Reliure et tradition, par Marie-Noëlle
La tradition, qu’elle soit du domaine religieux, politique ou familial, fait partie intégrante de notre vie et contribue à notre équilibre et à notre croissance. J’aimerais faire une comparaison avec un savoir faire qui m’est cher : la reliure d’art. Partir d’un exemple concret permet de mieux appréhender les réalités plus profondes, me semble-t-il.
Au fil des siècles, après les premiers écrits, l’art de relier le livre apparaît comme nécessaire pour faire perdurer les documents. Les premiers livres reliés en Europe sont les fameux codex. Ce sont des feuilles cousues entre elles et protégées par d’épaisses planches de bois, coupées à la bonne taille. Avec les enluminures, et la belle calligraphie, les reliures changent d’aspect et se font couvrir de parchemin.
Au XIe siècle, les relieurs sont très utiles et travaillent en collaboration avec les monastères et les moines copistes. C’est à cette époque qu’apparaît l’incontournable instrument de reliure, utilisé encore de nos jours : le cousoir.
Il sert à coudre les différents cahiers du livres et ainsi permettre de réaliser l’étape la plus importante de notre métier : relier les pages entre elles. Personne ne penserait aujourd’hui à s’en passer ou encore à inventer un autre modèle, car il est parfait tel qu’il est !
La reliure de cuir telle qu’on la pratique encore, apparaît aux XVIe-XVIIe siècles, puis est améliorée par les pratiques du XIXe siècle. Bien sûr, certaines techniques sont contemporaines et les matériaux sont neufs, mais l’esprit est resté le même ! Il est intéressant de remarquer que les relieurs — et tous les artisans d’art en général — utilisent des techniques anciennes, qui ont fait leurs preuves.
Par analogie, en politique, le respect des traditions de gouvernement, de la philosophie morale réaliste et le droit naturel font partie de la grande tradition politique française et monarchique. On comprend mieux pourquoi la Révolution dite française a réellement été un énorme bouleversement social et politique. Les républiques successives ont appuyé et encouragé tous les bouleversements possibles et maintenu la France en état de révolution perpétuelle.
De même pour la belle tradition de l’Église catholique : détruire et interdire le rite romain traditionnel, la théologie thomiste et le sacerdoce catholique a provoqué cette immense crise qui se poursuit depuis une cinquantaine d’années.
Il est clair que si du jour au lendemain, les relieurs venaient à jeter et brûler tout ce qui leur est habituellement nécessaire pour leur art, il en résulterait un immense bouleversement, qui atteindrait tant les clients que les artisans eux-mêmes. Les enseignements et les principes de nos anciens sont toujours valables aujourd’hui. C’est pourquoi nous sommes fiers de les promouvoir et de nous battre pour eux.
Marie-Noëlle D. P.