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Du succédané à l’original : à propos du couronnement de Charles III, par le R. P. Jean-François Thomas

Lorsque saint Paul écrivit aux Romains : « Nisi potestas nisi a Deo » (« Que toute âme soit soumise aux puissances supérieures, car il n’y a point de puissance qui ne vienne de Dieu et celles qui ont été établies de Dieu », XIII. 1), il établit un principe immuable pour la conduite des chrétiens à travers les siècles et au sein de régimes politiques qui pouvaient leur être indifférents ou hostiles. Le baptisé doit poursuivre le bien y compris au cœur d’un pouvoir corrompu, païen, hérétique. Il doit rejeter ce qui est mauvais et craindre — dans le sens de respecter — la puissance qui s’exerce même injustement ou illégitimement. Son attitude n’est point celle d’un soumis aveugle obéissant aux ordres contraires à la Loi divine, mais d’un serviteur qui, parfois, doit réaliser le bien en dépit des ordres contraires à la volonté de Dieu.

Lorsque le couronnement d’un monarque chrétien — fût-il hérétique et schismatique — se produit, un tel événement ne peut que raviver la flamme de ses sujets chrétiens et aussi de ceux qui ne le sont point. Le sacre des souverains britanniques, copié sur le sacre des rois de France, à l’origine vraiment chrétien puisque catholique, s’est vidé de sa substance, tout en gardant les formes, lors du schisme anglican. Une cérémonie comme celle du couronnement récent de Charles III révèle toutes les failles dont souffre une monarchie constitutionnelle non catholique qui, de plus, épouse toutes les dérives du monde. Il ne suffit pas d’utiliser un cadre millénaire, une musique de qualité, des rites séculaires pour qu’un couronnement soit vraiment un acte sacré. Le 6 avril, ce qui s’est déroulé à Westminster Abbey est très révélateur d’une royauté qui, bien qu’étant permise par Dieu comme tant de choses sur cette terre, ne peut plus puiser sa force et son autorité dans la source d’eau vive. Tout était réuni pour que soit en fait célébré le triomphe des idéologies sur ce qui ne passe pas : écologisme, wokisme, œcuménisme, dialogue interreligieux, vivre ensemble, antiracisme, féminisme, mondialisme, multiculturalisme etc. En cela, la rupture est totale par rapport aux couronnements anglais précédents, à commencer par celui de la reine Élisabeth II le 2 juin 1953. En effet, ce dernier fut certes anglican, mais répondant à un cérémonial et à un contenu ne versant pas dans l’air du temps, même si cette époque était moins abîmée que la nôtre où l’intelligence est vraiment en péril.

Il est fort possible que la monarchie britannique ait signé ainsi son acte de décès, à moins d’un sursaut considérable. Quelques éléments pourraient notamment contribuer à une plus rapide dissolution, à commencer par la mise à l’écart — passée relativement inaperçue — de la noblesse de ce pays par la pairie. Normalement, les pairs sont non seulement en charge de chaque étape et de chaque geste de la cérémonie, mais, de plus et surtout, ils prêtent ensuite allégeance à leur souverain chacun à leur tour à genoux devant le trône. Charles III a supprimé délibérément cet aspect essentiel du couronnement, blessant les pairs en ne les invitant pas au sacre, sauf quelques-uns d’entre eux, et préférant les remplacer par des invités « people », racisés et mondialistes. Il n’est pas sûr que les pairs aient apprécié ce changement de paradigme. Une monarchie doit s’appuyer sur ceux qu’elle choisit comme conseillers, formant ainsi une élite due au mérite, puis à l’hérédité (ce qui certes n’est pas l’idéal). L’histoire des pays montre suffisamment que lorsque l’autorité royale méprise ou néglige cette noblesse qui est à son service et au service des peuples, des crises surgissent, des rébellions et des révoltes, des frondes se mettent en place. Si un trône dynamite son assise, il ne faut pas qu’il soit surpris en découvrant qu’il ne peut pas flotter dans les airs. L’Ordo de Charles V de France, utilisé pour les sacres à Reims, précise que, après l’imposition de la couronne sur la tête du roi par le prince-archevêque de Reims, premier pair du royaume, tous les autres pairs, douze en tout, soutiennent ensemble cette couronne : « Celle-ci posée, tous les pairs, tant clercs que laïcs, portent la main à la couronne et la soutiennent de chaque côté ; et les pairs seuls. » Admirable symbole, puisant ses racines dans l’Ancien Testament et dans la geste de Charlemagne. Patrick Demouy, dans son superbe ouvrage Le Sacre du Roi, écrit :

