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L’Historien face à l’Histoire : La place de l’Historien

 

La structure temporelle de l’histoire existe bel et bien et d’ailleurs suit un schéma assez simpliste car elle se définit par un début et une fin. Si elle n’est pas valorisée par sa régularité c’est par sa connaissance sûre d’un passé et d’un futur qu’on peut la considérer comme fiable.

L’historien doit s’appliquer à la règle du relativisme historique et la nécessité de comprendre que des choses échappent à notre raison, que tous les phénomènes humains qui forment l’histoire (selon Henri-Irénée Marrou) ne sont pas justifiés et compréhensibles et que ce relativisme consiste à établir des alternatives, des hypothèses (à ne pas se rendre sceptique) et non des arguments d’autorité qui ont toujours fait défaut à l’Histoire. Les historiens doivent être les “philosophes de l’histoire” dans le sens où ils doivent être les régulateurs de la conscience, le cerveau d’une impartialité historique pour lutter contre la subjectivité des hommes et surtout incarner une force contre-nature qui établit sa protection sur un concept naturel : L’Histoire. Cette logique implacable mais toujours efficace de la temporalité de l’histoire explique la suite logique de certains événements comme celui de mai 68.

Le retour à l’ordre après les fièvres révolutionnaires ont fait comprendre aux historiens que la chute était inévitable et qu’il ne s’agissait pas de sauver mais de profiter de l’instant présent pour peut-être essayer d’améliorer le futur, l’anticiper pour peut-être le rendre moins insupportable. Au travers d’un message fort d’un “carpe diem” historique, l’histoire n’est pas faîte pour être changée mais pour être vécue. Cette temporalité est importante pour non seulement comprendre l’Histoire et sa temporalité mais également le commun des hommes, ce qui les unit, comme “le mariage” ou l’ “engagement politique”, ce que Marrou appelle la compréhension des phénomènes humains. Cependant l’histoire peut être menacée par le devoir de mémoire souvent visible que l’exemple des simples commémorations constitue pour la société et encore plus haut pour l’État, un prestige culturel immense ainsi que d’une forte autorité politique. Il est important de surligner une différence entre devoir de mémoire et d’histoire, une importance qu’il surligne sur quatre raisons. La première est que le devoir d’histoire se traduit par la connaissance d’un jour que l’on commémore, que l’on met en évidence sans expliquer les trames historiques, les causes qui ont conduit à sa création.

Une société qui prétend travailler avec les agents de l’histoire ne fait que les détruire en faisant passer la culture pour de la politique et en détruisant tout respect de la continuité historique en la jalonnant de “flash” commémoratifs. Cela justifie alors le travail de l’historien sur cette injustice: l’historien doit réparer cette injustice en rétablissant la juste valeur historique c’est à dire replacer dans  la file historique, le récit historique l’événement commémoré et l’y renforcer par sa présence pour marquer sa contestation face à une société qui semble l’oublier. Le deuxième point est le danger que le devoir de mémoire représente pour l’histoire, par son accumulation de “faits hérités” il menace la juste conduite et logique de l’histoire, des événements, des causes et conséquences de l’histoire, le message est que l’histoire est une science et non un  loisir que l’on peut exploiter à son avantage, c’est un moyen qui comme le dis Lucien Febvre “permet d’organiser le passé pour qu’il pèse moins sur les épaules des hommes”. La troisième raison est de ne pas se laisser tenter par l’affectif du devoir de mémoire qui laisse grands nombres de blessures et cicatrices. Il faut essayer de rester objectif, de rester rationnel sans laisser parler ses émotions, être historien c’est aussi avoir un certain enclin à être introvertie de par l’impartialité qui nous caractérise. Il faut également essayer de vérifier et justifier son vocabulaire à ne pas exagérer le poids de l’histoire comme pour l’affaire Bernard Lewis par exemple.

Si la temporalité de l’histoire ainsi que son devoir de mémoire justifie un certain relativisme de la raison par rapport au vécu, aux sentiments, l’exploitation de l’histoire, ses causes et ses conditions en revanche témoigne de la confusion des historiens sur la détermination des causes par rapport aux conséquences. Pour l’historien il est plus facile e comprendre les conséquences que les causes. Pourquoi? Parce que les conséquences sont claires et y sont pour beaucoup dans les événements commémorés, elles sont soulignées et surlignées, elles sont comme des flashs, isolées pour être mieux comprises. Cependant ces conséquences découlent des causes qui sont, elles, beaucoup moins compréhensibles. Les causes sont plus floues car elles sont difficiles à déterminer de par la multiplicité des points de vue et des exemples et donc plus difficiles de les hiérarchiser. Cependant ces causes en sont pour beaucoup liées au contexte (comme mai 68 ou le Vietnam), c’est à dire influencées directement par la société. Elles découlent d’une série d’événements plus ou moins liées que l’historien doit hiérarchiser; c’est à dire remonter encore plus dans les causalités des événements historiques jusqu’à mélanger des domaines de périodes différentes: il se doit de connaître tous les domaines et les approfondir, en être curieux. C’est un travail donc extrêmement sélectif qui doit sélectionner les meilleures sources et dans ce but unique: la recherche de la vérité.

Eugène de Molandre

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