oublieuse de son ordre, c’est à dire faisant passer la justice après la charité, semble avoir déchu aujourd’hui dans la négation de la justice par une « charité » – tolérante et laxiste – qui vient flouer la justice (laquelle consiste à rendre à chacun ce qui lui est dû – que ce soit en châtiment ou en récompense).

 

Reprenons le raisonnement : avant tout, la vérité.

Cela est nécessaire. Il faut connaître la réalité dans toute sa profondeur et à tous ses niveaux, à commencer par notre réalité naturelle (philosophie, spirituelle et surnaturelle (la foi). Les autres ordres de vérité naturelle (psychologique, historique, scientifique) en découlent naturellement.

Et le plus grand ennemi de notre temps est le relativisme qui veut faire croire qu’il n’y a pas de vérité objective (en contradiction d’ailleurs avec un scientisme et un rationalisme effréné qui croit que la raison humaine, sans limites, égale la divine et ne peut pas tromper – seule la foi révélée et la philosophie saine éclairée par la Foi permet d’avoir bien conscience des limites de notre raison et de produire ainsi une science saine et bonne).

La vérité, soit dit en passant, signifie simplement « l’adéquation entre une affirmation et la réalité qu’elle désigne ».

 

La vérité par excellence est le Christ, et il a désigné l’Eglise pour l’enseigner. La vérité implique ainsi la connaissance de l’ordre mis dans notre nature, dans le monde naturel comme surnaturel. Cette connaissance de l’ordre divin est un prérequis : elle nous indique ce que nous sommes et où nous allons, et pour quoi nous sommes faits. La doctrine légitimiste expose l’ordre politique naturel à la lumière d’une histoire très chrétienne qui a permis, dans la réalité et l’expérience, de faire fonctionner des institutions rodées par la Foi, et aidant à conserver l’ordre en donnant les outils et les armes à chacun pour s’ordonner à sa fin. La doctrine légitimiste a conscience de cette expérience chrétienne, et sait que rien de saint ne sort sans la vie du Christ (et que les institutions saines qui nous restent encore, par bribes, disparaissent justement parce qu’elles ne sont plus sanctifiées par la grâce).

 

Cet ordre est désordonné par le péché de l’homme : la vérité impliquant la morale, notre devoir est ainsi de soigner l’ordre, de retrouver l’ordre, de remettre l’ordre.

Ainsi, après la connaissance de la vérité, la justice vient donc en second.

 

La connaissance de la vérité implique l’application de la vertu de justice, qui est une remise en ordre, préalable indispensable à toute restauration, à toute conversion.

Si on n’est pas bien ordonné à sa fin, que faire ?

 

Ensuite vient la charité, accomplissement de la justice si on peut dire, accomplissement de la justice surnaturelle : la vérité reconnue, et la justice faite, on peut ensuite être doux et miséricordieux, et ne retenir sa main pour punir, ou donner par libéralité plus que ce qui est dû.

 

Sans l’ordre, la miséricorde n’a pas de sens.

La charité, en ce sens, est une justice divine appliquée (pas la justice des hommes vengeresses, mais bien la justice se fondant sur la vérité divine – en ce sens l’abbé Lémann a raison : sa charité contient en fait la justice, car la charité n’est rien d’autres que l’amour de Dieu dans les actes, ce qui correspond fondamentalement à notre remise en ordre, puisque nous sommes ordonnés à l’amour de Dieu – de là, toute la justice découle et restaure).

 

Ne confondons pas néanmoins cette charité surnaturelle avec la mièvrerie ou la miséricorde : on ne peut pardonner que si la faute est reconnue comme faute, et le pardon demandé (Dieu ne pardonne pas à ceux qui n’ont pas la contrition et ceux qui ne demandent pas le pardon ! Ne croyons pas faire mieux que Dieu, comme le prétendent ces modernes plein d’orgueil qui veulent pardonner contre la volonté des fauteurs, en disant au passage qu’ils ne fautent pas !).

 

La miséricorde n’a de sens qu’après une condamnation claire et ferme : l’Eglise montre l’exemple. Elle lance des anathèmes, puis elle appelle à la réconciliation.

Ceux qui s’obstinent dans l’injustice sont punis.

Le roi très chrétien faisait de même : jugement, condamnation, puis grâce, ou adoucissement des peines.

On faisait respecter la justice devant les sujets, car la sévérité est de mise contre les délinquants, et cela n’empêchait pas d’exercer la miséricorde envers les délinquants repentants, montrant toute la bonté de la justice royale et augmentant sa gloire.

 

Alors oui, pour restaurer le Royaume, sachons la vérité et donc travaillons, étudions la bonne doctrine !

Puis exerçons la justice, cette mise en ordre, qu’entraîne nécessairement la connaissance de la vérité – car cette connaissance de l’ordre fait prendre conscience des dégâts et désordres, qui deviennent insupportables par leur stupidité et les dommages occasionnés. Ferme, fort et intransigeant.

Et enfin soyons miséricordieux, à l’image de Notre Seigneur.

Le tout irrigué par la charité surnaturelle à tous les niveaux !

 

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France

Paul-Raymond du Lac

 

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