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La guerre menée par la Russie en Ukraine est-elle juste ? (2/3), par Paul-Raymond du Lac

II Etat des lieux: plantons le décor

 

Avant d’appliquer au cas de la guerre menée par la Russie en Ukraine la doctrine de la guerre juste, afin de tester si cette guerre est juste ou non, il est nécessaire de rappeler certains faits, pour planter le décor.

 

1- Géopolitique de base

a-La Crimée a toujours été sur les trois derniers siècles une ligne rouge diplomatique pour la Russie, quelque soit son régime. C’est une vérité du temps long que son accès aux mers chaudes a toujours été un axe constant, connu et ferme de sa diplomatie et de sa politique extérieure, et que la Crimée est la dernière ligne derrière laquelle elle n’a jamais reculé.

La Crimée ne sera jamais lâchée par la Russie, c’est un fait et une réalité massive. Cette région est de plus russe et peuplée de russe depuis des siècles.

 

Retenons bien l’importance géopolitique de la Crimée, sinon nous ne pourrons rien comprendre à l’affaire qui occupe le monde.

 

b- Gorbatchev a bien monnayé la réunification de l’Allemagne contre l’engagement que l’OTAN ne s’étende pas vers l’est. L’OTAN a été créé contre l’URSS et ses statuts n’ont jamais été changés malgré la disparition de l’URSS.

 

2-L’Ukraine

a Le nom « Ukraine » signifie « marche », soit « frontière » : cette région a été de tout temps depuis l’antiquité le lieu de passage et de jonctions entres différentes civilisations et empires. Elle a vu le passage de tous les « barbares » des steppes d’est en ouest. Elle est la jonction entre le monde mésopotamien puis gréco-romain et le nord barbare, puis mongol, puis russe. Elle fut ensuite dans l’histoire la marche toujours disputée entre grande Pologne et Russie.

Les sphères d’influences se sont plus ou moins fixées de part et d’autre de la diagonale Kiev et Odessa, qui se superpose peu ou prou aussi à la division entre schismatiques et uniates.

 

b Kiev fut le berceau de la chrétienté slave avec le baptême de Vladimir. Moscou a ensuite hérité de la légitimité dynastique kiévienne : ces rois sont aux tsars ce que les mérovingiens sont à nos rois. Vladimir est à la Russie ce que Clovis est à la France.

 

c L’Ukraine en tant que pays unifié et constitué n’a ainsi jamais existé avant le 20e siècle. Elle fut une création toute artificielle et moderne post-première guerre mondiale à la suite de tous ces états inconsistants et sans légitimité profonde, sans dynastie souvent. Nous sommes dans la continuité aussi du « droit des minorités » et de ces nationalismes artificiels dans la pure veine révolutionnaire. Sauf que pour l’Ukraine, il n’y a ni unité linguistique comme en France ou en Allemagne (la lingua franca est le russe), ni « ethnique » avec des minorités hongroises, polonaises et de nombreux particularismes locaux, ni unité incarnée via une dynastie, ni unité religieuse, ni de précédents historiques d’une indépendance quelconque à l’échelle de la région.

Ainsi l’Ukraine, créée par Lénine et intégrés par Staline à l’URSS n’eut pas de souveraineté en tant qu’état avant 1992. La Crimée avait été donnée nominalement par Khrouchtchev en 1956 (pour commémorer la guerre de 1856) à l’Ukraine, mais le geste était purement formel. En 1992, la République de Crimée est devenue indépendante, et en 1995 l’Ukraine l’a annexé sur un coup de force.

 

d Le russe reste la lingua franca, et les divisions se font plus entre russes de langue maternelle et les autres (à l’ouest). Il y a un nombre incalculable de grands noms russes qui sont ukrainiens (Trotsky, épouse de Gorbatchev, etc).

 

e Au niveau religieux, l’opposition historique est entre uniates catholiques et russes orthodoxes ; mais il existe aussi d’autres catholiques hongrois, ou roumains, certes minoritaires. Et sous la pression nationaliste post-urss, une église autocéphale reconnue par Constantinople s’est créée en opposition au patriarcat de Moscou.

 

3-Le Donbass (les républiques du Donetsk et de Lougansk)

 

a régions russes depuis longtemps, elles sont industrielles et riches depuis le 19e siècle. Marioupol dont on entend souvent parler fait partie de la République de Donetsk, occupée par le gouvernement central depuis la guerre civile de 2014.

 

b Le gouvernement central depuis 2014 a entamé une politique nationaliste et anti-russe active, qui a conduit aux deux républiques à se soulever. Les tendances du gouvernement central sont en droite ligne des Lumières avec une sous-humanisation des populations de l’Est et une volonté vexatoire à tendance génocidaire (en pratique tout a été fait pour empêcher les civils de vivre dans ces régions en coupant les retraites, tout approvisionnement, l’utilisation des systèmes bancaires et les bombardements sporadiques). L’abolition de la langue russe comme langue officielle, mesure purement vexatoire, fait partie de ce nationalisme d’aloi révolutionnaire, ainsi que le changement des programmes d’éducation pour créer une « nation » ukrainienne sur la haine du russe – comme la république créée une « nation » française sur la haine de son passé.

 

c La guerre de 2014 du Donbass aurait du tourner rapidement à la victoire du gouvernement central, vue les forces en présence : mais de nombreux effectifs de son armée sont passés du côté de cette « Vendée » de l’est (sans les raisons religieuses).

Des accords ont été passés entre gouvernement central et les deux régions, les accords de Minsk I et II. Minsk II, signé en février 2015, fut de plus entériné par le conseil de sécurité de l’ONU. Les garants de l’exécution du traité sont pour la partie du gouvernement central la France et l’Allemagne, et pour la partie du Donbass, la Russie : puissances extérieures au conflit.

 

d Depuis 2015, rien n’a bougé, et le gouvernement central a ignoré magistralement les accords en ne faisant rien pour donner une autonomie à ces deux régions du Donbass : pire, les bombardements ont continué sporadiquement, en violation des accords. Le gouvernement ukrainien central va de provocation en provocation depuis, et France et Allemagne font la politique américaine, du sourd : aucune action n’a été prise en substance pour faire respecter ces accords. Pire : l’intégration dans l’OTAN de l’Ukraine devenait très concrète, et déjà des armes et autres avaient été fournis.

 

e L’armée ukrainienne est passé d’environ 140 mille hommes en 2016 à 240 mille hommes en 2021.

 

f La population ukrainienne est passée de 52 millions en 1992 à 43 millions d’habitants aujourd’hui, les populations fuyant la corruption et le mauvais gouvernement depuis l’indépendance.

 

Le décor est planté dans ses grandes lignes, il ne reste plus qu’à appliquer à la lumière des principes de la guerre juste et des événements immédiatement précédents l’entrée en guerre.

Nous avons sciemment omis de parler de la situation intérieure russe, très intéressante par ailleurs pour nous légitimiste, car elle montre comme un exemple concret de « contre-révolution » pratique aujourd’hui ; contre-révolution dans son sens véritable de « contraire de la révolution » qui prend son temps, accepte le réel tel qu’il est d’une société cassée par 70 ans de communisme et reconstruit, restaure en se fondant sur des principes sains.

Nous aurions pu aussi développer les folies américaines et leur procédé, qui se reproduisent en Ukraine comme dans les précédentes guerres : là aussi, la continuité anglo-saxonne est impressionnante, pour le pire…

 

(à suivre)

 

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France

Paul-Raymond du Lac

 

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