Saint Thomas en Chine, ou l’expansion universelle du Christ et la particularité occidentale
Nous lisions tantôt un très intéressant livre de Pierre Perrier, membre du CNRS, archéologue et historien spécialiste de la transmission orale des évangiles, et Xavier Walter, sinologue, intitulé Thomas fonde l’Église en Chine (65-68 ap. J.-C.) et publié aux éditions du Jubilé1.
Si l’ouvrage est une œuvre de vulgarisation, et mériterait ici ou là d’être plus développé afin de mieux faire comprendre aux non-spécialistes la méthodologie en archéologie, il garde le grand mérite de présenter un pan inconnu de l’histoire apostolique.
Nous connaissons bien sûr bien les évangélisations des saints Pierre et Paul, et pour cause, puisqu’ils sont les deux piliers de l’Église, et que tant de textes composent le canon du Nouveau Testament. Nous connaissons aussi souvent l’évangélisation de la Gaule, qui a commencé excessivement tôt après l’Ascension, avec l’arrivée de sainte Marie-Madeleine sur la côté méditerranéenne, jusqu’au IIIe siècle de notre ère. Nous connaissons en revanche beaucoup moins les missions en Perse, et dans le monde Parthe, voire dans le monde judaïque (à l’est et au nord de la Palestine). Très peu, encore, sont ceux qui savent que saint Thomas et saint Barthélémy ont visité l’Asie en profondeur, à travers la route de la soie, puis par la mer, jusqu’en Inde. Saint Thomas fut l’évangélisateur des Indes, ce que certains savent, mais il fut aussi évangélisateur en Chine ! Selon la tradition, il fit même un court passage à Kyushu, au Japon.
Thomas fonde l’Église en Chine jette un pavé dans la mare des idées communes en Asie, y compris parmi les chercheurs : des découvertes archéologiques, mises en relation avec les traditions chrétiennes sur Saint Thomas, et les annales chinoises, permettent de confirmer l’évangélisation de la Chine des Hans avec un grand succès par Saint Thomas : douze évêques en Chine ; un au Japon.
La preuve la plus importante de cette présence chrétienne en Chine est certainement sa figuration-même dans les annales officielles chinoises : il y est relaté que l’empereur Mingdu, en 64, reçut en songe l’apparition d’un homme lumineux et étranger (c’est-à-dire ni chinois, ni parthe, ni indien). L’empereur s’enquérait de la signification de ce rêve, quand Saint Thomas arriva l’année suivante, en 65 ! Les bouddhistes ont bien plus tard affirmé que cet homme providentiel était l’un des premiers missionnaires bouddhistes venus en Chine depuis l’Inde, mais cela est chronologiquement impossible, et le type de ce personnage ne correspond en rien à un Indien, ni à un bonze. Pierre Perrier émet l’hypothèse que l’homme apparu en songe n’était autre que le Christ, ce qui expliquerait les faveurs impériales accordées à Thomas dès son arrivée, car les traditions sur l’apôtre indiquent qu’il ressemblait comme deux gouttes d’eau à Notre Seigneur. Ainsi, l’empereur aurait vu en Saint Thomas le protagoniste de son rêve mystique. Voilà pourquoi nous avons une trace de cette visite thomasiennes dans les annales, mais aussi dans des bas-reliefs monumentaux du Ier siècle, dont la lecture, selon les analyses tout à fait convaincantes de Pierre Perrier, ne peut être que chrétienne. Cela signifie que, en Chine, le christianisme est arrivé bien avant le bouddhisme.
Nous apprenons au passage que le bouddhisme a été fortement influencé par la culture hellénique, apportée par les conquêtes d’Alexandre, et que les fameux « soutras », dans la forme que nous leur connaissons, sont inspirés des écrits chrétiens (pas sur le fond, évidemment). Le mot soutra viendrait d’ailleurs de l’araméen souartha qui signifie « bonne nouvelle2 » ! L’araméen était en effet une langue vernaculaire majeure sur toute la route de la soie, qui étaient évidemment un lieu privilégié de la diaspora juive depuis des siècles.
