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[Institut Lys et Chrysanthème] L’éducation, une affaire de famille, une affaire royale, une affaire divine, par Paul de Lacvivier 1/2

Note de l’auteur: cette étude inédite publiée a été composée il y a déjà des années: en relisant je me dis que j’étais bien naïf encore sur le discours des japonais modernes sur leur passé. Aujourd’hui, j’aurais certainement insister sur les différences fondamentales entre une société païenne et chrétienne. Néanmoins, les remarques d’ordre naturelle restent d’actualité, et si le passé décrit est idéalisé par les auteurs et vu au prisme de principes en fait chrétien – sans l’avouer- il y a de nombreux enseignements à tirer, d’où cette publication sans retouche de fond.

La raison de cette recherche est concomitante à monmariage et l’arrivée de mes premiers enfants: je voulais savoir ce que disait la sagesse universelle quant à l’éducation des enfants, dans notre monde moderne détruits.

Communication première – Préhistoire Japonaise

 

Paul de Lacvivier

 

Au fil du livre : Tadashi SHIGA, Histoire de l’éducation dans l’antiquité japonaise(日本古代教育史), Tôkyô, Chiyoda Shobo, 1977

 

L’éducation, une affaire de famille, une affaire royale, une affaire divine

 

Introduction : Aux sources de l’éducation

Cet opuscule de taille modeste contient tout un programme : l’auteur, Shiga Tadashi, cherche l’essence de l’éducation dans les temps primitifs de l’histoire japonaise, préoccupé qu’il est de trouver des solutions aux difficultés contemporaines que rencontrent l’éducation.

 

 « Cela fait maintenant un demi-siècle que j’ai choisi d’étudier l’éducation et son histoire. J’ai toujours été contrarié par ce manque, par ce blanc dans notre histoire de l’éducation que constitue la période de la haute antiquité, toutes les études ne commençant à parler de la question qu’à partir de la moyenne antiquité, au moment où les premières écoles apparurent, comme si l’éducation commençait avec celles-ci. La période antérieure est « préhistorique », car ne connaissant pas l’écriture et ne nous laissant donc aucune source écrite. Peut-on pourtant considérer que cette époque primitive ne vaut pas la peine de s’y intéresser par une trop grande simplicité et naïveté de ces gens ? Pourtant, la vérité des choses se trouve le plus souvent dans cette simplicité et naïveté même. Et tout particulièrement pour ce qui est du sujet de l’éducation. »[1]

 

Son étude éclaire tout un pan extrêmement instructif de l’histoire de l’éducation pour l’homme contemporain et occidental. Il est habité par cet ardent désir de restaurer une éducation authentique pour le bien de ses enfants et l’avenir du pays.

 

 « Nous sommes arrivés sans aucun doute à l’automne de l’éducation : il est maintenant nécessaire de renouveler notre vision de l’éducation scolaire, la repenser et ensuite la reconstruire. Pour ce faire, je désire explorer les confins de notre histoire dans cette période primitive où l’école même n’existait pas encore afin d’étudier tant la façon dont les hommes conduisaient alors l’éducation au milieu de leur vie quotidienne et de leurs travaux, que pour apprendre ce que nos lointains ancêtres nous racontent sur elle.

« Restaurer l’ancien » doit se comprendre en réalité comme une « renaissance ». Et ainsi, dans cette dynamique, nous pouvons redécouvrir « l’ancien » et apprendre de lui, qui nous suggère non seulement les méthodes à employer et les buts à poursuivre pour aujourd’hui et demain, mais devient aussi naturellement l’énergie qui nous fait avancer au jour le jour. »[2]

 

Sa méthodologie est claire : il ressent le besoin de la société moderne de restaurer ce qui a été abîmé au cours du temps et les vérités anciennes afin de permettre une renaissance, une revitalisation nécessaire de l’éducation contemporaine. La restauration consiste dans le renouvellement des dynamiques anciennes et réelles : on puise dans le passé pour réellement affronter l’avenir ; c’est-à-dire que pour renaître il faut revenir aux origines. L’éducation a ceci de terrible qu’il faut tout recommencer de zéro à chaque génération. Cette vérité bien visible est pourtant souvent oubliée, dans une sorte d’assurance optimiste et quelque peu aveugle qui veut nous faire croire que l’éducation se fera d’une façon ou d’une autre. Et pourtant, rien de moins évident[3]… De là vient peut-être la raison fondamentale du sentiment d’urgence face aux problèmes la concernant, même s’il est souvent inconscient : tout peut être perdu en l’espace d’une seule génération – espérons que nous, les derniers nés du vingtième siècle, ne soyons non pas la génération perdue, ce qui serait un moindre mal, mais la génération qui a tout perdu car elle n’a rien appris, voire pire, mal appris.

On remarque de plus l’importante distinction à faire entre instruction et éducation, distinction qui n’existe pas clairement d’ailleurs en japonais[4], mais que l’auteur rappelle clairement : d’où la nécessité d’explorer la substantifique moelle de l’éducation qui peut se révéler à nu dans un monde où l’école n’existe pas. Allons chercher dans ces temps reculés la « voie éternelle » de l’éducation.

 

« « Restaurer » signifie littéralement « revenir à l’ancien ». Revenir aux sources, à ce lieu premier de tranquillité et de calme. Vouloir restaurer revient ainsi à vouloir retrouver cette sérénité originelle. Mais cet endroit harmonieux et cette âme sereine ne sont-elles pas avant tout une source pure d’énergie ? Retourner aux sources de la sérénité humaine peut apparaître comme le résultat de la passivité et d’une dynamique rétrograde, mais pourtant, dans cette passivité sublimée même, la véritable énergie active et positive jaillit et devient la source de tous les développements. Si nous voulons vraiment agir activement et positivement, nous ne pouvons que nous retourner vers l’ancien et nous sublimer dans la passivité. Dans le calme même du cœur se trouve conservée précieusement la belle Voie que nous devons retrouver. Sans cette détermination et cet état d’esprit, le retour sur le passé se perdra certainement dans les confins flous de l’éternité et on aura beau chercher le chemin de la formation des hommes, on tombera sans aucun doute dans une sorte de romantisme béat de l’antiquité, dans une monomanie du collectionneur qui aime les vieilles babioles, ou encore dans une simple érudition stérile qui cherche à tromper l’ennui. Nous ne possédons pas ce luxe, nous faisons face aujourd’hui à un nombre important de problèmes à résoudre sur l’éducation, qui s’enchevêtrent de façon inextricable avec tous les autres domaines comme la politique, l’économie ou la culture. Trouver dans ce fouillis le fil conducteur qui pourra nous diriger vers une solution n’est pas chose aisée. Et ces problèmes de la plus haute importance nécessitent une solution intransigeante, qui ne supporte ni l’évitement ni le compromis. Je crois que la seule façon de trouver la voie de résolution au milieu de la tempête est de tendre notre attention vers ce que nous suggèrent les figures de l’ancien temps, le berceau de l’éducation. Cela peut paraître un détour immense, et pourtant rien n’approche plus le fond du problème.

