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Quand les « Francs » sont connus jusqu’en Chine ! Autour des « pirates » du Pacifique, par Paul-Raymond du Lac

 

Au fil de l’ouvrage de Takeo Tanaka, Wakô (Pirates nippons), une histoire des mers (倭寇 海の歴史), Koudansha Gakujitsu Bunko, 2020 (2012).

 

Les aventures sur mer fascinent toujours et font rêver : dites pirates, corsaires et vaisseaux et tout un tas d’images vient à l’esprit, souvent fantasmées.

 

Certains lecteurs le savent peut-être, mais les Japonais connaissent aussi leurs pirates, célèbres pour avoir écumé tout l’Extrême-Orient entre au moins le XIIIe siècle et le début du XVIIe siècle, les wakô.

 

Devinez quoi : j’ai découvert au hasard de mes lectures que les commerçants et capitaines portugais du XVIe siècle sont appelés en Chine « furanki 仏狼機賊(フランキ) » (p.139) ou pirates francs !

Les « Francs » comme Européens sont ainsi connus comme tels jusqu’en Extrême-Orient ! Cela était connu pour le Moyen-Orient, mais les Francs ont fait parler d’eux bien au-delà, jusqu’en Chine (qui communique par les terres directement avec le Proche-Orient via la route de la soie).

 

Profitons de cette remarque pour sommairement résumer l’histoire des pirates japonais.

 

Cette histoire se divise grosso modo en deux périodes assez distinctes : le XIVe-XVe siècle et le XVIe -XVIIe siècle.

Précisons que wakô signifie littéralement « raids de Japs » : c’est le nom de pirates donné du côté coréen et chinois pour désigner les attaques et les pillages des courses japonaises, un peu comme les Barbaresques sur les navires et les côtes européennes en Méditerranée.

 

La première période des XIVe et XVe siècles se concentre ainsi essentiellement sur les côtes coréennes, mais parfois plus avant dans les terres, comme les Vikings qui ont écumé la France autour du Ier millénaire. Profitant d’un pouvoir royal faible en Corée et de divisions profondes au Japon, les pirates japonais de tout genre allaient piller et enlever en Corée, contre rançons, ou en réduisant des populations en esclavage. Ces pirates pouvaient être autant de « petits seigneurs » féodaux possédant des fiefs dans l’Ouest du Japon, mais ils comprenaient aussi tous les navires interlopes profitant de la myriade d’îles qui se trouvent entre Corée, Japon et Chine.

 

La deuxième période, celle du XVIe siècle, est bien différente : elle se déporte sur la Chine, et constitue à proprement parler un commerce illicite. La Chine a en effet interdit tout commerce et stoppe l’octroi de tout laissez-passer aux navires à plusieurs reprises. Cela ne plaît ni aux marchands chinois, ni aux marins, ni aux seigneurs féodaux japonais : les wakô deviennent ainsi essentiellement ces pilotes qui continuent le commerce au su des autorités chinoises, et commandités par des commerçants chinois et étrangers. Certains de ces wakô constituent de véritables fiefs marins, et jouent un rôle à part entière dans les guerres féodales japonaises. Les Japonais eux-mêmes ne représentent plus que 20% des effectifs de ces wakô (souvent les dirigeants), et les Chinois sont nombreux. Les « francs » (les Portugais) entrent aussi dans la danse et s’intègrent au commerce d’Extrême-Orient.

 

Quoiqu’il en soit, il est toujours intéressant de constater que les hommes, où qu’ils soient, gardent la même nature et que l’on observe le même genre de phénomènes d’un bout à l’autre du monde.

Notons aussi que le XVIe siècle illustre effectivement une certaine « première mondialisation » qui relie par la mer essentiellement l’Europe et l’Asie lointaine, avec des coutumes sur mer poreuses et rassemblant des « pilotes » pourtant très différents dans une « culture » de la course, du commerce, de la rapine qui peuvent se ressembler, étonnamment.

 

En tout cas, les Francs étaient connus jusqu’à l’autre bout du monde au XVIe siècle !

 

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France

Paul-Raymond du Lac

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