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« Protège ton église » : entretien avec l’initiateur du mouvement

Protège ton église Aix en Provence
Veillée d’Aix-en-Provence

Vexilla Galliae : Vous êtes à l’origine de l’initiative « protège ton église » lancée la semaine dernière, qui êtes-vous ?

Gauthier L. : Ancien étudiant de l’Institut d’Études Politiques d’Aix-en-Provence, je suis originaire de Nîmes dans le Gard. J’ai reçu la foi durant mon adolescence mais j’ai toujours été sensible au patrimoine, à la culture et à la philosophie chrétienne. Après avoir reçu le sacrement de Confirmation l’année dernière, j’ai senti en moi un véritable besoin de m’engager concrètement pour une noble cause. L’hospitalité des malades à Lourdes l’été ne me suffisait plus dans le don de ma personne et je sentais le profond climat anti-chrétien en France, particulièrement dans le cadre de la crise qui touche actuellement l’Église. J’ai longtemps évolué dans ce qui est appelé la « cathosphère », à savoir les pages et groupes sur les réseaux sociaux où des catholiques de la France entière se réunissent pour discuter et partager. On discute souvent avec des personnes qui nous ressemble beaucoup via internet, sans toutefois les rencontrer ou même organiser des choses ensemble. Les paroles de l’abbé Grosjean sur l’engagement des chrétiens ont été très inspirantes pour moi et j’ai décidé de lancer une initiative pour rappeler à mon modeste niveau que notre patrimoine est vivant face aux attaques et que la jeunesse est d’un enthousiasme sans limite pour le préserver.

VG : Comment vous est venue l’idée d’impulser ce projet ?

Gauthier L. : Les profanations du mois de janvier (plus de 66 au total pour ce premier mois de l’année) furent un véritable choc pour moi. Nous en discutions souvent avec des amis, catholiques ou non mais tous attachés à leur identité. Nous ne savions pas comment répondre à cela mais nous voulions agir. Nous avons fini par décider d’aller au plus simple, au plus évident : organiser des veilles devant les églises afin d’afficher une présence et un engagement visible pour leur préservation. Nous vivons une véritable crise de foi et d’identité en Europe, qui perdure car nous n’osons pas l’aborder sans tabou. Probablement trop de paroles. Nous avons opté pour des actes.

VG : Votre initiative est une réaction face aux dégradations et sacrilèges qui pullulent depuis le début d’année. A qui s’adresse « Protège ton église » ?

Gauthier L. : « Protège ton église », s’adresse à tous les Français (des initiatives dans d’autres pays seraient évidemment soutenues, comme c’est déjà le cas chez nos amis belges). Le postulat de départ est simple : l’image d’Epinal de la France des clochers est réelle, même dans les villes. Tous les Français ont « leur » église. Celle qu’ils voient en sortant de chez eux, celle devant laquelle ils passent en allant au travail, pour aller faire leurs courses, retrouver des amis, etc. Les églises font partie de leur environnement, de leur vie. Elles sont aussi un héritage qui les lie avec leurs ancêtres et que nous nous devons de préserver pour les générations à venir. Ces églises sont actuellement durement attaquées, profanées, volées, vandalisées. Nous entendons réveiller les Français et leur rappeler que ce sont bien « nos » églises et qu’elles font partie de notre patrimoine local et national. C’est une part de notre identité commune, ce qui fait notre lien social qui est visée et saccagée par des voyous. Ces églises sont notre passé et notre présent. Nous voulons qu’elles restent et soient aussi notre avenir. Et pour les catholiques, comme la plupart d’entre nous, il s’agit en plus de la maison de Dieu. C’est ce travail de sensibilisation que nous entendons mener. De là découlent les veilles, notre volonté d’être présents pour intervenir si nous assistons à des actes de vandalisme conformément à l’article 73 du code de procédure pénale. Nous souhaitons aussi agir plus simplement, en demandant pacifiquement aux personnes qui ont pour habitude de s’installer devant les églises la nuit, consommer alcool et stupéfiants, de ramasser leurs déchets et de se déplacer afin de ne pas gêner les habitants.

VG : Les gens répondent-ils présents ? Où se trouvent les mobilisations les plus fortes ?