Certains me répliqueront peut-être que l’éducation vise l’avenir, constitue ce qui fonde la création de la nouvelle histoire de demain. Revenir alors sur le passé et tenter de trouver dans la voie de ce sombre et lointain passé primitif ne serait ainsi que folie ! A quoi sert d’aller chercher cette simplicité primitive, indéfinie, sorte de néant primitif, invisible et insaisissable ? Et pourtant, c’est dans cette simplicité et naïveté même qui porte en elle la vitalité vigoureuse et l’énergie pure. Ce n’est pas parce que le néant primitif indistinct répugne par son flou et son éloignement qu’il faut l’ignorer et mettre aux oubliettes ce qu’il a d’essentiel. Les premiers sermons bouddhiques peuvent sembler de nos yeux présents quelque chose de bien naïf et simple, et pourtant les temples, les tours et les bibliothèques sont emplis d’une doctrine sophistiquée et approfondie. Mais qu’en est-il du point essentiel de l’état du salut de tout un chacun et des générations à venir,  ? Il n’est pas besoin de répondre. Nous en sommes encore si loin, et la pente est si abrupte… Ce n’est pas une raison pour garder les bras croisés et la tête en l’air.

C’est le moment de revenir aux origines de l’éducation et revenir à cette antiquité primitive où se trouve la voie éternelle sur laquelle nous devons marcher. Cherchons à retrouver cette voie originelle de notre éducation nationale en se collant à la vie et à la culture de nos ancêtres. N’ayons pas peur de la pauvreté matérielle de ces chasseurs, soyons simplement humble dans notre ignorance de ces temps reculés, et tentons de faire face sereinement à cette cible qui se dérobe. »[5]

 

La beauté qui nous est offerte est de constater une belle universalité au travers des lignes de cette citation. L’auteur étudie une antiquité particulière, celle du Japon, et tente de souligner de temps à autre des particularités de l’éducation nipponne. Pourtant, ses remarques et ses conclusions, sans compter ses préoccupations, sont d’une universalité déconcertante et correspondent en plein à certaines vérités éternelles répétées avec constance avec la Sainte Eglise, qui n’a jamais rien inventé, si ce n’est une transmission claire et juste de nombreuses vérités annoncées et confirmées par le Christ.

La quête de notre auteur pourrait se reformuler de la façon suivante : l’homme ancien est plus proche d’un état pré-chute, pour utiliser des références chrétiennes. Il existait un état avant le péché originel, où l’homme n’avait pas encore commis le mal qui le condamne à cette chute. Les anciens, qui vivaient il y a si longtemps qu’il en devient difficile de comprendre leur réalité si ce n’est en se fondant sur l’universalité de l’humanité et des problèmes constants qu’elle doit affronter du fait de sa nature même, sont ainsi plus proche que nous du début, et en particulier du début de la transmission, qui n’existe qu’avec la filiation, elle-même signe de notre mortalité.

L’auteur ne peut pas être soupçonné d’être chrétien avec la petite pique de la citation suivante, dans laquelle il vient pourtant à la même conclusion que toute la philosophie traditionnelle : l’homme hors de la société n’existe pas, et il est absurde de le concevoir, ce n’est qu’une chimère. Il balaie ainsi en deux lignes les thèses idéalistes des lumières qui voient dans l’homme primitif une sorte d’homme idéal. Rien de tel ici, si l’homme ancien primitif profite certainement d’une éducation plus pure, qui lui donne une idée plus claire de ses devoirs et de la Voie sur laquelle il faut s’efforcer de marcher, car plus proche des premières transmissions, il n’est en rien ni naturellement bon, ni seul.

 

 « S’il est concevable dans l’esprit d’imaginer que le genre humain a pu exister avant la formation des sociétés sans que ces dernières n’existent, l’histoire naturelle démontre pourtant le contraire, et comme le suggèrent les histoires des origines, comme celle d’Ève et Adam, vouloir imaginer un individu par lui-même n’est qu’un conte enfantin et sans intérêt. »[6]

 

On pourrait presque dire qu’il tente d’expliquer la raison de la possibilité même de cette bizarrerie folle inventée par les lumières de l’homme individuel et sans société, l’homme à l’état de nature, dans le développement tordu et infondé du motif d’un Adam seul pendant un certain laps de temps, déploiement sans contexte et sans aucune assise théologique. En tout cas, impossible d’étudier l’éducation hors de la société, puisque l’éducation suppose transmission, et donc famille, et donc liens qui fondent toute société de façon naturelle depuis le début de l’humanité.

 

L’éducation : une histoire de famille et une histoire divine

L’exploration du professeur Shiga l’amène à découvrir la nature profonde de l’éducation de ses ancêtres lointains : qui dit éducation dit famille et relation au divin.

L’éducation se fait d’abord en famille. Ou du moins, la famille est son lieu naturel, et si elle se fait aussi dans le village, on reste dans une famille élargie.

 

 « Il ne fait aucun doute que l’éducation dans le foyer et l’éducation dans la société étaient naturellement fusionnées. »[7]

 

Il balaie au passage, en ne faisant simplement que regarder la réalité qui se profile à travers les témoignages de cette lointaine époque, le poncif qui veut que qui dit primitif dit sous-développé techniquement, et explique à plusieurs endroits de façon convaincante que l’assimilation des techniques chinoises n’a pu se faire que grâce à l’existence antérieure de techniques déjà bien présentes et transmises pendant des générations, qui démontreraient en tout cas au minimum une excellence spirituelle[8] des anciens:

 

 « C’est parce qu’ils possédaient déjà des connaissances rudimentaires mais solides dans les divers domaines qu’ils furent capables d’intégrer en peu de temps et de façon remarquable les techniques agricoles venues de l’étranger et les technologies nouvelles, en démontrant une véritable capacité à réaliser notre première révolution industrielle. »[9]

 

