Social et économie

Planète finance : 2015, année de toutes les incertitudes

S’il y a bien une chose que je sais, c’est que je ne sais rien… et encore moins sur l’avenir ! Alors prenez les lignes qui suivent avec recul et si vous arrivez à me convaincre que j’ai tort, alors vous ferez de moi un homme heureux !

Pour se faire une idée de ce que 2015 réserve à la planète finance, il ne faut pas se limiter à une pure analyse des cours : il faut comprendre les aspects géopolitiques qui sont les causes des mouvements importants auxquels on assiste depuis le début de l’année, et c’est bien cet aspect qui est fascinant, voire inquiétant…

Premier mouvement spectaculaire : le pétrole.

En l’espace d’un an, le cours du baril de pétrole (Brent-Europe) a été divisé par 2, passant de 80 à 40€ à l’heure où je rédige ces lignes. Tout le monde est ravi… Mais pourquoi une telle baisse ? La réponse à cette question est dans mon article inaugural du 3 janvier dernier : Russia-bashing : Nous trompons-nous de cible ?

Je pointais l’ouverture des vannes des Emirats arabes (qui n’ont qu’à se pencher pour éponger le pétrole) pour enfoncer le seuil de rentabilités des exploitations de gaz de schiste nord-américaines (et non pas simplement pour « embêter » la Russie).

La question suivante est : quelles sont les conséquences financières au regard des investissements massifs (infrastructures, forages…) qui ont été financés par les banques, soit selon les experts environ 5000 Md$ ? Un tel chiffre ne parle plus à personne tant il est au-delà de nos références. Un moyen toutefois de l’apprécier : 5000 Md$, c’est 5 fois plus que les subprimes qui ont fait exploser la planète finance en 2008…

Si les exploitations de gaz de schiste nord-américaines venaient à faire faillite, l’ensemble des prêts consentis (et qui ont été titrisés et placés sur les marchés : l’histoire se répète !) deviendrait pourri…

Exactement comme en 2008, les marchés n’ont aucune idée de la localisation de ce risque et sont donc incapables de bien quantifier le risque systémique.

Si à court terme on peut se réjouir de voir baisser le prix de l’essence à la pompe, il y a tout lieu de s’inquiéter à moyen terme : même si un pétrole bas est bon pour l’économie et la croissance de l’Europe, les Etats européens seraient totalement incapables de faire face à un crack 5 fois supérieur à celui de 2008…

Deuxième mouvement : l’Euro et la politique de la banque centrale européenne.

En un an, l’euro contre le Dollar est passé de 1.40 $ pour 1 euro à 1.13 $ pour 1 euro (toujours à l’heure où j’écris ces lignes), soit une baisse de quasiment 20%… Voilà qui est bon pour notre économie, puisque grâce à cela, nous retrouvons de la compétitivité à l’exportation.

Parallèlement, la BCE se lance dans une politique de « QE ». L’acronyme « QE » désigne des rachats d’actifs, y compris de dette publique et privée, par les banques centrales, tels que pratiqués notamment ces dernières années par la Fed américaine. Ces rachats sont vus comme la dernière cartouche de la BCE pour lutter contre le risque de déflation en zone euro, puisque cela est assimilable à de la création de monnaie.

Rappelons qu’une des missions de la BCE est de maintenir le niveau de l’inflation à un niveau optimal qui se situe à 2%. Ces rachats d’actifs (60 milliards d’euros par mois à partir de mars et jusqu’en septembre 2016 soit au total plus de 1140 milliards d’euros injectés dans l’économie en 18 mois), profiteront avant tout au secteur financier et sont censés booster les cours de bourse… Pour l’heure, l’effet d’annonce passé, la bourse rebondit mollement…

Autre effet de cette politique, le maintien des taux d’intérêt sur des niveaux incroyablement bas (au fait : avez-vous pensé à renégocier votre emprunt immobilier ?) : prochainement (je prends les paris), les taux des emprunts de l’Etat français à 5 ans deviendront négatifs. Pour ceux qui n’ont pas la souplesse d’esprit pour bien comprendre : cela signifie qu’il faudrait payer pour prêter de l’argent à la France sur 5 ans ! Ça vous tente ?

Et que dire de la chronique d’une faillite annoncée de la Grèce ? Que penser des conséquences d’un évènement comparable sur des pays comme l’Espagne ou l’Italie principaux risques souverains pour les banques françaises (respectivement 100 et 330 Md€) ?

Troisième mouvement : les valeurs refuges.

La première qui vient à l’esprit, c’est l’or : déjà 20 % de hausse depuis le début de l’année. Voilà qui souligne la crainte des marchés face aux incertitudes auxquelles nous sommes confrontés…

Et puis aussi, bien sûr, le Franc Suisse : La BNS (Banque Nationale Suisse) a instauré un prix plancher de 1.2 franc pour 1 euro depuis 2011.Cela signifie que la BNS a vendu massivement sa devise pour maintenir artificiellement le cours sur un plancher plus adapté à son économie. Ainsi, le cours du Franc suisse n’était-il plus flottant mais fixe… jusqu’à ce que la BNS ne puisse plus continuer sa politique faute de moyens (en 40 et 100 Md de FS par mois, ce qui fait beaucoup pour un si petit pays !). Retour immédiat à la case départ, c’est-à-dire la parité entre le Franc suisse et l’euro : 1 € = 1 CHF ! La plus forte variation d’une grande devise depuis la fin du système de changes fixes de Bretton Woods en 1971 !

Bref, vous l’aurez compris : mon naturel optimiste est sérieusement mis à l’épreuve…

A suivre !

Arnaud de Lamberticourt

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