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Recréer l’esprit de famille, par Paul-Raymond du Lac

Les temps révolutionnaires, inaugurés en 1789 par la victoire du libéralisme bourgeois et entériné en 1793 par la décapitation de tous les pères de France en la personne de Louis XVI, sont fondamentalement marqués par l’attaque profonde et incessante contre la famille : ils n’auront de cesse de l’attaquer tant qu’elle ne sera pas complètement détruite — ce qui est au passage impossible puisqu’elle est une réalité naturelle.

S’ils ne peuvent l’annihiler, ils peuvent du moins la désordonner, comme ils le font avec le gender, dernière trouvaille pour encourager la révolte de l’homme contre son Créateur dans un volontarisme grossier qui veut faire croire que, comme Dieu, il suffirait de dire : « Que cela soit » pour que « cela fût »… La nature ne change pas, certes, mais le libre-arbitre de l’homme, mal utilisé, peut embourber celui-ci dans un travail destructeur qui consisterait à s’engager dans le chemin opposé à celui qui nous est indiqué et dicté par notre nature : au lieu de marcher vers Dieu nous dégringolons en enfer, de notre propre fait, en choisissant de sortir de la chaussée bien tracée par le Père pour sauter dans le ravin et aller à notre perte — sous le simple prétexte que cette belle chaussée préparée pour nous, qui nous protège et nous indique le chemin, a été faite par un autre, qui nous aime et nous protège, et qui veut notre bien ; mais cela insupporte le gamin insolent, qui préfère sauter librement, plutôt que plier librement sa volonté à une volonté supérieure, pour son bien supérieur… Bref, la famille est attaquée de toutes parts.

Le combat contre-révolutionnaire et la restauration du royaume de France doivent donc commencer par la restauration de la famille, cette cellule de base qui nous est commune, cette réalité que nous vivons tous, et sur laquelle nous avons tous, sans exception, un portée d’action réelle — au contraire de l’activisme lointain de la politicaillerie ou de l’humanitarisme pour un prochain à l’autre bout du monde, au détriment du véritable prochain, parangon d’une charité mal ordonnée.

Alors restaurons nos petits royaumes que sont nos familles, avec le père comme Roi t comme premier vicaire de Dieu dans ce petit royaume, pour le bien commun et le bien spirituel des âmes qui lui sont confiées : le père ne doit pas seulement assurer le strict nécessaire matériel à sa famille — ce qui n’est pas non plus le luxe et le confort que l’on vend aujourd’hui —, mais bien dispenser une éducation morale pour que ses enfants deviennent vertueux et sains. Il doit ainsi montrer l’exemple, diriger les prières, protéger son foyer contre toute atteinte extérieure et entraîner ses enfants à devenir des soldats du Christ et des mousquetaires du Roi. Une certaine sévérité sera forcément de mise, car les parents sont destinés à mourir ; le but sera donc que les enfants gagnent en autonomie et finissent par se débrouiller par eux-mêmes.

Comment recréer un esprit de famille ? Comment restaurer cette douce coutume permanente qui donnait à chaque famille son unité particulière et créait cette sévère mais douce chaleur du foyer, du “chez nous”, où l’on se sait aimé pour son bien, et où l’on est à la fois totalement libre et baigné dans une charité fraternelle qui pousse à ne pas user de cette liberté pour le mal ?

Vaste programme s’il en est, et les moyens sont certainement aussi nombreux que les familles. Sur ce point, les vieilles familles ont un avantage considérable car souvent elles transmettent un esprit de famille sans même y faire attention, là où le « révolutionné » de base doit travailler activement, comme un refondateur ou un réformateur, pour recréer un esprit de famille soit jusqu’ici perdu, soit très mal en point.

Il est évident que le temps passé ensemble est fondamental : il faudrait que tous les membres de la famille soient habituellement à la maison : non seulement la mère et les enfants, qui font forcément l’école à la maison, mais aussi le père, qui, quoique tourné vers l’extérieur pour régler la diplomatie, les affaires et faire écran contre l’agression extérieure, reste dans le sanctuaire familial pour y travailler le plus souvent possible et y rendre présente son autorité. Quand le père s’absente, son épouse est là pour rappeler sa présence aux enfants.

Le père, aussi, doit bien travailler à être présent à ses enfants quand il est physiquement avec eux, et ce malgré la distraction des affaires et des soucis, si nombreux parfois !