Toute éducation vient ensuite du désir naturel de transmettre à ses enfants, ce que l’on a soit même reçu, penchant renforcé par l’ardent besoin d’assurer l’avenir du village face aux incertitudes de la vie et de la nature. Nous trouvons dans la citation suivante cette bénédiction de la sévérité naturelle nipponne qui oblige à se souvenir de son impuissance et des liens invisibles qui existent avec le divin, sans parler de la nécessité de la vie en société :

 

« Les catastrophes tels les typhons et autres calamités qui viennent nous frapper de temps à autre renforcent non seulement la cohésion et le sentiment de communauté des sociétés des zones touchées et des maisons élargies Ujizoku, tout en renforçant le sentiment de destin commun des diverses familles, mais aussi, comme le suggèrent encore aujourd’hui la foi et les rites magiques qui viennent des temps les plus reculés, intériorisent ce sentiment de destin commun puis devient en profondeur caractère [d’un peuple] et façonne, à n’en pas douter, à la fois les dispositions de l’âme et les modalités de la vie quotidienne. Toute cette nature et ces catastrophes révèlent et font prendre conscience à tout un chacun de son impuissance fondamentale, de la transcendance et du mystère de la force divine : la foi magique qui se consacre aux esprits divins et les prie ne peut que se renforcer. De nombreux rites et cérémonies magiques sont ainsi réalisés et répétés tout au cours de la vie des enfants, à chaque fois que le danger se manifeste, dont certains se font même avant la naissance, pour s’assurer de leur développement et de leur croissance, dans cette conscience aigüe de l’impuissance des petits hommes mal assurés qui devront grandir sans espoir de secours, si ce n’est dans cette foi et ces rites […] qui permettent de surmonter une par une les épreuves de la vie au moment opportun et d’accéder à l’étape suivante de vie par l’octroi d’un nouveau nom.  »[10]

 

Nous avons ici une première allusion à un moyen éducatif que l’auteur juge essentiel, et que les hommes antiques usaient principalement : les rites de passage, qui permettent des prises de conscience, de rentrer en contact avec le divin, de se protéger aussi, mais de passer encore à l’étape suivante. A la fois un moment charnière qui permet de basculer dans la suite et un moment mystérieux de contact avec le divin. Ils correspondent en un certain sens[11] aux sacrements chrétiens, qui sont des mystères à travers lesquels on rentre en contact avec le divin tout en entrant aussi dans un nouvel état, et les différents rites et coutumes au cours de la vie, depuis les bénédictions, en passant par le baptême, jusqu’aux funérailles.

 

La sévérité fait aussi partie de l’éducation, car quand on aime réellement, on veut le meilleur pour ses enfants, et quand on connaît telle ou telle ornière de la vie, on veut que ses enfants ne s’y prennent pas, et l’on sévit là où nos propres parents ont sévi (ou n’ont pas sévi, provoquant une chute dans l’ornière que l’on veut d’autant plus éviter à sa propre progéniture).

 

 « Et ces parents devaient certainement faire tout leur possible pour enseigner à leurs enfants adorés cette connaissance et ces techniques, ainsi aussi que les villageois qui devaient leur faire apprendre par l’imitation et les former par l’apprentissage, pressés qu’ils étaient par l’ardente et impérative mission de transmettre aux jeunes pour la continuation et le développement à venir du village. Et il n’est pas difficile d’imaginer, en partant des coutumes qui nous sont restées aujourd’hui, que cette instruction et cet apprentissage pouvaient de temps à autres être sévères. »[12]

 

La famille donc transmet, mais la famille se limite-t-elle aux liens du sang, ou, fondée sur ces liens, a-t-elle d’autres particularités, d’autres significations ? L’auteur se réfère à des études plus générales sur les sociétés primitives pour remarquer que la famille est aussi, et avant tout, l’unité fondamentale reliée par le divin et reliée au divin, lien peut-être plus fort que celui du sang. Rappelons au passage que pour comprendre ces temps lointains, la foi dans le divin est un prérequis sans lequel il est impossible de ne rien comprendre de profond sur ces époques. Voici la vérité évidente, le principe de départ incontournable et universellement admis : « Dieu existe. » Cela dit, qu’est-ce que Dieu ? On ne le dit pas, mais son existence est certaine pour ces temps lointains[13]. Cela posé, que rassemble fondamentalement la famille en ces temps, au-delà des liens naturels du sang ? Voici ce que nous dit la recherche :

 

 « Granger commence par énoncer : « Ce qui unissait les familles antiques et les familles élargies Uji, bien plus que dans le lien du sang, des sentiments ou de la terre, se trouvait dans quelque chose d’autre. » Puis : « La famille signifiait fondamentalement la communauté des personnes qui avait le droit de prier le dieu du même foyer, de dédier et offrir des offrandes au même ancêtre divin. » Cette thèse est tout à fait vraisemblable. Le four se trouvait en effet au centre de la vie des gens de l’époque, il constituait un pilier divin de la vie quotidienne, dieu empli de grâces qui permettait de nourrir le corps avec abondance, et qui protégeait la maison et la famille. L’extinction du feu du foyer signifiait littéralement la fin de la maison. Le foyer incarnait ainsi pour ces hommes le double extrême du besoin primitif de satisfaire ses besoins « matériels [et visibles] », tout en adorant à la fois le « divin » sacré et invisible. On trouve ainsi la suggestion d’un tableau talentueux d’une famille, c’est-à-dire du monde des hommes, dont la paix et la prospérité sont en même temps préservés [grâce à ce divin lié à la matière]. Ne devrions-nous pas aujourd’hui retrouver là le principe fondamental sur lequel toute éducation digne de ce nom devrait se fonder ? »[14]

 

Nous avons ici l’explication de la façon dont les antiques résolvaient sans le savoir l’étrange problème auquel est confronté le monde moderne qui veut toujours opposer spirituel et matériel : nous côtoyons ainsi partout, et d’abord à l’école, des idéalistes idéologues qui veulent faire de l’homme, même plus un esprit, ce serait déjà trop humain, mais une simple idée, un simple théorème placé dans une construction ou un système raisonnable et parfait. Et en même temps, nous côtoyons le matérialisme le plus effréné, qui ne s’oppose qu’en apparence à l’idéalisme précédent : nous avons été soi-disant libérés de notre état de sujet du royaume de France, nous ne sommes plus maintenant que des objets de la République… Consommation, commerce du corps, chosification des autres, des enfants et des bébés, tout concourt à ce matérialisme idéaliste ou à cet idéalisme au fond matérialiste, comme le montrait déjà le communisme naguère et qui continue encore dans son essence qui définit peut-être le phénomène « moderne » par excellence depuis son émergence avant même la révolution.

