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Théorie contre pratique, par Paul-Raymond du Lac

Les sciences spéculatives, celles qui sont théoriques par excellence, contemplant des vérités éternelles pures qui ne changent pas en fonction du temps et des gens, sont les plus élevés et les plus belles : théologie, philosophie (classique), mathématiques pures, etc. Ces sciences s’adressant au plus haut de notre intelligence, et portant sur des objets toujours plus élevés (Dieu étant évidemment le plus grand) procurent la plus grande joie quand on acquiert ces vérités, qu’on les découvre et se les approprient. Elles de plus infinies et communicatives : étant immatériels on peut les transmettre à l’infini, et elles peuvent faire un bien sans limites.

Toute science ne peut pas se targuer d’être spéculative, mais souvent les sciences ont au moins partie de principes ou de grandes conclusions universelles, qui permettent, à travers l’objet étudié, de remonter et de s’élever à l’ordre divin reflété dans chaque parcelle de création. Ainsi la politique, qui a pour finalité la pratique, pour des dirigeants plus prudents (vertu en soi pratique) qui servent mieux le bien commun. Ayant pour finalité la pratique, la politique a aussi sa part spéculative : contempler et comprendre les principes d’ordre politique permettent de mieux contempler et comprendre l’ordre du gouvernement divin et de la Providence, et, inversement, il est une grande joie de découvrir dans l’histoire politique des hommes le doigt de la providence qui contrôle tout : vu de haut, la politique est hautement surnaturelle.

La science politique se compose de plusieurs parties plus ou moins spéculatives (nobles) et pratiques (serviles).

L’application est nécessaire, et la connaissance des principes spéculatifs ne suffit pas à la bonne action vertueuse : savoir que l’homme est un animal politique (au sens aristotélicien) ne suffit pas faire une bonne politique en pratique, mais l’ignorer conduit aux pires catastrophes. Encore, devant un problème concret à résoudre, la connaissance des ^principes permet l’identification des causes de ce problème : la dénatalité est en train de tuer tous nos pays. Pourquoi cette dénatalité ? Car toutes les institutions comme le divorce, le « mariage » pour tout, la contraception etc vont contre la nature du mariage, qui règle de droit naturel les relations de la famille, fondement de la société. Vouloir régler le problème de dénatalité sans consacrer de nouveau le mariage catholique, avec la force de la loi s’il le faut, et sans supprimer tous les éléments destructeurs de la famille, est peine perdue… L’exemple peut être étendu à de nombreux domaines, et cette science de notre nature humaine politique permet d’analyser simplement les causes de nos maux, et les remèdes : après, une fois ces maux et remèdes identifiés, l’application est le travail du praticien, qui appliquent ces principes à la réalité ambiante.

Comme la morale avec ses commandements universels demandent en pratique une application qui est singulière.

Cette singularité et cette difficulté de l’application est inévitable, et elle provient de notre imperfection : si nous n’étions pas corporels, si nous étions des anges, nous n’aurions pas besoin d’ajuster dans nos actions l’application des principes.

Et cette servilité des chefs dans l’action politique, dont le modèle est bien Jésus qui lave les pieds et se fait esclave pour ses subalternes, tout en restant maître, est nécessaire pour le salut temporel que représente la bien commun. En ce sens l’abaissement volontaire du sage à devenir père prudent pour gérer ses enfants et les faire grandir en vertu est beau et nécessaire : mais que de fatigues et de vexations !

