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Le christianisme à l’épreuve du paganisme. Entretien avec Stanislas Berton

Il existe en France une droite identitaire antichrétienne et païenne, ou néopaïenne – liée à une partie de la Nouvelle Droite, le plus souvent –, se réclamant du polythéisme gréco-romain ou celtique. Ses partisans rejettent le catholicisme pour diverses raisons.

Auteur de Être Français : lettre à ma sœur, de L’Homme et la Cité (2 vol.) ou encore de La France Retrouvée, Stanislas Berton s’est, entre autres, intéressé à ces « jeunes identitaires pensant trouver leur salut dans une redécouverte de leur héritage pré-chrétien »[1]. Il y a désormais quelques jours, il a généreusement accepté de répondre à nos questions sur le sujet :

D’abord, les « néopaïens » considèrent que le christianisme est, par son origine, une spiritualité intrinsèquement extra-européenne. Il serait donc, en soi, un élément de déclin, une impureté au sein des cultures européennes. Une France ou une Europe catholiques seraient forcément bâtardes, chimériques. Que leur répondez-vous ?

Je commencerais par leur répondre qu’ils n’ont de toute évidence pas lu ma traduction du texte fondamental de Nassim Nicholas Taleb sur l’influence des peuples sur les religions et la proximité anthropologique et culturelle qui explique l’adoption d’une religion plutôt qu’une autre par ces derniers.

Dans le cas de la France, il suffit de regarder autour de nous pour comprendre à quel point, à travers nos églises, nos cathédrales, nos abbayes et nos calvaires, le peuple français s’est intégralement approprié le catholicisme et qu’à bien des égards, notamment en ce qui concerne le culte marial et la sanctification de son héritage païen pré-chrétien, la France a fait le catholicisme autant que le catholicisme a fait la France.

J’ajouterai que via des missionnaires comme Denis de Paris, Martial de Limoges, Gatien de Tours, des docteurs de l’Église comme Irénée de Lyon ou encore des saints illustres tels que Saint Martin, la France a été principalement christianisée par des chrétiens « bien de chez nous » qui, là encore, se sont totalement appropriés cette religion.

Pour finir,  rappelons tout de même que cette dénonciation de l’origine extra-européenne du christianisme est d’autant plus savoureuse quand on connaît l’influence, et la survivance, des religions égyptiennes ou babyloniennes dans le paganisme…

Ces militants voient également l’universalité de la Foi et celle de l’Église comme autant d’oppositions aux civilisations, aux patries et à l’enracinement de façon plus générale. En effet, « catholique » (du grec katholikós) signifie « universel ». Le catholicisme serait donc l’antichambre du mondialisme, voire une branche de celui-ci, ainsi qu’un argument d’acceptation du Grand Remplacement. Dans certains de ses discours, le pape François semble d’ailleurs leur donner raison… Est-ce également votre avis ?

Cette vieille lune de l’universalisme du catholicisme soi-disant opposé à l’amour et à la défense des patries charnelles repose une fois de plus sur une lecture fausse ou tronquée des Saintes Écritures.

1 Timothée 5:8 nous dit par exemple : « Si quelqu’un n’a pas soin des siens, et principalement de ceux de sa famille, il a renié la foi, et il est pire qu’un infidèle. »

Sur ce même sujet, le catéchisme de l’Église catholique nous dit :

« Si chaque communauté humaine possède un bien commun qui lui permet de se reconnaître en tant que telle, c’est dans la communauté politique qu’on trouve sa réalisation la plus complète. Il revient à l’État de défendre et de promouvoir le bien commun de la société civile, des citoyens et des corps intermédiaires. » (CEC 1910)

En ce qui concerne l’Église actuelle, elle n’a malheureusement pas échappé au processus d’infiltration et de subversion par le mondialisme qui touche aujourd’hui toutes les institutions sociales, politiques ou religieuses. Néanmoins, cet état de fait, fâcheux mais ponctuel, ne doit pas nous conduire à rejeter l’Église, peuple de Dieu, corps du Christ et temple de l’Esprit Saint, car il est dit que « les portes de l’Enfer ne prévaudront pas contre elle » (Matthieu 16:18).

Une figure de la Nouvelle Droite, aujourd’hui décédée, reprochait plutôt au christianisme son « totalitarisme monothéiste » qu’il percevait comme niveleur et qu’il opposait  à « la diversité du monde » ethno-différencialiste. Il disait en outre être trop attaché à « la possibilité de faire des choix » et à « sa liberté de penser » pour embrasser un monothéisme jugé trop « intrusif » et « manichéen ». Ces critiques sont-elles fondées ?

