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Homélie du T. R. P. Abbé du Barroux pour la Grand-Messe du Jubilé de la Vendée

Journée de fidélité et d’espérance
Pour les 200 ans de la chapelle Notre-Dame de Vendée
Mont des Alouettes – Les Herbiers
Samedi 2 septembre 2023

Monseigneur le Prince Louis de Bourbon et Madame,
Monseigneur le Duc de Bauffremont,
Mes Révérends Pères,
Messieurs les Abbés,
Monsieur le Vice-Président du Souvenir Vendéen,
Monsieur l’Administrateur du Cercle Charrette,
Chers Amis,

La Grande Terreur : systématique, organisée, méthodique, implacable. Une grande terreur qui, sous prétexte de faire une humanité nouvelle, tue, guillotine, exécute, noie des hommes, des femmes, des vieillards et des enfants.

Une grande terreur : la Grande Terreur, tel un péché originel, qui inspirera bien d’autres terreurs et de plus terribles encore, celles de Lénine, de Mao et de Pol Pot. La terreur de la Révolution, plus que toutes les précédentes jalonnant le cours de l’histoire depuis Adam et Ève, a eu ce trait de génie diabolique de servir au nom d’un idéal, d’une idée, d’une idéologie. Le professeur de Viguerie, dans un essai, a parlé très justement d’une idéologie des droits de l’homme contre la très belle idée antique des vertus. Jean Madiran, quant à lui, a montré une autre blessure bien plus profonde de la civilisation : celle de la piété filiale. En guillotinant le roi Louis XVI, la reine Marie-Antoinette, en laissant mourir le Dauphin, la révolution a voulu éliminer non pas seulement un régime, mais une paternité. Il fallait, pour se libérer, tuer le père, tuer toute référence transcendante et éliminer avec rage et sans merci tous ceux qui s’opposaient à cette “liberté”.

La Révolution française fut une grande terreur, une monstruosité, mais elle ne fut pas sans grandeur. Chateaubriand a écrit de la duchesse d’Angoulême, celle-là même qui vint il y a 200 ans sur ce mont des Alouettes rencontrer les survivants de la Terreur (ils furent 10 000) : « Ses souffrances sont montées si haut qu’elles sont devenues une des grandeurs de la Révolution. »

Dieu n’a pas permis que la Terreur ait le dernier mot. La terreur n’aura jamais le dernier mot, car Dieu est plus grand, plus haut, plus large que tout système humain. Et le cœur de l’homme et de la femme ont des ressources qui souvent étonnent les pires des dictateurs.

Il me semble que le grand témoignage de nos anciens de la guerre de Vendée fut de n’avoir pas courbé l’échine devant la Terreur : ils ne se sont pas laissés paralyser par la peur ; ils ont choisi la liberté, la vraie liberté, celle de leur conscience au prix de leur vie et, finalement cette liberté suprême qui est de servir Dieu.

Permettez-moi de souligner trois points qui, à mon avis, leur ont permis de ne pas succomber à la terreur.

Le premier est le courage.

Oh ! Ce n’est peut-être pas la vertu principale mais, sans elle, toutes les autres se trouvent comme fossilisées. Ce courage, faut-il le souligner, n’est pas venu de la noblesse, mais des paysans du pays. C’est d’ailleurs une grandeur de la Terreur d’avoir mis en valeur la vertu de ces “petits” aux yeux du monde. À Cluny, sur les quarante moines, deux seulement ont résisté fermement à la dissolution de leur communauté et à l’interdiction de vivre leurs vœux. Par contre, les religieuses de France ont dans une quasi-unanimité montré un courage absolu dans leur fidélité à leurs engagements. Ne dit-on pas que Charrette lui-même fut tiré de dessous son lit pour être mis à la tête des insurgés ? Ce courage, cette force face au mal, est venu du peuple vendéen, de ces paysans habitués à la dure réalité de la nature et de la vie, aucunement amollis par les facilités du monde et ce que saint Jean appelle l’orgueil de la vie. Ces courageux sont des réalistes pleins de bon sens. Et ce courage fut contagieux.

N’oublions pas que tous les dictateurs divisent pour mieux régner : diviser pour affaiblir et surtout décourager. La Terreur n’a pas eu le dernier mot en Vendée, car les vendéens ont su cultiver cette belle vertu du courage, sans laquelle un homme n’est plus un homme mais un pion.

La deuxième vertu, qui a joué un grand rôle dans cette résistance à la terreur, fut la foi.

Ce n’est pas pour rien que Jésus a dit à ses apôtres : « N’ayez pas peur, c’est moi. » Ce n’est pas pour rien que Jean-Paul II a inauguré son pontificat par ces mots : « N’ayez pas peur ! » Benoît XVI, d’heureuse mémoire, a expliqué comment la foi peut vaincre la peur. Il disait que seule la foi en un Dieu plus grand, plus prévoyant, plus puissant, peut nous aider à vaincre la peur. Et il précisait que c’est la crainte, la sainte crainte, la crainte filiale, qui peut nous aider à nous remettre devant nos responsabilités et à faire des choix, non pas mercantiles et égoïstes, mais justes et bons, objectivement bons.

