Idées

Au Roi ! Reviens ! Ils sont devenus fous !

Il fut un temps, au XVIIème siècle, où l’Homme n’était pas considéré comme un « animal intelligent » mais bien comme le symbole de la sphère du Divin, hiérarchiquement supérieure aux sphères de ce qui est Animal et de ce qui est Végétal.

Ainsi Descartes (1596-1650) formula l’hypothèse éthologique[1] de l’Animal-machine. L’animal, au contraire de l’Homme, n’est rien d’autre qu’une machine, un assemblage de pièces et rouages, dénué de conscience ou de pensée. Cette conception s’intègre dans une vision mécaniste du réel. Une mécanique bien réglée pourrait donc se comporter exactement comme un animal, reproduisant à la perfection ses pulsions.

D’un point de vue religieux, l’application du mécanisme à la vie revient à nier l’âme des bêtes qui périssent donc entièrement au moment de leur mort. Cette théorie fut très tôt controversée et combattue notamment par des penseurs contemporains de Descartes comme Pierre Gassendi (1592–1655).

Sur le plan éthique, l’assimilation des animaux à des machines a été critiquée par des courants philosophiques modernes se réclamant entre autres d’Arthur Schopenhauer. Sans mettre en cause fondamentalement les bases matérielles du fonctionnement des organismes vivants, ces courants insistent sur le caractère d’« êtres sensibles » des animaux. Les animaux doivent donc être considérés comme différents de la chose inerte et susceptibles d’un traitement moral privilégié, voire de droits.

Puis vint le XVIIIème siécle.

Julien Offray de La Mettrie (1709-1751), médecin libertin, exposa dans son ouvrage au titre évocateur « L’Homme-machine », publié en 1748, une version radicalisée de la théorie de Descartes, où l’homme lui-même est assimilé à une machine. Cela lui valu l’ire de tous les penseurs philosophes de l’époque et il dut fuir le pays…

L’esprit doit selon lui être considéré comme une suite de l’organisation sophistiquée de la matière dans le cerveau humain : l’homme n’est donc qu’un animal supérieur, c’est-à-dire rien d’autre qu’un automate sophistiqué. Dans l’Homme-machine, il étend à l’homme le principe de l’animal-machine de Descartes et rejette par là toute forme de dualisme au profit du monisme[2]. Son déterminisme mécaniste l’amène naturellement à rejeter toute idée de Dieu, même celui des panthéistes avec lequel il refuse de confondre la nature.

Voilà qui défrichait parfaitement le terrain des penseurs et scientifiques du XIXème siècle, comme par exemple Charles Darwin (1809-1882) et Karl Marx (1818-1883) !

Le début du XXème siècle est marqué par l’essor de la psychanalyse avec Sigmund Freud (1856-1939). Il publie en 1905 un ouvrage d’importance pour la psychanalyse : « Trois essais sur la théorie sexuelle », exposant les hypothèses de Freud sur la place de la sexualité et son devenir dans le développement de la personnalité, puis en 1909 « Cinq leçon sur la psychanalyse » qui lui vaut enfin la reconnaissance.

En réaction aux travaux de Freud, John Broadus Watson (1878-1958) établit en 1913 les principes de base du béhaviorisme[3]. Watson fait de l’apprentissage l’objet central pour l’étude du comportement, qui doit être approché uniquement sous l’angle des comportements mesurables produits en réponse à des stimuli de l’environnement.

Le conditionnement de Pavlov découle du behaviorisme méthodologique de Watson.

Dans les années 1940 et 1950, Burrhus F. Skinner (1904-1990) radicalise le behaviorisme en l’étendant au genre humain. Contrairement à Watson, Skinner ne rejette pas les processus internes comme les pensées ou les émotions mais les qualifie d’événements « privés » ; ce qui revient à dire « tout est du comportement », y compris les événements mentaux, d’où le terme béhaviorisme radical qui désigne cette approche.

L’Homme ne serait donc en tout point que le résultat de ses expériences, son comportement qu’un enchaînement stimuli/réflexes.

Rien de nouveau depuis « l’Homme-Machine », donc : Le behaviourisme ne cherche qu’à démontrer que le vivant n’est rien d’autre qu’un ensemble de mécanismes, que l’homme n’est « rien d’autre » qu’un primate évolué, que la vie n’est « rien d’autre » qu’un processus physico-chimique, que nous ne sommes « rien d’autre » que des organismes vides qui ne demandent qu’à être remplis !

Tout est acquis, rien n’est inné ! Vous rejetez le slogan, et vous avez raison : Postuler que l’homme, est un « organisme vide », c’est admettre que l’ « ingénieur du social » peut faire de lui ce que bon lui semble, même quitte à nier sa nature et sa culture.

La mort de Skinner en 1990 correspond curieusement avec l’émergence de la théorie du genre qui professe, et avec quelle énergie communicative, que l’on ne naît pas homme ou femme, mais qu’on le devient : coïncidence ? Non, suite logique d’un enchainement d’erreurs… conditionnées ?

Alors pourquoi une doctrine manifestement fausse, pernicieuse, et dont l’aspect inhumain s’exprime à travers le développement rendu possible des techniques de manipulation, continue d’avoir des adeptes ?

Konrad Lorenz (1903-1989), le grand éthologue, l’explique de façon lapidaire : c’est la volonté de puissance.

« Pour des êtres dont l’unique désir est de pouvoir manipuler les masses, c’est une satisfaction inespérée que de s’entendre dire que l’homme est uniquement le produit des influences et de l’apprentissage que lui fait subir dès sa plus tendre enfance son environnement matériel et humain. »

Quoi d’étonnant si les hommes politiques et plus généralement les communicateurs de toute espèce aient pour le « tout acquis » les yeux de Chimène, et cela (parfois) avec les meilleures intentions du monde, celles dont l’enfer est pavé.

On aurait d’instinct l’envie de traiter cette lubie par le mépris, comme un crétinisme à la mode parmi tant d’autres… Sauf que cette chronologie de la négation du divin s’apprête à trouver sa fin aujourd’hui dans les lois de notre pays, celant ainsi dans le marbre d’une république moribonde à force de prétention, la supériorité de l’Homme sur la nature.

Au Roi ! Reviens ! Ils sont devenus fous !



[1] Ethologie : Etude du comportement des diverses espèces animales. Signifie étymologiquement « étude des mœurs ».

[2] Monisme : Notion philosophique métaphysique. C’est la doctrine fondée sur la thèse selon laquelle tout ce qui existe – l’univers, le cosmos, le monde – est essentiellement un tout unique, donc notamment constitué d’une seule substance. Le monisme s’oppose à toutes les philosophies dualistes, qui séparent monde matériel ou physique et monde psychique ou spirituel.

[3] De « behavior » qui signifie « comportement ».

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