Saint Thomas a même réussi à convertir un prince de la famille impériale, qui se fera plus tard persécuté. Comme partout ailleurs, après une forte montée du christianisme, les persécutions commencent… La Chine fut encore ensuite travaillée par les missionnaires chrétiens de l’Église dite « nestorienne3 » aux Ve, VIe et VIIe siècles, puis, bien plus tard, avec Matteo Ricci, au XVIe siècle. La Chine fut ainsi travaillée depuis les débuts du christianisme jusqu’à aujourd’hui, ce qui permet à de nombreuses âmes d’être sauvées !
Cela permet de donner un argument apologétique fort sur la nécessité de relire l’histoire à la lumière providentielle : la Chine, comme l’Inde, et comme à peu près toutes les « paganies » ont été évangélisés dès le départ et peu après l’Ascension, par les apôtres eux-mêmes, et donc influencés par l’Évangile (jusque dans leurs dites « grandes » religions, comme le bouddhisme ou le taoïsme). Malheureusement pour eux, chacun de ces empires ont refusé le Christ, et ont persécuté ses disciples, se faisant ainsi ennemis du Christ : la Chine, comme les autres pays, n’est pas simplement « païenne » — comme le serait une tribu indienne n’ayant jamais entendu parler du Christ —, non, ces nations ne sont pas en dehors de l’économie providentielle de l’histoire ; elles ont refusé l’Évangile !
Toute cette histoire nous donne un enseignement important sur la spécificité occidentale, voulue par la Providence : si l’Évangile a été porté sur toute la terre, c’est seulement au sein de l’empire romain que les « États » se sont convertis, avec Constantin, mais surtout avec Théodose, puis Clovis. Ainsi, en Occident, les structures étatiques devinrent chrétiennes, et peu à peu, ce fut le cas de toutes les institutions. Cela n’est dû en rien à une qualité occidentale particulière : comme partout ailleurs, les États avaient commencé par persécuter violemment les chrétiens, et cela pendant des siècles. Constantin n’arriva qu’au IVe siècle — et ne se convertit vraiment que sur son lit de mort —, avant que Julien l’Apostat tentât de détruire la Chrétienté naissante. Il a fallu près de cinq siècles pour obtenir un premier État chrétien après la fin de toute persécution païenne : ce fut la France de Clovis !
Ailleurs, les chrétiens n’ont pas pu survivre, car l’État (entendez les princes et les chefs) ne s’était pas converti ! Cela permet de comprendre l’importance de la politique, et l’importance de la conversion des chefs avant tout le reste.
Cela permet encore d’affirmer nos conviction anti-républicaines, anti-démocratiques, et anti-libérales : une démocratie empêche structurellement toute conversion d’une « nation ». Pourquoi ? Car l’autorité est niée en tant que telle. Officiellement, il n’y a pas de chef. Supposons l’impossible en France : que Macron se convertisse demain au Christ, et pas à moitié. Que se passera-t-il ? Rien, il se fera remplacé par quelqu’un d’autre, puisqu’il n’est rien d’autre que le pantin de la « volonté générale » (et de divers loges et lobbys, en pratique).
Alors, oui, la Restauration du Christ en toute chose ne peut sérieusement commencer que par la restauration du Christ au cœur de la nation, par son lieutenant sur terre, le Roi de France, dont l’autorité ne dépend que de Dieu. Une conversion politique est nécessaire pour la conversion en masse des âmes au Christ, or la démocratie et la République rendent cela structurellement impossible.
Tout catholique devrait donc être anti-républicain et anti-démocrate. Et, pour la partie positive : en France, il ne peut qu’être légitimiste.
Paul-Raymond du Lac
Pour Dieu, pour le Roi, pour la France !
1 Nous remercions d’ailleurs un lecteur de VG, qui nous a fait connaître ce livre.
Il y a eu bien d’autres publications depuis, en France et en Inde, 3 colloques internationaux ; c’est assez étonnant que l’auteur ne les connaisse pas : voir https://www.eecho.fr/colloque-de-rome-2021-sur-st-thomas-un-tournant/
Merci pour ces bonnes informations! Ce genre de commentaire est toujours très apprécié et appréciable, cela aide au travail de nos auteurs.