« Par un rite très expressif, les pairs soutenaient ensemble la couronne au-dessus de la tête du roi, comme les “arcs-boutants du trône”, après que l’archevêque l’eut imposé seul, car c’est Dieu qui confère “la couronne de gloire et de justice” et ce geste ne devait pas apparaître comme une élection par les grands. Le célébrant disait clairement que par la couronne le roi participait au ministère des évêques ; de même qu’ils étaient “à l’intérieur” pasteur et recteur des âmes, qu’il soit “à l’extérieur” le Défenseur de l’Église du Christ et du royaume. »

Lorsque Charles III d’Angleterre choisit de ne plus honorer les pairs et préfère se faire « élire » par les citoyens, il déracine et se déracine. Cela risque bien de revenir comme un boomerang dans l’institution de la monarchie, d’autant plus qu’une multitude de « détails » non innocents, parsemant tout le déroulé du couronnement, tend à montrer qu’un tournant est délibérément pris pour évacuer le peu de sacré qui demeurait dans le sacre : mélange des musiques, choix « racisé » ou « genré » des acteurs de la cérémonie, bénédictions œcuméniques et interreligieuses etc.

Une telle dérive est un argument supplémentaire pour ne pas accepter n’importe quel type de monarchie, mais pour reconstruire l’unique royauté ayant valeur, à savoir celle par l’onction réalisée avec le mélange du saint chrême consacré le Jeudi saint précédant et une parcelle du baume de la Sainte Ampoule. Ce rite central permet au roi d’être investi des dons du Saint-Esprit et d’être intégré dans une lignée dépassant sa propre dynastie. Cette onction, si française, se retrouve en succédané dans le rite anglais. Les rois catholiques britanniques avaient utilisé une huile sainte reçue, selon la tradition, par saint Thomas Becket des mains de la Très Sainte Vierge. L’anglicanisme fit table rase de ces superstitions. Charles III a été oint par une huile, certes très parfumée, envoyée de Jérusalem par le patriarche grec orthodoxe. Son origine géographique ne suffit point à la revêtir de puissance.

Lorsqu’un roi se détourne de la vraie foi, tout son peuple en souffre avec lui. Certes, notre pays est encore plus à plaindre, lui qui est sous le joug d’un régime antichrétien, mais un monarque faisant allégeance à une confession schismatique et en devant la tête, ne peut pas conduire ses peuples vers la lumière. Il n’est pas étonnant de constater que le nouveau roi d’Angleterre a épousé, depuis longtemps, tous les errements de notre temps. La nostalgie d’un certain faste ne suffit pas à servir la vérité. Si nous aimons le roi, nous devons savoir s’il sert Notre Seigneur le Christ ou bien seulement des programmes et des projets humains. Préférons toujours l’original dans sa pureté aux singeries, y compris les plus brillantes.

P. Jean-François Thomas, s. j.

Une réflexion sur “Du succédané à l’original : à propos du couronnement de Charles III, par le R. P. Jean-François Thomas

  • Dieu, infiniment bon et infiniment aimable selon une antique définition. Il n’a donc que faire de vos commentaires aigres sur le couronnement de Charles III. Dieu qui est à la fois passé, présent et avenir doit regarder vos commentaires fort amusé. Lui qui a été très économe en rites, doit être bien perplexe devant ses créatures qui parlent chiffons. Anglican ? Protestant ? Et alors ? Personne ne détient la vérité et Dieu n’est pas un comptable qui compte les points. Ce texte écrit par un comptable tatillon païen ne parle pas de foi. Pourtant les rites sans la foi ne sont rien. Votre cœur est sec, méprisant, droit dans les bottes de certitude des ayatollahs. Dieu est miséricorde, il écoute ceux qui l’aiment et qui se donnent pour les autres. Charles III est de ceux là.

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