La croix du Christ en atteste : il aurait pu rester au Ciel avec son Père dans la contemplation éternelle de la Trinité, et rester dans ce bonheur absolu et qui ne finit pas. Pourtant , par charité, il est devenu esclave en prenant un corps (quelle horreur pour un être purement spirituel qu’est Dieu!), avec toutes ses servilités non seulement corporelles, mais aussi pratiques ! Il aurait pu rester éternellement dans la contemplation « spéculative » de son bobeur parfait, mais il a préféré prendre le poids de la pratique dans l’action de son sacrifice pour nous racheter du péché…

On ne peut que s’agenouiller devant Lui quand on réalise cet amour infini…

Revenons sur cet aspect servile de toute pratique, en partie de toute pratique politique – qui explique pourquoi dans la société bien ordonnée, le laïc est toujours moins digne que le clerc, lui-même moins digne que le moine qui est le plus noble dans son mode de vie qui veut se rapprocher au maximum de ce qui se passe au ciel, avec une prière et une contemplation la plus parfaite et complète ; le temporel est moins digne que le spirituel, tant par la fin, puisque la fin de la béatitude éternelle est bien sûr plus grande que celle du bonheur temporel, ordonné à la première, et qui consiste en une vie vertueuse, mais aussi par l’action, car son aspect pratique force à revenir mettre ses pieds dans la boue du monde, pour justement tracer le sillon vers le salut, et sortir ceux qui sont embourbés de leur ornière).

Prenons un exemple : vous avez le dogme, reflet de la perfection de la vérité divine, et hautement spéculatif par la théologie scolastique, qui ne s’occupe que d’universel et de Dieu.

Vous avez la liturgie, lien institué par Jésus à travers les sacrements entre Dieu et les hommes, pour renouveler le sacrifice, mais aussi pour former les hommes à son amour. La liturgie a ainsi un aspect pratique et matériel, et malgré sa stabilité à travers les âges, elle est plus sujet au changement que le dogme, qui lui ne change jamais (il ne fait qu’être plus éclairci, plus développé, car la vérité-Dieu étant infini on aura jamais fini d’en épuiser sa méditation et son développement, sans rien de nouveau jamais). La liturgie, en tant que reflet du dogme, et outil pédagogique divin pour former la Foi en lui (selon le fameux proverbe du « lex credendi, lex orandi » est non seulement hautement sacré, mais aussi noble pour sa contemplation. Mais même comme cela, en pratique, la liturgie demande un accomplissement concret et « hoc et hinc » qui donne l’occasion à beaucoup de sacrifices pour le célébrant prudent : il faut gérer un espace concret, avec des objets concrets, à un moment précis, avec des gens aux caractères différents et avec leurs particularités.

Le cérémoniaire, par exemple, doit non seulement aimer la liturgie, l’étudier et la goûter, mais il doit aussi l’étudier de façon pratique, en prévoyant à l’avance comment en pratique il va falloir servir pour ses servants qu’il a sous son aile : il faut qu’il use de son intelligence pratique, qui permet d’ajuster l’édition typique et les rubriques au contexte précis de lieu, de temps et de personnes où il est : tout dans l’esprit de la liturgie dont le but est d’être le plus digne et beau, pour la gloire de Dieu.

Plus les servants sont imprégnés de liturgie, de foi, de vérité, plus ils sont travailleurs et obéissants, membre d’un corps bien soumis à la tête, plus l’application pratique devient facile, et plus l’action du chef devient utile et bienfaisante ; inversement le bon chef part de la réalité de ses subalternes pour les tirer vers le haut de façon réaliste, sans jamais perdre de vue le but de rendre gloire à Dieu.

Quel travail !

Alors soyons plus soumis comme sujet du Roi, et comme bons fils de Dieu, pour agir comme un corps, détaché de nous-même et sans plus d’aspérités dues à l’orgueil, source de tous les désordres et les accrochages !

Et formons- nous, toujours par esprit de charité, en admettant que notre nature politique est aussi servile et nous demande la pratique, mais sans jamais oublier que la contemplation théorique et spéculative reste première : gardons l’ordre et la mesure en toute chose, pour la plus grande gloire de Dieu et du Roi.

La restauration commence aussi par là : développons notre vertu de charité et de prudence, dans une action pratique toujours plus sainte, car toujours bien nourrie par l’étude, la formation et la contemplation des vérités acquises.

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France

Paul-Raymond du Lac

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