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Article IV Chapitre III Théorie chrétienne des sacrifices (4)



Éclaircissement sur les sacrifices

[Au fil des classiques Série Joseph de Maistre – 30]

Paul de Beaulias– Au fil des classiques

Série Joseph de Maistre

Maistre, Joseph de (1753-1821). Œuvres complètes de J. de Maistre (Nouvelle édition contenant  les œuvres posthumes et toute sa correspondance inédite). 1884-1886

Articles précédents: 

1-Joseph de Maistre, une figure traditionnelle prise dans les tourments de l’époque

2- Joseph de Maistre vu par son fils 

3- Introduction et chapitre I « Des révolutions » [Considérations sur la France-1]

4- Chapitre II « Conjectures sur les voies de la Providence dans la révolution française »[Considérations sur la France-2]

5-  Chapitre III « De la destruction violente de l’espèce humaine. »[Considérations sur la France-3]

6- Chap.IV « La république française peut-elle durer ? » [Considérations sur la France-4]

7- Chap. V « De la révolution française considérée dans son caractère antireligieux.— Digression sur le christianisme. » [Considérations sur la France-5]

8- Chap.VI « De l’influence divine dans les constitutions politiques. » [Considérations sur la France-6]

9- Chap.VII « Signes de nullité dans le Gouvernement français. » [Considérations sur la France-7]

10- Chap.VIII « De l’ancienne constitution française. » (première partie) [Considérations sur la France-8]

11- Chap.VIII « Digression sur le roi et sur sa déclaration aux Français du mois de juillet 1795. » [Considérations sur la France-9]

12- Chapitre IX « Comment se fera la contre-révolution, si elle arrive? » [Considérations sur la France-10]

13- Chapitre X « Des prétendus dangers d’une contre-révolution. »
[Considérations sur la France-11]

14- Éclaircissement sur les sacrifices [Éclaircissement sur les sacrifices -1]

15-Article I Chapitre Premier Des sacrifices en général (1) [Éclaircissement sur les sacrifices -2]

16-Article I Chapitre Premier Des sacrifices en général (2) [Éclaircissement sur les sacrifices -3]

17-Article I Chapitre Premier Des sacrifices en général (3) [Éclaircissement sur les sacrifices -4]

18- Article I Chapitre Premier Des sacrifices en général (4) [Éclaircissement sur les sacrifice -5]

19- Article II Chapitre II Des sacrifices humains (1)[Éclaircissement sur les sacrifice -6]

20 – Article II Chapitre II Des sacrifices humains (2)
[Éclaircissement sur les sacrifice -7]

21 – Article II Chapitre II Des sacrifices humains (3)
[Éclaircissement sur les sacrifice -8]

22- Article II Des sacrifices humains (Suite) – 1
[Éclaircissement sur les sacrifice -9]

23- Article II Des sacrifices humains (Suite) – 2[Éclaircissement sur les sacrifice -10]

24- Article II Des sacrifices humains (Suite) – 3 [Éclaircissement sur les sacrifice -11]

25-Article II Des sacrifices humains (Suite) – 4
[Éclaircissement sur les sacrifice -12]

26- Article II Des sacrifices humains (Suite) – 5 [Éclaircissement sur les sacrifice -13]

27- Article IV Chapitre III Théorie chrétienne des sacrifices (1) [Éclaircissement sur les sacrifice -14]

28- Article IV Chapitre III Théorie chrétienne des sacrifices (2) [Éclaircissement sur les sacrifice -15]

29- Article IV Chapitre III Théorie chrétienne des sacrifices (3) [Éclaircissement sur les sacrifice -16]

UNSPECIFIED – NOVEMBER 22: Count Joseph de Maistre (1753-1821) French writer and diplomat. Line and stipple engraving, French, 19th century (Photo by Apic/Getty Images)

Joseph de Maistre revient ensuite sur le vif du sujet, après cette affirmation de la portée infinie de l’unique sacrifice ultime de Jésus, tout à fait homme, tout à fait Dieu, qui fait véritablement entrer l’homme dans une nouvelle ère, et en fait un homme nouveau, non pas au sens révolutionnaire qui supprime l’homme ancien, mais au sens christique par excellence, qui sublime l’homme ancien, le restaure dans sa dignité première, le rétablit dans vocation première : bref, il accomplit l’homme ancien sans rien nier de ce qu’il est en nature, c’est le contraire de l’homme révolutionnaire régénéré. Et derrière la rédemption générale, les martyrs sont comme les imitateurs du Christ, à leur échelle s’entend :