 

Les antiques japonais réglaient le souci sans problème : ils n’ont jamais nié l’union de la matière et de l’âme, et voyaient le divin comme le lien qui unissait la communauté, et au-delà unissait toute chose aux autres choses. La famille ne pouvait pas simplement exister par les liens du sang, liens matériels, mais devaient être renforcés par les liens divins de la religion, qui permettait en dernière instance d’étendre le lien familial à des sphères dépassant strictement celle de la famille, quand ce lien divin devenait suffisamment puissant pour même ne plus avoir besoin nécessairement du lien du sang comme amarre. En ce sens, « l’État » antique japonais n’était qu’un autel géant, avant tout, qui reliait tout le monde dans une Foi et des pratiques communes envers le divin.

 

Une communauté humaine aussi immense qu’un État ne peut avoir de substance que dans la religion. L’auteur décrit d’ailleurs ainsi le processus de formation de l’état antique japonais, qui s’est formé sur l’édification de la foi des familles, s’étendant ensuite aux communautés villageoises, aux maisons élargies, jusqu’à la maison nationale :

 

« Une fois possédé l’objet magique, le propriétaire acquiert le pouvoir sacerdotal sur le village mais aussi s’assure le pouvoir de diriger temporellement. Il devient à la fois prêtre et monarque. En se vouant aux dieux, il soumet les hommes. Grâce à une autorité absolue due au sacré, il devient un monarque temporel possédant le pouvoir séculier et concret. Cette tradition se retrouve dans la fameuse « union du trône et de l’autel » chez nos Tennôs historiques qui réunissent sacerdoce, politique et éducation en eux. »[15]

 

La Foi est pratique avant tout, et lui est indissociable. C’est ce qu’on retrouve dans un hasard providentiel dans l’église catholique et l’incarnation de Jésus : tout dans la tradition catholique et orthodoxe insiste, reconnaît, admet et vit avec l’union de la chair et de l’âme, concrétisée et illustrée par l’incarnation de Jésus, et continuée par sa présence réelle et le saint esprit. Le protestantisme est en cela une hérésie idéalisante, qui cherche à supprimer la partie « chair », la partie matérielle de la religion, en réduisant les mystères des sacrements à de simples « commémorations », en croyant que la Parole de Vie, n’est qu’une parole intellectuelle, etc. En creux, la partie matérielle, qui continue à exister, est laissée soit à tous les abus, soit est soumise à un rigorisme excessif.

 

Laissons la parole à l’auteur sur le sujet de l’union nécessaire entre divin, hommes et nature, ou encore entre matière, esprit et divin, ou encore, comme il l’indique, entre économie, moral et religion, chacune de ces séries de trois termes se répondant successivement, en soulignant comment les choses et la matière sont le médium à travers lequel nous tissons les liens entre nous, toutes les choses, et le divin :

 

« Ainsi, en passant par les choses comme médium, divin et humain peuvent entrer en contact. La frugalité dans les choses, la piété envers le divin et l’humilité parmi les hommes. Par ces trois actions simultanées, choses, hommes et divins s’unissent et se relient. Le domaine des choses, soit l’économie, celui des hommes, soit la morale, et celui du divin, soit la religion, s’unissent naturellement, fusionnent et forment une « trinité » si on peut dire. »[16]

 

Il remet en cause ensuite tout intellectualisme, et rejette la société actuelle dite de consommation, tout en mettant dos à dos une sorte « d’écologisme » tout aussi moderne dans son essence, qui ou bien fait de la nature un idéal, ou bien la considère comme une simple matière à modeler.

 

« Si la connaissance humaine auréolée de gloire est estimée au plus haut point, et que de ce fait, il devient normal d’utiliser comme simple moyen la nature qui nous fait vivre et nous soutient, jusqu’à lui résister et vouloir la soumettre, alors nous devons renoncer de tout urgence à ce rêve démesuré que font les hommes. Et pourtant personne ne réfléchit au sujet ni ne se repent de la profanation que subit la nature ; au contraire chacun ne cherche que son profit et sa satisfaction immédiate, dans une production intensive de produits peu chers, où la consommation est présentée comme la vertu par excellence créant une culture du jetable. Ne devons-nous pas éviter cet écueil ? Certains peuvent penser que naguère, pendant la guerre, nous étions prêts à tout pour vaincre, et même à faire passer la violence avant la justice, si le moyen était efficace. Je ne sais pas si effectivement nous avions abandonné la justice aux moyens, mais en tout cas, en nos temps actuels de paix, la recherche du profit économique par tous les moyens tombe dans ce travers et il n’est pas étonnant que les critiques de l’homme tel « un animal économique » fusent de partout. Terre, mer et atmosphère, jusqu’à la survie des hommes même, deviennent de plus en plus menacés. Du point de vue de nos ancêtres, détruire la nature revenait à profaner l’esprit divin. Nous craignons aujourd’hui le tribunal de l’histoire. La restauration signifie à proprement parler renaissance, et comme nos ancêtres restaient humbles devant les choses, restaient humbles devant les hommes, et restaient humbles devant Dieu, en unissant choses, hommes et divin, le problème que nous devons résoudre aujourd’hui est de savoir comment placer dans la vie de tous les jours en harmonie et dans un équilibre subtil en union la triade économie [choses], moral [homme] et religion [divin]. Le seul tribunal à craindre est celui de Dieu ! » [17]

 

Il appelle, il exhorte pour sortir d’un monde humano-humain, qui n’est de toute façon qu’une illusion, pour revenir à l’union naturelle de la nature, de l’homme et du divin, en admettant toutes les composantes existantes de ce monde sans en nier aucune. Et de cesser de jouer au conformiste en craignant le tribunal de l’histoire, c’est-à-dire en craignant l’avis simplement humain, quand seul le tribunal divin devrait être craint. Finalement, en un sens, pour lui l’éducation revient à faire prendre comprendre aux enfants, dans une claire conscience, le lien qui nous unit au divin.

