Societé

Emma Watson is boring

Les bobos ont depuis quelques jours une nouvelle égérie, l’actrice Emma Watson, dont le discours[1] sur le féminisme a été accueilli par une standing ovation convenue, au siège de l’ONU, le 20 septembre. Au lancement de la campagne « HeForShe » a succédé un psychodrame planétaire ; d’affreux hackers machistes se sont déchainés contre Emma Watson menaçant de dévoiler des photos compromettantes sur le site web « 4chan ». Las ! C’était un vrai canular[2] organisé par une fausse agence de com, Rantic Marketing ; mais l’intox est passée. Les bobos ont eu leur heure d’indignation.

La communication est soignée, Emma Watson est glamour, le buzz est viral. Et pourtant la lecture du discours sur le féminisme v2 donne envie de sourire ou de pleurer. On y apprend qu’Emma Watson a eu une enfance difficile. Pourquoi ? A cause des clichés sexistes, évidemment. On la jugeait trop autoritaire pour une fille, ses copains étaient « incapables d’exprimer leurs sentiments », ses copines ont arrêté le sport pour ne pas être trop musclées, l’amour de son père n’était socialement pas assez valorisé. Le drame. Un drame de bourgeois, mais un drame quand même.

On aurait espéré que la star britannique dénonce les maltraitances les plus abominables qui existent sur notre planète. Mais non, pas un mot sur l’horreur de l’excision en Afrique, ni sur l’esclavage sexuel des chrétiennes en Syrie ou en Irak, ni sur la culture du viol en Inde, ni sur l’infanticide féminin en Chine, ni sur le harcèlement sexuel en Occident… tout au plus une timide référence aux millions de filles mariées avant l’âge adulte. Il ne fallait pas s’attendre non plus à entendre une critique de la pornographie, et de son rôle grandissant dans la violence contre les femmes ; on est à New York, et à New York, on ne « stigmatise » pas la liberté d’expression.

Par contre on a droit à des tartines bon ton pour bobos, comme l’inévitable référence à Hilary Clinton, et au rôle politique que les femmes doivent tenir à parité. On sous-entend qu’Hermione est moins payée qu’Harry Potter ; c’est un second rôle, objecteriez-vous ? Non, c’est parce qu’Hermione est une femme. Et si un calotin se trouvait dans la salle, on lui rappelle aimablement que la femme est propriétaire de son corps. Le bobo jubile, le discours d’Emma Watson est liturgique, mystique.

Mais le meilleur est à venir : le féminisme, parce qu’il va changer cette vile société patriarcale, va rendre plus heureux… les mâles ! Et oui, les hommes souffrent d’innombrables problèmes psychologiques, ils se suicident en masse, ils se tuent sur la route, ils ont des cancers, des maladies cardio-vasculaires, tout cela à cause des « stéréotypes du genre ». Il fallait oser ! Emma l’a fait. Bref en libérant la femme, on libère l’homme, on lui donne le droit d’être fragile et sensible.

Emma Watson invite donc tous les hommes dans la grande croisade du féminisme : HeForShe, Lui pour Elle… On en reste muet, hébété.

Mademoiselle Emma Watson… nous, les mâles dépressifs et malades, sommes nombreux à nous féliciter chaque jour de travailler avec des femmes, de bâtir des projets avec des femmes, de rire avec des femmes. Nous sommes nombreux à admirer les femmes de pouvoir en entreprise et en politique, pour leur réussite, et pour ce qu’elles apportent quelque chose de différent de ce qu’un mâle peut produire au même poste. Nous sommes nous aussi des féministes, mais d’un féminisme différent du votre.

En effet, nous voulons défendre les femmes au foyer que la société, que vos complices bâtissent, méprise copieusement, ces femmes sévèrement classées « sans profession », jugées par vous comme bonnes à repasser les chemises de leur mari, à qui l’on refuse de reconnaître qu’elles font le plus beau métier, le plus utile, le plus exigeant, et que notre patrie leur doit tout. Nous défendons les veuves qui n’ont pas de retraites parce qu’elles n’ont jamais cotisé. Nous défendons celles qui à contre-courant font le choix de leur famille. Hier la société obligeait, soit disant, la femme à être mère de famille, aujourd’hui, la société veut le lui interdire.

Nous souffrons aussi pour celles qui, dévorées par la culpabilité, sont seules à compter les années d’un enfant avorté à dix-sept ans, sous la pression de leurs parents ou d’une assistante sociale. Nous souffrons pour celles qui réalisent trop tard à cinquante ans qu’elles ont sacrifié leur maternité à une entreprise qui se soucie de leur épanouissement comme un boucher se soucie d’un veau. Nous souffrons pour celles dont le corps a été abimé par des années de pilules. Nous souffrons pour celles dont le travail était censé les protéger « en cas de divorce » et qui ont divorcé ; on finit toujours par mourir de ce dont on voulait se protéger. Elle a bon dos la « liberté de la femme », tout cela valait-il un tel asservissement ?

Enfin, Mademoiselle Emma Watson – souffrez que je vous appelle Mademoiselle, et non Ms. – nous vous invitons en France, pour rencontrer Ludovine de la Rochère, Marion Maréchal-Le Pen ou Christine Boutin, convaincus que l’exemple de ces femmes engagées portera un témoignage vibrant et sincère de notre conception du féminisme.

Pascal Amilhat

[2] Washington Post, 24 septembre 2014, How serial hoaxers duped the Internet with fake 4Chan threats against Emma Watson

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