Alors déjà quelques petites astuces, simples à dire, mais difficiles à mettre en place, et pourtant essentielles :

  • La présence permanente d’une télévision dans votre foyer détruit la possibilité-même de restaurer un esprit de famille chez vous. Le mieux, c’est de la jeter immédiatement !
  • Le téléphone est aujourd’hui indispensable, mais nous pouvons en limiter l’utilisation. En pratique, dans la maison, usons-en comme d’un téléphone fixe, avec une place fixe. Un seul et même téléphone consultable par toute la famille (hors enfant, autant que faire se peut) peut être une solution. Ainsi, le père de famille au bureau de maison n’a pas son téléphone et peut se concentrer sur le travail. Quand il s’agit de téléphoner, il prend une plage horaire et le fait, et si on téléphone, d’autres peuvent décrocher, ou il se lève pour le faire. On n’utilise pas le téléphone, habituellement, pour une autre fin que la communication (recherche internet, etc.).

Ensuite plus difficile mais tout aussi essentiel :

  • Trouver une règle, comme pour les moines, mais l’adapter à la vie familiale. Heures fixes pour les repas, le coucher et le lever, les prières du matin et du soir, l’école et le rosaire. En pratique, tout faire en même temps est certainement impossible, il faut donc prioriser et “régler” un par un chaque élément de sa journée familiale, en commençant par le plus urgent (pour parer au plus pressé) et le plus simple (pour se faire du bien au moral en se disant que cela marche). Les enfants, selon leur âge, travaillent évidemment au bien commun de la maison et ont chacun des tâches et un rôle dans la maisonnée (tâches qui peuvent tourner). Dieu et le Roi sont les premier et second servis.
    La douce règle établie, on doit s’y accrocher, sans rigidité cassante certes, mais avec fermeté et réalisme — les temps de vacances, de voyage sont forcément des temps extraordinaires où la règle doit être ajustée aux conditions du moment, sans être abolie pour autant.
  • Le rôle du père et de la mère doivent évidemment être bien distincts : jusqu’à 7 ans environ, le père est forcément un peu en retrait. Il doit ensuite apprendre à chacun de ses enfants certaines choses, et prendre du temps pour leur parler de Dieu, pour discuter avec eux, etc.

Proposons encore ici une astuce : pour cultiver l’esprit de famille, il faut aussi mener la barque comme un bon gestionnaire d’entreprise. Le père, dans son conseil restreint (son épouse) ou élargi (ses enfants selon l’âge, voire à l’occasion les grands-parents, oncles et tantes), doit réfléchir à une stratégie familiale, doit planifier l’année qui vient, un minimum, et doit suivre la réalisation de ses plans, pour voir ce qui fonctionne ou non. Pour ce faire, il faut d’une part obtenir le consentement de la famille, et l’informer des grandes choses qui se préparent.

Alors pourquoi ne pas mettre en place des réunions de famille un peu formalisées ? Avec l’invocation de quelques saints, et un saint patron, puis une allocution solennelle du père de famille annonçant par exemple l’entrée en Carême et la nécessité de redoubler de sacrifices, le projet d’achat d’une maison, l’annonce d’une difficulté (une maladie, un problème économique, etc.) et les changements que cela va impliquer dans la famille, etc. La tenue de ces réunion peut être mensuelle, ou moins, ou plus, en fonction : elle peut aussi être l’occasion d’engagements publics sur des résolutions de Carême ou d’Avent — puisqu’on tient plus facilement si on nous aide à tenir les résolutions et que l’on se sait sous le regard des autres, qui nous aiment et qu’on ne veut pas décevoir. Plus régulièrement, on peut aussi organiser des réunions restreintes en couple, hors de l’oreille des enfants, et avec un rituel, peut-être plus léger, mais présent tout de même, pour ne jamais oublier de tout donner à Dieu et de tout tourner vers Dieu.

Le livre de raison, déjà abordé dans ces colonnes, est un autre moyen de cristalliser l’esprit de famille au-delà des générations.

Et n’oublions jamais de prier car tout cela est rempli d’épreuves, mais ce sont de bonnes épreuves qui nous sanctifient: ce combat victorieux est véritablement contre-révolutionnaire ! Alors, hauts les cœurs !

Paul-Raymond du Lac

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France !

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