 

Le sujet de la Parole est essentiel car on a trop tendance à faire de l’éducation une simple transmission orale, sans parler de l’exemple ou de la pratique. La Parole trouve évidemment une importance primordiale, comme le note d’ailleurs l’auteur :

 

« Comme le dit le chant du Manyôshu, « le pays du Yamato parsemé d’îles est sauvé par la parole spirituelle ». Ces esprits des paroles se sont profondément inscrits dans notre vie quotidienne au cours du temps, au point de couler toujours en sous-main de notre culture et nos modes de vie. La parole spirituelle Verbe devient en effet une force invisible qui les guide et les soutient. Il faut ainsi souligner comment cette tradition des kotodama [paroles spirituelles] donne une couleur toute particulière à notre culture et notre éducation. »[18]

 

La parole se trouve ici devenir quelque chose de sacré, qui porte directement le divin. Elle est habituellement un signe divin porteur d’énergie divine. Quelque chose comme le Verbe chrétien. La force de cela consiste dans l’utilisation extrêmement prudente et sacrée que cette conception oblige d’avoir des mots : les mots sont clefs, la parole est fondamentale, mais il faut qu’elle soit vraie, qu’elle soit mesurée, qu’elle soit juste. Ne jamais parler pour ne rien dire, ne jamais mentir, être parcimonieux en paroles et ne pas confondre verbiage et enseignement ; enseignement d’ailleurs qui ne fait d’abord qu’illustrer une réalité qu’elle soit visible ou invisible. La mauvaise parole peut en effet avoir des conséquences terribles, et dire un mensonge par exemple agit effectivement en mal dans la réalité.

 

À côté de la parole, qui n’est donc pas désincarnée, l’apprentissage par le modèle et l’imitation occupe une place prépondérante. L’auteur souligne d’ailleurs que, comme il l’a déjà été dit, l’éducation consistait d’abord dans la transmission au sein de la famille élargie, voire au sein de la maison élargie des ujizoku, de techniques, d’arts, de métiers en bref, mais aussi de sacerdoces, organisations qui sont des sortes de corporations familiales, qui viennent de la lointaine antiquité, et qui furent continuées grâce au Roi qui les a préservées en fondant les be, véritables corporations nouvelles, dans la volonté de continuer les noms et les lignées qui se perdent dans un passé lointain :

 

« On remarque ainsi tant dans le kiki ainsi que dans les autres classiques antiques, que les origines des be se trouvent dans la volonté du Tennô qui les a fondés en ordonnant aux diverses maisons élargies Uji de les protéger afin ou de transmettre tous ces arts, techniques ou connaissances dans les domaines du sacerdoce, des choses militaires, de l’administration ou de la gestion ou parfois d’éviter qu’un grand nom de la famille royale ne disparaisse. »[19]

 

La garantie et la préservation dépasse le présent et s’étend aux générations futures, rappelant aussi que l’unité de temps chez les anciens se comptait en générations, quand aujourd’hui tout est réduit non pas même à une vie, mais peut-être à quelques années si la personne est chanceuse et consciente. Rien de tout cela dans ce passé lointain, où la stabilité d’un royaume pouvait permettre de transmettre sur des générations et générations, grâce à l’oubli véritablement digne de sa petite personne pour penser à la descendance, cette transmission qui fonde tout désir d’éducation, et sans laquelle l’éducation se vide de toute substance :

 

« Il se trouve donc comme nous venons de le voir que cette spécialisation des tâches et des arts issue des lointaines périodes paléolithiques ne s’est pas perdue, et fut au contraire renouvelée et vivifiée par la formation de ces corporations. Les très anciennes traditions des communautés de métiers héréditaires furent de plus préservées dans les be et ses dérivés, placés dans un nouveau réseau de classe et de soumission politique : le chef de ces communautés devait servir le pouvoir central. Voici ce qui constitue le régime de l’État antique. Les membres détenteurs d’arts spécialisés devinrent ainsi les peuples be. Le chef, appelé Tomonoo, les dirige, et, à leur tête, sert la Cour du Yamato. On ne trouve trace ni de système astreignant, ni de volonté oppressive. Encore moins d’imitations ou de plaquage d’une quelconque civilisation ou système continental. La structure nouvellement mise en place n’est rien d’autre que l’héritière des anciennes communautés des époques paléolithiques, lentement mûrie dans une terre, et fondamentalement inchangée. Cette réalité ajoute une profondeur essentielle à l’essence de notre éducation nationale : les arts, techniques et sagesses de ces communautés furent préservés activement sans jamais être violés par l’extérieur de la communauté. Et cette garantie, cette protection, ne concernait ni seulement le chef, ni simplement une génération, mais se trouvait étendue à ces fils, ces petits fils et plus loin encore, dans une assurance pour leur avenir, malgré tout changement de chef ou déséquilibre du pouvoir central. Ils avaient ainsi tout le loisir de s’adonner à leur art, de le perfectionner et de le sublimer. »[20]

 

La longue expérience qui résulte de ces transmissions dans la famille élargie met en place une dynamique fondamentalement positive, où les parents veulent transmettre et les enfants recevoir, entre liens du sang, liens de la terre, et liens avec le divin. Nous remarquons de plus cette importance d’une sorte de mécénat que le privilège permet en assurant la sérénité à une lignée, ce qui leur permet de se consacrer complètement à leur art.

 

« Comme cette maison particulière ou cette maison élargie qu’est la Ujizoku possédait des techniques et un savoir spécifique à transmettre, il devient inéluctable que tant les jeunes qui apprennent, que les pères, mères et les adultes du pays qui enseignent se voient pris d’une ardeur toute particulière dans l’apprentissage et l’enseignement. Ardeur et zèle encore renforcés par les liens de la terre et du sang, pour donner une éducation réalisée avec une finesse extrême. »[21]

 

Peut-être est-ce d’ailleurs la seule façon d’éviter l’assèchement de l’éducation qui peut avoir tendance, surtout quand elle se concentre par trop sur la connaissance purement intellectuelle, dans la passivité des savoirs, de juste chercher à conserver en perdant la flamme, la spontanéité et l’énergie première qui préside à la vitalité humaine et à ses œuvres, vitalité d’essence divine, tout en usant du sentiment naturel de l’homme de transmettre à sa descendance. Dès qu’il y a une éducation qui devient peut-être trop instruction, ce risque d’assèchement devient inéluctable :

 