Gauthier L. : Au niveau local, j’ai pu constater un engouement certain pour cette initiative. Très rapidement, nous avons pu organiser plusieurs groupes qui se relaient d’une semaine sur l’autre. Au niveau national, des sections sont en train d’être constituées à Paris, Marseille, Aix-en-Provence, Lyon, Strasbourg, Rennes, Dijon, Metz, Nancy et bien d’autres encore avec parfois plusieurs dizaines de personnes. Actuellement, on trouve les plus fortes mobilisations dans les villes qui ont été attaquées, ce qui démontre une réaction saine de la part de leurs habitants. Nous avons déjà relayé plusieurs veilles dans plusieurs villes.

VG : Comment envisagez-vous le développement de cette initiative ? Quels sont vos prochains objectifs ?

Gauthier L. : Nous souhaitons développer une section dans au moins chaque département, autour des grandes villes avec plusieurs veilles par semaine notamment dans les villages qui entourent les agglomérations. Nous pensons également à traduire en association notre initiative. Une vraie coordination avec des sections autonomes est nécessaire dans ce projet où, je le pense, la verticalité doit être restreinte au minimum nécessaire. Les sections devront apprendre à être indépendantes et lancer elles-mêmes leur mouvement. La dimension locale est trop importante. Nous ne pouvons pas savoir sans être dans une ville que telle ou telle église est peu fréquentée, abrite une œuvre d’art ou se trouve à proximité d’un bar qui ferme tard. En plus de ces actions de prévention, nous réfléchissons à ajouter une dimension de sensibilisation réelle au patrimoine des lieux de culte chrétiens, parallèlement aux autorités ecclésiastiques et locales. Je pense que nous pourrions être utiles en servant bénévolement des paroisses pour des tâches pénibles au cours de ce type d’évènement. Nous verrions aussi d’un très bon œil un soutien de la Conférence des Évêques de France. Aussi, nous avons commencé à inviter des élus qui signalent ces dégradations à venir veiller avec nous, notamment deux députés.

VG : Avez-vous déjà des premiers retours quant à l’accueil de cette démarche par les autorités religieuses ?

Gauthier L. : Dès le lancement du projet, nous avons reçu de nombreux messages de soutien de laïcs engagés, et même de prêtres. Certains curés nous ont aussi donné des informations sur les problèmes qu’ils rencontraient dans leur paroisse. Toutefois, dans ce type de projet, il y a toujours une part de méfiance que nous avons pu retrouver chez certains religieux ne sachant trop nous répondre et préférant rester prudents. Nous les comprenons et nous espérons qu’ils nous tendrons la main quand ils seront plus informés sur nos actions et verrons ce que nous avons pu faire pour eux dans leur ville malgré cela.

VG : Que doivent faire les personnes intéressées par cette initiative ?

Gauthier L. : Tout d’abord, nous suivre et nous contacter sur les réseaux sociaux. Nous avons aussi créé une boîte mail. Nous disposons d’une page Facebook et d’un compte Twitter pour relayer les actes de vandalisme et les actions qui sont menées pour protéger les lieux de cultes. Parallèlement, nous avons créé un groupe Facebook, souvent partagé sur notre page, au nom de « Protège ton église France ». Celui-ci nous permet de mettre en relation les personnes qui souhaitent agir et où elles nous informent de la ville où elles habitent. Ensuite, des sections se créent et elles peuvent agir ensemble. C’est aussi une occasion de se rencontrer entre personnes soucieuses de préserver notre patrimoine et notre identité. Nous avons eu le plaisir récemment de veiller avec une personne non-baptisée. Nous avons eu un échange très riche et cette personne nous a même posé des questions sur les démarches pour recevoir le baptême !

Autrement, nous savons que nos actions présentent des risques pour nos volontaires. On n’interpelle pas des personnes en état d’ébriété ou en train de vandaliser un lieu de culte sans risque. Nous avons mis au point un guide, publié sur notre page publique, qui donne des conseils avec prudence, toujours dans le respect de la loi, pour les personnes qui participent aux veilles. Nous leur recommandons notamment de toujours rester pacifiques et de noter le numéro du commissariat de police le plus proche dans leur téléphone portable pour le contacter face à un délit ou un danger. Nous insistons grandement sur la légalité de nos actions et proscrivons notamment le port de gaz lacrymogène, et nous invitons les participants aux veilles à se mettre de dos si des photos sont prises, afin de préserver leur sécurité.

VG : Merci Gauthier d’avoir pris le temps de répondre à ces questions !

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