Ces critiques ne sont pas du tout fondées car le propre du christianisme est justement de laisser à l’homme sa liberté, notamment celle de choisir entre le bien et le mal. En ce qui concerne le respect de la diversité du monde, loin de tout niveler, l’Église, institution vivante, a su tout au long de son histoire prendre en compte avec beaucoup d’intelligence et de finesse les particularités locales sans pour autant transiger avec ses enseignements ou le message de la Révélation. Pour s’en convaincre, il suffit de se pencher sur la pratique liturgique des églises catholiques orientales, les directives sur le culte des ancêtres au Vietnam ou encore le travail colossal réalisé dans le cadre de évangélisation de la Chine afin de trouver des correspondances philosophiques et conceptuelles pertinentes entre deux types radicalement différents de pensées.

Pour le reste, tous ceux qui trouvent le christianisme trop « intrusif » rejettent par principe les commandements moraux d’une autorité supérieure ; quant au refus de désigner clairement le bien et le mal au nom de la « nuance », il conduit le plus souvent à la licence ou à la tolérance des pires abus.

Pardonner, tendre la joue gauche, aimer ses ennemis, se soumettre à Dieu : certains païens d’aujourd’hui, à la suite de Nietzsche pour ne citer que lui, rejettent le christianisme comme « une religion des faibles ». Le christianisme est-il vraiment « une religion de bonnes femmes », une religion de la mollesse et de la faiblesse comme ils le croient ?

Ceux qui pensent ainsi n’ont visiblement jamais lu Saint Paul qui, face aux esprits du mal, nous invite à prendre toutes les armes de Dieu dont l’armure de la justice, l’épée de l’esprit et le bouclier de la foi (Éphésiens 6-10:20). À ce sujet, on pourrait également citer l’épître aux Romains où il est demandé au pouvoir terrestre « ne pas porter en vain le glaive ; car il est le ministre de Dieu pour exécuter sa vengeance en punissant celui qui fait le mal. » (Romains 13).

Rappelons également que l’empereur Constantin s’est converti après avoir gagné la bataille du Pont Milvius, que Clovis a reconnu « le dieu de Clotilde » après sa victoire à Tolbiac, sans parler de Sainte Jeanne d’Arc, la pucelle armée qui a bouté les Anglais hors de France au nom du Christ et pour son roi. Et que dire de ces millions de soldats et d’officiers français, tous chrétiens, qui ont porté durant des siècles et dans le monde entier l’honneur et la gloire des armes de la France ! Comment peut-on sérieusement affirmer que ces rudes guerriers passaient leurs journées à « tendre la joue gauche » et à  pratiquer une « religion de bonne femme » ?

Ceci étant dit, il faut reconnaître que le christianisme n’a pas échappé au phénomène de féminisation de la société qui affecte l’Occident depuis plusieurs décennies. D’où l’importance, aujourd’hui plus que jamais, de rappeler le rôle dévolu à l’homme dans le christianisme, de défendre une vision des sexes fondée sur la complémentarité plutôt que la stricte égalité, et surtout, de réhabiliter la virilité chrétienne fondée sur la protection des plus faibles, la défense du bien commun et le refus de toute forme de complaisance ou d’accommodement avec tout ce qui peut constituer une menace pour la survie de la famille ou de la Cité.

Un penseur bien connu de ces milieux polythéistes, l’un des plus convaincus aussi sans doute, reproche à la religion du Christ « son refus du culte des ancêtres ». Qu’en est-il réellement ?

Si on entend par là rendre à nos ancêtres le culte qui ne doit être voué qu’à Dieu, alors oui car le premier des commandements est : « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et à Lui seul, tu rendras un culte ». En revanche, il est faux d’affirmer que le christianisme rejette la mémoire et le souvenir des  défunts.

Que ce soit par la prière quotidienne, les intentions de messe, le chapelet, le souvenir des saints ou des martyrs et une grande fête comme la Toussaint, le catholicisme nous invite sans cesse à penser à tous ceux qui ont quitté ce monde. Par ailleurs, dans le cas très précis du Vietnam, le Conseil des Évêques a même donné en 1974 à Nathrang des directives très précises, à destination des sociétés orientales, sur le culte des ancêtres et la manifestation de la piété filiale.

En France, nous avons la chance d’avoir le sanctuaire marial de Notre-Dame de Montligeon, une œuvre unique et au rayonnement international consacrée aux défunts ainsi qu’aux âmes du Purgatoire. Un lieu extraordinaire que j’invite tous les Français, catholiques ou non, à découvrir.