« Après cette période de grande effervescence, deux siècles s’écoulent pour laisser la place au chamboulement de « la grande réforme et changement » du milieu du septième siècle. Cette époque voit la formation d’organisations et de systèmes, l’introduction des caractères qui en font une époque historique, où l’on réfléchit aussi aux époques passées. Elle succède avec brio à l’époque précédente des héros, on se souvient des tertres funéraires en serrure, comme des îles flottantes oniriques puis ces tombes rondes. Succède ainsi à une époque vigoureuse, positive et pleine de jeunesse qui ne tolère ni contraintes ni compromissions, une autre époque qui prend soin des acquis, les conserve passivement, remplaçant ancienne vigueur et spontanéité par une époque d’intellectuels et de jeunes nobles bohèmes, comme l’illustrent ces examens de fonctionnaires. L’énergie vitale et spirituelle à l’origine de cette vigueur et de cette ambition de jadis s’épuise. C’est le fardeau inévitable de la culture et de la civilisation, et ce qu’on peut appeler le mal nécessaire que contient toute éducation humaine. »[22]

 

Le risque de la « civilisation » et de l’écriture se trouve dans son charme même de sa facilité de figer les choses. Se souvenir et revenir, certes, mais autant que faire se peut dans une vivace oralité qui conserve et nourrit la dynamique que l’on pourrait dire divine. Encore une différence saillante que l’on retrouve entre Eglise catholique et protestantisme : si la première insiste, à la suite de Jésus, que la Parole est avant tout parole, et donc doit être écoutée et transmise oralement, d’où la nécessaire lecture des textes, les protestants s’obsèdent du texte écrit, qui ne devrait pourtant être que le support aide-mémoire, mais qui reste lettre morte tant qu’elle n’est pas parole vivante. Une civilisation ne devient ainsi véritablement talentueuse et exceptionnelle que quand elle parvient à sublimer le fardeau de la conservation pour en faire une continuation des œuvres, en passant d’un enseignement désincarné à un autre incarné et dirigé vers une fin divine et irriguée d’énergie.

 

Petite digression encore sur le lien entre l’ancienne religion magique, qui se trouve toujours liée à la religion postérieure, et du rôle absolument sacerdotal du roi qui se trouve comme la jonction entre la terre et le ciel.

Il existe apparemment un lien entre chamanisme mandchou et religion primordiale nipponne, qui pouvait peut-être aussi ressembler à certaines religions des indiens d’Amérique, voire à l’ancienne religion franque ou gauloise païenne:

 

« […] Le mot Shaman viendrait de la langue mandchou Saman, en étroit rapport avec la Samarambi, qui désigne un état de transe qui se manifeste par des danses. La particularité principale du shaman est qu’il danse comme un fou, en état de transe, sans cesse. »[23]

 

Et sur le rôle de la Reine, au rôle sacerdotal certain et essentiel :

 

« A cette lumière, nous pouvons remarquer que la Reine est non seulement une miko qui se laisse posséder par les dieux, mais aussi le pontife sacerdotal qui dirige les cérémonies. Et comme je l’ai montré ailleurs, jouer du koto servait à inviter les dieux. C’est une chose classique que l’on trouve dans le shamanisme, où un instrument, ici le koto, sert à demander un oracle divin, et se trouve être le médium de la descente divine. »[24]

 

Pour conclure cette partie nous citerons encore Shiga Tadashi, qui voit l’éducation comme d’abord une affaire religieuse, qui trouve sa source dans la piété familiale :

 

« Vénérer cette mystérieuse et absolue partie divine contenue dans la vie des hommes trouve son aboutissement dans l’éducation des enfants, qui consiste avant tout dans l’exercice appliqué, pieux et sacré du service et de la dévotion au divin. On ne peut que rester coi d’admiration devant cette volonté pieuse de la majesté de la vie et du respect de l’homme. »[25]

 

On pourrait presque dire que les enfants ont cette chance de posséder une sensibilité naturelle au divin, peut-être bien plus grande que celle des adultes, du fait même de leur faiblesse naturelle, et de la force des liens qui les relient à leur famille et au monde. Un devoir des parents serait donc de développer ce sens du divin, l’aiguiser et en faire prendre conscience pour éviter de tomber dans la démesure en grandissant, souvent provoqué par une sorte d’émoussement handicapant de la perception du divin.

 

(à suivre)

[1] Tadashi SHIGA, Histoire de l’éducation dans l’antiquité japonaise(日本古代教育史), Tôkyô, Chiyoda Shobo, 1977, p.1 « 私は教育界に入り、教育学、特に教育史を選考して半世紀になるが、これまでいつも気になり、近来いよいよ遺憾でならぬことは、我が国の教育史に限って、古代については全く空白であり、清々中古、それも教育についての職掌や学校が整備されるようになった中古の時代から始められているのかということである。それ以前は文字無く、文書を残さぬ「歴史以前」のこと、素朴単純で取るに足らぬというのであろうか。しかし凡そ真実は、いつも本来の素朴単純の中にこそ秘められている。特に人間教育の営みにおいて肯かれよう。 »

[2] Ibid, p.10 « 今や教育、わけても学校教育を見直し、考え直し、そして建て直すべき秋であろう。そのためにも、そうした学校以前の人間教育の営みが日常的な生活や生産を通してどのように営まれたか、それを遠く遡って原始太古に復り、先人たちが示唆するところについ探り求めて見たい。

「復古」は、しかしその事実の意味において、「新生」をこそ意味すべきであろう。こうした態度において、その「古」に学び取るべきものを見出すことができ、その学び取ったものが今後目指すべき方法を示唆するばかりではなく、その実践のエネルギーとなることは必定である。 »

[3] Si encore l’école moderne ne venait pas déconstruire sciemment la tradition éducative, certes, il se pourrait que la plus grosse partie de l’éducation se fasse sans effort, dans le simple respect de la coutume. Il est ainsi comique de lire par exemple les théories scolaires de la IIIème république qui parlent de l’importance de la nature, des travaux ménagers et pratiques, etc : toutes choses qui, effectivement, se font naturellement si l’enfant reste au foyer, voit ses parents travailler, apprend d’eux les travaux essentiels, la Foi, et passe son temps à jouer dans la nature avec sa fratrie. Belle exemple d’énergie perdue dans l’école, qui cherche à reproduire artificiellement ce qui se fait naturellement dans les foyers. A se demander quelle volonté peut bien commander à cette obsession de remplacer les familles à l’école, pour un effet clairement inférieur dans la petite enfance et l’enfance…

[4] Il existe comme mots courants les suivants: 教育 utilisé à la fois pour éducation mais aussi instruction au sens d’enseignement, 教化 pour édification (“rendre éduqué”), avec une connotation religieuse de mission, 教養 plus proche de érudit, de celui qui est cultivé avec goût, ou encore 子育て qui désigne sans détours l’éducation de l’enfant, le fait de l’élever, et se limite plus à la petite enfance, jusqu’à 6-7 ans.