 « De cette rédemption générale, opérée par le grand sacrifice, Origène passe à ces rédemptions particulières qu’on pourrait appeler diminuées, mais qui tiennent toujours au même principe. « D’autres victimes, dit-il, se rapprochent de celles-là… je veux parler des généreux martyrs qui ont aussi donné leur sang : mais où est le sage pour comprendre ces merveilles ; et qui a de l’intelligence pour les pénétrer ? »[1]

Cette possible analogie, ou connexion au Christ, vient du simple fait de la double-nature du Christ, de cette hypostase mystérieuse, et dans la Révélation qui nous rappelle que nous sommes créés à l’image de Dieu, ce qui permet d’assurer le fondement de toute connaissance : notre nature est affaiblie, blessée, certes, mais créée à l’image de Dieu, nous pouvons donc, par analogie, distinguer les vérités divines, car à son image signifie bien qu’en partie notre nature est divine et spirituelle, et peut donc contempler l’ordre divin et ses vérités.

 « Les deux rédemptions ne diffèrent donc point en nature, mais seulement en excellence et en résultats, suivant le mérite et la puissance des agents. Je rappellerai à cet égard, ce qui a été dit dans les Entretiens, au sujet de l’intelligence divine et de l’intelligence humaine. Elles ne peuvent différer que comme des figures semblables qui sont toujours telles, quelles que soient leurs différences de dimension. »[2]

Et enfin, Joseph de Maistre revient sur le Grand Sacrifice qui se répète indéfiniment dans le sacrifice de la messe, grâce des grâces, privilège des privilèges, sacrement des sacrements, accomplissant encore et encore le sacrifice pour les hommes, en les libérant de tout sacrifice sanglant, avec une efficacité toujours certaine et parfaite. Mystère des mystères devant lequel l’âme et l’intelligence ne peuvent que se mettre à genoux en sainte adoration.

« Il est entré dans les incompréhensibles desseins de l’amour tout-puissant de perpétuer jusqu’à la fin du monde, et par des moyens bien au-dessus de notre faible intelligence, ce même sacrifice, matériellement offert une seule fois pour le salut du genre humain. La chair ayant séparé l’homme du ciel, Dieu s’était revêtu de la chair pour s’unir à l’homme par ce qui l’en séparait : mais c’était encore trop peu pour une immense bonté attaquant une immense dégradation. Cette chair divinisée et perpétuellement immolée est présentée à l’homme sous la forme extérieure de sa nourriture privilégiée : et celui qui refusera d’en manger ne vivra pas(2). Comme la parole, qui n’est dans l’ordre matériel qu’une suite d’ondulations circulaires excitées dans l’air, et semblables dans tous les plans imaginables à celles que nous apercevons sur la surface de l’eau frappée dans un point ; comme cette parole, dis-je, arrive cependant dans toute sa mystérieuse intégrité, à toute oreille touchée dans tout point du fluide agité, de même l’essence corporelle (1) de celui qui s’appelle parole, rayonnant du centre de la toute-puissance, qui est partout, entre tout entière dans chaque bouche, et se multiplie à l’infini sans se diviser. Plus rapide que l’éclair, plus actif que la foudre, le sang théandrique pénètre les entrailles coupables pour en dévorer les souillures (2). Il arrive jusqu’aux confins inconnus de ces deux puissances irréconciliablement unies (3) où les élans du cœur (4) heurtent l’intelligence et la troublent. (…) Il n’y a pas dans le monde spirituel une plus magnifique analogie, une proportion plus frappante d’intentions et de moyens, d’effet et de cause, de mal et de remède. Il n’y a rien qui démontre d’une manière plus digne de Dieu ce que le genre humain a toujours confessé, même avant qu’on le lui eût appris : sa dégradation radicale, la réversibilité des mérites de l’innocence payant pour le coupable, et LE SALUT PAR LE SANG. »[3]

Cet opuscule est une bonne introduction au sacrifice, si central dans l’humanité, si capital pour comprendre véritablement la religion universelle et le tréfond de la condition humaine.
Joseph de Maistre, à son habitude, développe une herméneutique et une méthodologie puissantes, vives et fructueuses, tout en rappelant de grandes vérités qu’il faut savoir pénétrer par la raison éclairée par la Foi, effort qu’il nous demande de faire en permanence. Cet aspect fondamental de Joseph de Maistre est clef pour saisir sa pensée, qui n’est jamais univoque ou simpliste, mais toujours vraie et simple dans son affirmation tranquille de la Foi, avec l’examen de la raison, et l’évocation de toutes les facettes de notre âme et de notre histoire.

Il ne reste plus qu’à développer la pensée de cet opuscule à un cas particulier pour voir les fruits obtenus. Opuscule qui, on se répétera, est vraiment central dans le monde contemporain qui a perdu par trop le sens du religieux, de la vérité et de l’histoire.

[1] Ibid, p.355

[2] Ibid, p.357

[3] Ibid, p.358-360



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