Saint Benoît, au chapitre ii de sa règle, au sujet du père abbé, insiste clairement sur les comptes qu’il aura à rendre de toutes ses décisions. Et je crois que c’est l’occasion de redire aujourd’hui à tous ceux qui ont des responsabilités, que ce soit le père de famille, le directeur d’école ou d’hôpital, le médecin et surtout le politique : nous aurons des comptes à rendre au Seigneur pour notre propre vie et tout autant pour celles des autres. Nous serons jugés d’abord sur la moralité objective de nos actes. Un meurtre est un meurtre. Un vol est un vol. Une luxure est une luxure. Et, a contrario, tous nos actes bons auront une récompense éternelle. La vie ici-bas ne dure qu’un moment. La vie éternelle, elle, dure toujours, et toujours, c’est long. Nos anciens étaient pétris de cette vérité. Ils buvaient cette vérité avec le lait maternel. C’est ce qui leur a donné ce courage de se battre pour défendre leurs bons prêtres.

Aujourd’hui, par le bon plaisir de Dieu, nous célébrons la fête des bienheureux martyrs de septembre. Mgr Jean-Marie du Lau, les deux évêques de La Rochefoucauld et leurs 188 compagnons qui, au nom de la foi, ont refusé de prêter serment à la Constitution civile du clergé. Et ce fut encore là une grandeur de la Révolution, de hisser Mgr François de La Rochefoucauld à un courage serein devant la mort : alors qu’on le cherchait pour l’exécuter, celui-ci cria, gisant sur un matelas : « Je veux bien mourir, mais au moins aidez-moi ! »

Il est temps d’aborder la troisième vertu qui a aidé les Vendéens à écraser la Terreur à la tête : la vertu de charité.

Comment peut-on évoquer cette vertu dans tant d’horreur ! Peut-on décemment parler d’amour dans ce carnage par l’eau, par le feu et par le fer ? Les colonnes infernales, les noyades de Nantes, le massacre des Lucs : 500 habitants, un curé, des femmes et des enfants, brûlés vifs dans leur église.

Mais il serait bien dommageable pour notre temps et pour nos âmes d’être hypnotisés par tant de crimes et, d’une certaine manière, d’être à notre tour vaincus par la terreur.

Alors tournons-nous plutôt vers les innombrables gestes de charité, héroïques, et le plus souvent tout simples. Le pardon du général Bonchamps est bien connu, un pardon chrétien, germe fécond du Pater appris de la bouche de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Mais permettez-moi de vous raconter une histoire qui m’a bouleversé lorsque j’étais petit, une histoire que m’a racontée ma bonne-maman au sujet d’une jeune fille de la famille : Hyacinthe de la Forest d’Armaillé. (le père Abbé s’adresse à la princesse Eugénie, fille du duc et de la duchesse d’Anjou) Mademoiselle, elle était une jeune fille aussi charmante que vous et avait presque votre âge. Elle avait participé à la virée de Galerne avec ses trois sœurs et sa mère qui n’avait pas voulu se séparer de son époux. Après des mois de cavalcade, de traversée de la Loire, de faim et de froid, elles furent toutes arrêtées et jetées dans les prisons de Nantes où 2 000 femmes et enfants périrent de faim et de maladie.

Au bout d’un long mois dans ce cimetière vivant, elles furent condamnées à la noyade. Arrivées au bord de la Loire, devant la beauté de Hyacinthe, 15 ans, un officier révolutionnaire lui proposa de la sauver à condition de l’épouser. Cette petite ne refusa pas, mais demanda si cela pouvait sauver sa mère et ses sœurs. Le soldat répondit que non. Elle monta alors dans la barque. On retrouva le lendemain sur le bord de la Loire quatre cadavres enlacés dans une dernière charité : Étiennette la mère, Hyacinthe, Camille, Cécile. La dernière des sœurs, Charlotte, 6 ans, avait été subtilisée à l’extrême limite par une lavandière. Cette Charlotte est mon arrière-arrière-arrière-arrière-grand-mère.

Alors, si la Révolution a eu des grandeurs en Vendée, c’est bien malgré elle. La peur n’a pas tout gagné. La Terreur ne l’a pas emporté. Parce que les Vendéens ont eu du courage, la foi, et surtout, un cœur qui aime ses prêtres, son Dieu, son pays, sa famille.

Amen !

Dom Louis-Marie de Geyer d’Orth
Père Abbé de Sainte-Madeleine du Barroux


Plus d’informations sur le site officiel de l’évènement : https://www.jubiledelavendee.fr

Une réflexion sur “Homélie du T. R. P. Abbé du Barroux pour la Grand-Messe du Jubilé de la Vendée

  • Kristian Carpenter

    « Connaissant très bien ladite communauté, je me dis que l’audace des doublons de la tradition ne manque pas de culot : Comme le dit mon voisin Serviteur des serviteurs, ce sont des brindilles qui veulent se confronter au flammes de l’enfer dont nous somment les charbons ardent. »

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