[5] Ibid, p.11 « 「復古は言うまでもなく古に帰ることである。凡そかえる処はおちつく処である。そしてそのかえろうとするこころはおちつきを得ようとするこころにほかならぬ。しかし凡そおちつく処やこころこそは、そこから力強く発する処であり、こころであろう。かえりおちつくと言えばいかにも消極退嬰とも見えようが、その消極に徹するところにおいてこそ実は積極的な発動や展開の根源が見出されよう。われわれは積極的な活動を願い求めればこそひるがえって消極に徹し、心静かにそこに秘められた一条の道を見出さなくてはなるまい。このこころ無しには、恐らくこのように悠遠にして茫漠なる太古に帰ってそこに人間形成の道を求めようとしても恐らくロマンティックな古代憧れか、物好きな尚古癖か、暇潰しの骨薫趣味に墜するほかは無かろう。われわれにはこのような暇は無い。それというのもわれわれが今日当面し、対決しつつある教育問題の何れを見ても、政治、経済、文化等、数々の問題がからみ合い、もつれ合って、複雑と錯綜を極め、その解決の糸口を見出すことさえ容易でない。しかもそのどれ一つを取上げて見ても切実に解決を迫っており、回避も妥協も許されない。窮中打開の道ありとすれば、それは教育文化の原郷に復えり本来の相において解決への示唆を得る以外には無いであろう。それは一見いかにも迂遠に見えて、実は最も近くして確実な道であることは必定である。

しかし人或いは言うかも知れぬ。―教育のこと、それは本来明日を目指して新しい歴史を創る営みである。それなのに過去に顧みるどころか、悠遠な原始未開の薄明かりの中にその道を求めるとは何事ぞ、そこに見だせるもの素朴単純なもの、いわば未分化の渾沌に過ぎない―と。しかしながら凡そ素朴単純なものにおいてこそ溌溂たる生命が宿り、エネルギーが秘められているものである。未分化の渾沌が不都合とあって、その渾沌に目鼻を付けても、そのために肝腎な渾沌を抹殺してはなるまい。基督の山上の垂訓や釈迦の菩提樹下の獅子吼が思われることである。その教説は一見してまことに素朴単純なものであった。それが今日、堂塔伽藍は威容を張り、経典は蔵に充ち、教理は精緻を極めるに至った。しかしながら肝腎な民衆済度と言う未来の面目において如何であろうか。否、顧みて他を言うまでもあるまい。道を遥かであり、しかしも嶮しい。さればとて茫然として腕を拱いてはおれぬ。今こそ教育本来の道をたずね、今後に往くべき道を悠遠なる原始太古に復えり、われわれの先人たちの生活や文化に即して今後の国民教育の本道に示唆するもの求めよう。収穫の乏しさを憂えず、ただ研鑽の至らざること恥じながらも、あえて心静かに的無く的に対したい。 »

[6] Ibid, p.19 « われわれは人間は、先ずはじめから社会集団を成して生活していたのであって、集団以前の存在は考え得るにしても、それは自然史の問題であり、初めにアダムとイヴなどというように、個人を想定するのはたわいもないお噺に過ぎぬ。 »

[7] Ibid, p.21 « だから、家庭教育と社会教育が融通して自然に行われたに違いない。 »

[8] Si toute éducation doit se refaire depuis zéro à chaque génération, le concept de progrès même n’a pas de sens, et l’excellence spirituelle est de tous les temps.

[9] Ibid, p.22 « こうした素地があったればこそ、やがて外来の農耕技術、殊に稲作という複雑で高度な技術を短期間に習得し、産業革命を一挙にやりおうせることができたと見られる。 »

[10] Ibid, p.33 « こうしてしばしば襲来する台風はじめ諸々天災地変に対する不安、その災害に対処して地域社会として、また氏族集団としての共同体性、そして同時に並存する小さな家族集団の共同運命感を強化したばかりでなく、それがまた原始以来の呪術的な信仰や儀礼の象徴に示唆されて、その共同運命感を内面化し、精神化して抜き難い心構えや生活様式を作って行ったにちがいない。それというのもそこに自分たちの無力感と自然の超人的・神秘な霊力を思い知らされて、ひたすらにその神霊に斎き奉る呪術的な信仰を強化してやまない。それが無力にして助け無しには生い立つことも覚束ない子供たちの成長発達のために、誕生以前からくり返して止まぬ諸々ノ危機に際して行われる呪術的な通過儀礼の数々[…]が行われて、その一つ一つの危機を切り抜けさせ、新た名に加える成長発達の段階に対応させることにする。 »

[11] Celui du sens vétéro-testamentaire, soit des ombres non encore révélés et non encore efficaces avant la venue du Christ.

[12] Ibid, p.23 « そしてまたその親たちは、こうした知識や技術を愛する児に対して教えたであろうし、また、ムラ人たちは、そのムラの存続発展を念じてやまぬ至情から、それを受け継ぐ若者たちに対して、真似て学ばせ、倣って習わせ、また、時にはそのためにも厳しい訓練も行われたということは、今日の未開社会一般の習俗から容易に推定されよう。 »

[13] Au point que l’auteur rappelle non pas l’évidence que nous venons de soulever mais la chose suivante: « La volonté divine possédait un caractère absolu pour tous les gens de cette époque. » Ibid, p.22 « 神意は、当時の人たちにとっては絶対である。 » Le divin, non content d’exister, est en plus absolu, et ni faible, ni possiblement soumis au pouvoir des hommes.

[14]

Ibid, p.24 F Granger « 「古代家族乃至氏族の成員を結合したものは、血縁や感情う値力よりも、更に強力な何物かがあった。」する。そして「家族とは、同じ炉の神に祈り、同じ祖先に神饌を捧げることを許された人々の一団を意味する。」と説いているのも肯かれよう。彼らは炉において人間生活を支える情け深い神、人間に身を養うべき賜物を恵む富める神、家と家族を守る力強い神を認めていたので、炉の火が消えるということは、その家が絶えることを意味することであった。こうした炉を媒介して人間として最も原始的基本的な欲求を充たす「物」と、いとも聖なる見えざる「神」を仰ぐという両極の内に、家族、即ち「人間」の世界は平和と繁栄が保障されるという妙境を示唆している。しかもわれわれの教育が拠って立つ基本原理はいみじくもこうしたところに求められるべきではなかろう。 »

[15]