Ce même penseur nous rétorquait un jour : « comment pourrais-je adhérer à une religion qui envoie des piliers de notre civilisations comme Platon, Socrate et Virgile en enfer ?! ». Quel est le véritable discours de l’Église à ce sujet ?

Votre interlocuteur devait sans doute ignorer que si le catéchisme de l’Église catholique affirme bien que le baptême reste nécessaire pour obtenir la vie éternelle (CEC 1257), il dit également que « tout homme qui, ignorant l’Évangile du Christ et son Église cherche la vérité et fait la volonté de Dieu, selon qu’il la connaît, peut être sauvé » (CEC 1260). Platon, Socrate et Virgile cherchaient-ils sincèrement la vérité et accomplissaient-ils la volonté du Créateur ? Seul Dieu connaît la réponse à cette question.

Pour conclure, il ne vous aura pas échappé que chaque question de cet entretien aura permis de montrer comment la foi chrétienne se trouve caricaturée par ceux qui ne connaissent qu’imparfaitement ses enseignements et sa doctrine. En réalité, nombreux sont ceux qui, habités par une haine du Christ et de l’Église, l’habillent ensuite de raisonnements plus ou moins savants leur permettant de justifier leur aversion. Cette question entre Dieu et eux devient en revanche un grave problème politique et social quand ils usent de leur influence et de leur éloquence pour détourner les  Français de la foi de leurs pères, empêchant ainsi le redressement de la France et l’accomplissement de sa mission divine.

Comme je l’ai déjà dit à de nombreuses reprises, au-delà de la question du salut et de la foi,  le retour d’une France catholique dans le concert des nations est une nécessité politique et sociale qui relève de la survie et de la raison d’État.

Comme le disait l’évêque Saint Rémi à Clovis :

« Apprenez, mon fils, que le Royaume des Francs est prédestiné par Dieu à la défense de l’Église Romaine qui est la seule véritable Église du Christ (…). Il sera victorieux et prospère tant qu’il restera à la foi romaine mais il sera rudement châtié toutes les fois où il sera infidèle à sa vocation. »

Puissent les Français comprendre cet avertissement et en tirer toutes les conséquences !

Entretien mené par G. V.


[1] http://stanislasberton.com/index.php/2019/10/30/du-paganisme/

Retrouvez Stanislas Berton et la liste de ses ouvrages sur son site internet : http://stanislasberton.com/index.php/livres/

4 réflexions sur “Le christianisme à l’épreuve du paganisme. Entretien avec Stanislas Berton

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  • Pierre de Meuse

    Vos arguments sont puissants mais à mon sens le débat restera entier, pour plusieurs raisons:
    – En ce qui concerne l’universalisme, l’Église a tantôt soufflé le chaud tantôt le froid. Je vous rappelle le “jus peregrinandi ac degendi” des jésuites et dominicains de l’Ecole de Salamanque (1520), qui considéraient qu’un État n’avait pas le droit de fermer ses frontières à l’entrée comme à la sortie. Et si Pie IX a considéré les Droits de l’homme “comme une monstruosité”, Pie XII, Jean XXIII, Paul VI et Benoît XVI les ont considérés comme “imprescriptibles”.
    – D’une manière plus générale, il n’est pas satisfaisant de se contenter de condamner ” le processus d’infiltration et de subversion par le mondialisme qui touche aujourd’hui toutes les institutions sociales, politiques ou religieuses” sans démonter également les raisonnements appuyés sur les Évangiles, qui sont développés en permanence en ce sens par toutes les autorités de l’Église. Si elles se trompent, il faut le démontrer. Personnellement, je pense comme vous qu’elles se trompent, mais au cours de l’histoire de l’Église, il y a toujours eu des gens, et pas seulement des hérétiques, mais aussi des autorités incontestées même de nos jours pour interpréter les textes dans un sens “progressiste”. À commencer par le “ni juif ni grec.”

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  • Colette Monfort

    Bonjour,

    La défense du catholicisme qui est la vôtre vous honore, mais vous avez publié par ailleurs sur la volonté qui est la vôtre de conduire la France à une alliance avec les pays arabes. À mes yeux, ceci est en contradiction avec votre livre Lettre à ma soeur qui promeut la civilisation française à une jeune Française. Or, l’émission Complément d’enquête sur la prostitution sur Internet le montre, des milliers de jeunes chrétiennes en France sont séquestrées dans les hôtels Formule 1 par des musulmans pour des relations sexuelles contraintes, or l’islam a des mots pour cela. Le travestissement en “prostitution des mineures” de l’ancien juge des enfants de Bobigny est un acte de guerre contre le christianisme, car une mineure n’a pas son cerveau complètement formé.

    Colette Monfort

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