Ibid, p.37 « その際、その呪物を所有することによって祭祀権と同時に村の治的な支配権を確保することになり、彼は司祭者であると供に君主である。彼は神を祭ることによって人々を支配する。彼は神聖にして絶対的な権威を背景にして、地上現実の権力支配支配の君主と成る。その伝承は歴代の天皇が祭祀と政治と教化、すなわち際政教を一にすることになる。 »

[16]   Ibid, p.91 « このようにして物に媒介せられて神と人が相通じ、物に倹しみ、神に虔しみ、そして人に慎む。そうすることによって、物・人・神の三者は、一味に融通する。物即ち経済、人即ち道徳、神即ち宗教の三者はいとも自然に融通し、融合して、いわば三位一体を成すこととなる。 »

[17]   Ibid, p.92 « そこに人間理知の栄光は高く評価されるにしても、さればといって人間を支え生かしつつある自然を手段とし、その自然に対抗し、挑戦して、征服するところに人間の栄光を夢見ようとする思い上がりが省みらなくてはなるまい。しかも人間の目先の私利私慾のためには自然を冒瀆して省みるところなく、それによって廉価に多量の製品を作り上げ、消費は美徳ぞ、使い捨ててこそ文化生活の徴表があるとしておりはせぬか。かつて戦時中には勝利のためには手段を選ばず、暴力は正義に勝るとあったか、どうかは措くにしても、平和の今日、経済的利潤追求のためには、手段を選ばぬとあっては、いわゆる「エコノミック・アニマル」に非難も当然であろう。今や地上ばかりか、海洋や大気を汚染し、あらゆる生物、人間の生存さえも脅かしつつある。我々の先人たちの信仰からすれば、自然の破壊は、神霊を冒瀆することにほかならぬ。われわれは歴史の審判を恐れる。復古は、その語の正しい意味において新生をこそ意味すべきもの、われわれの先人たちが、物につつしみ、人につつしみ、神につつしみ、物・人・神を一にして、経済と道徳と宗教が、各々その処を得て均等と調和を致すべきものとした生活態度を如何にもして今後に新生させることこそ今後の歴史的課題でなくてはなるまい。われわれは神の審判を恐れよう! »

[18]   Ibid, p.58 « 「しきしまの大和の国は言霊の助くる国ぞ」(『万葉集』)と歌われたが、こうした言霊の信仰は時が立つにつれて人々は想念されて日常生活を規定し、ひいては生活や文化の底流を成したばかりか、それらを支え導く見えざる力となり。それが我が国の文化や教育を特色付けていること特に注意する。 »

[19]   Ibid, p.44 « このように記紀ばかり、古伝に見られるところからすれば「部」の起源は天皇の思召しで編成され、祭祀・軍事・行財政などに亙り、また、皇族の名の絶えるのを惜しんで後世に伝えようとする必要から、諸氏に命じてその氏を献らせる事から起っきている。 »

[20]   Ibid, p.47 « 先に述べたように遠く石器時代に発する共同作業に於いて行われた分業は、ここに至って鮮やかに社会組織の形成することになったわけである。更に、それまでの長い伝統を有する世襲的な職業集団、即ち「部」を原型とする社会組織を新しく階級と支配の関係において政治組織に再編し、各部の首長が中央政権に奉仕すると、古代国家の体制を形成するに至る。かれら特殊専門の職業集団は部民となり、その首長の伴緒(とものお)に率いられ、伴の緒は彼に隷属する部民を率いて、大和朝廷に奉仕する。底に着亘った作為や強制も見られない。もちろん諸他の文明や制度のような大陸先進国の模倣でもない。原始の石器時代から国土に醸されてきた原型が整備され組織されただけのことである。この事実は、先にも注意した国民教育の意義に更に深重さを加える。彼らの専門技術や知識は、園部以外から侵されたことなく、確実に保証されることになったわけである。しかもその首長だけの保証ではなく、また、自分たち一世代の保証に止まらない。首長の交替、政権の降替にもかかわらず、また首長みずからばかりか、その子、その孫の未来に亙っての保証であり、社会的証人を得て諸他の生業を措いてその専門とするところに没頭してその技術を洗練し、向上させることとなったわけである。 »

[21]   Ibid,p.48 « ましてその家、その氏族が拠って立つ専門の知識技能の伝習とあれば、伝授する父母や地域の成人たちも、就いて学び習う少青年たちも意欲的にならざるを得まい。まして、教えるものと習うものとが同じ血縁地縁に連なるだけに、そこにはまことに機微に触れた教育が行われたことは必定である。 »

[22]   Ibid, p.114 « こうした溌刺たる盛り上がりを見せる時代の幕は下りて二世紀を経て七世紀の半ばにいたって、大化改新で舞台は転廻する。それは組織化・制度化の時代であり、輸入された文字文書による歴史の時代であり、これまでも反省の時代であり、中国の学問文化と生産技術と仏教を迎え入れての文明の時代であった。それは先の英雄時代に適わしく、夢の浮島の如き前方後円の古墳は人間の時代の到来を思わせ、かつてのような小さくまとまった円頭形の墓に代わる。何物も抑圧したり、捻じ曲げることを許さぬ若く逞しく、積極的な若者の時代に代わって、現実を大事にしようとする保守消極的時代となり、野生や逞しさに代わって、監視採用の資格案件に見られるように、とりすました知識人や貴公子の時代になる。そこには、もはや野生や逞しさに秘められた溌刺たる生命感情や意欲は乾上ってしまった。それが文明や文化の功罪であり、それらを内容とする人間教育の利弊というものであろう。 »

[23]   Ibid, p.62 « コオラッツェによれば、シャーマンは満州語のサマン(Saman)に起因し。興奮や、その現われと見られる踊躍を意味するサムラムビ(Samarambi)と関係があり、シャーマンの語には興奮して休みなくあちこち踊り狂う状態を主な特徴とする。 »

[24]   Ibid, p.64 « これ見ると、皇后は神憑りする巫女であるばかりではなくて、神祭りの主を重ねていることが注意される。尚右の琴を弾いて神を招くことは、諸書に詳しく述べてある。それはシャーマニズムには通例のことであり、「琴」は神託を請うとき降神(神おろし)の楽器として一般に用いられた。 »

[25]   Ibid, p.212 « しかも人間生命に内在する霊性の神秘絶対なるものとして崇めるところから、そのような子供の養育については神霊に奉仕する聖なる営みとして精進すこととなろう。こうした生命の尊厳、更には人間尊重における敬虔な情念に対しては、誰も讃嘆を禁じ得まい。 »

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