Tribunes

Manifeste pour la restauration du journalisme d’opinion

Lisons et relisons le discours de Soljénitsyne de 1978, tout y est.

Paraît-il que Poutine est en osmose complète avec Soljénitsyne et tente en action d’appliquer le programme contre-révolutionnaire de Soljénitsyne.

Mais passons, et citons le passage suivant :

« La presse, aussi, bien sûr, jouit de la plus grande liberté. Mais pour quel usage ? (…) Quelle responsabilité s’exerce sur le journaliste, ou sur un journal, à l’encontre de son lectorat, ou de l’histoire ? S’ils ont trompé l’opinion publique en divulguant des informations erronées, ou de fausses conclusions, si même ils ont contribué à ce que des fautes soient commises au plus haut degré de l’État, avons-nous le souvenir d’un seul cas, où le dit journaliste ou le dit journal ait exprimé quelque regret ? Non, bien sûr, cela porterait préjudice aux ventes. De telles erreurs peut bien découler le pire pour une nation, le journaliste s’en tirera toujours. Étant donné que l’on a besoin d’une information crédible et immédiate, il devient obligatoire d’avoir recours aux conjectures, aux rumeurs, aux suppositions pour remplir les trous, et rien de tout cela ne sera jamais réfuté ; ces mensonges s’installent dans la mémoire du lecteur. Combien de jugements hâtifs, irréfléchis, superficiels et trompeurs sont ainsi émis quotidiennement, jetant le trouble chez le lecteur, et le laissant ensuite à lui-même ? La presse peut jouer le rôle d’opinion publique, ou la tromper. De la sorte, on verra des terroristes peints sous les traits de héros, des secrets d’État touchant à la sécurité du pays divulgués sur la place publique, ou encore des intrusions sans vergogne dans l’intimité de personnes connues, en vertu du slogan : « tout le monde a le droit de tout savoir ». Mais c’est un slogan faux, fruit d’une époque fausse ; d’une bien plus grande valeur est ce droit confisqué, le droit des hommes de ne pas savoir, de ne pas voir leur âme divine étouffée sous les ragots, les stupidités, les paroles vaines. Une personne qui mène une vie pleine de travail et de sens n’a absolument pas besoin de ce flot pesant et incessant d’information. (…) Autre chose ne manquera pas de surprendre un observateur venu de l’Est totalitaire, avec sa presse rigoureusement univoque : on découvre un courant général d’idées privilégiées au sein de la presse occidentale dans son ensemble, une sorte d’esprit du temps, fait de critères de jugement reconnus par tous, d’intérêts communs, la somme de tout cela donnant le sentiment non d’une compétition mais d’une uniformité. Il existe peut-être une liberté sans limite pour la presse, mais certainement pas pour le lecteur : les journaux ne font que transmettre avec énergie et emphase toutes ces opinions qui ne vont pas trop ouvertement contredire ce courant dominant »

Ceci était écrit en 1978. Aujourd’hui nous arrivons à la Pravda 3.0 : ne pouvant tout contrôler encore, les « médias » vous inondent d’une mono-information en usant des passions, en général celle de la peur mais pas que, pour vous donner des injonctions totalitaires, des haines ou vous faire penser bien.

C’est le niveau supérieur de la pensée unique, libérale dans son essence, et arrivant aujourd’hui dans ses derniers développements totalitaires. Comme la démocratie devient forcément totalitarisme, la liberté d’expression devient la Pravda à pensée unique.

Nous ne le savons que trop, et cela depuis des années. Mais tout s’accélère depuis au moins la manif pour tout. Le corona marque encore une accélération, et maintenant la Russie : encore une étape. Cette fois on créé quasiment de rien un ennemi absolu, pour les besoins de la propagande et pour détourner l’attention, mais aussi pour créer une fausse unité face à un méchant (et surtout faire oublier ses fautes personnelles…)

La loi divine et la loi naturelle avaient perdu leur place depuis longtemps. La raison n’a plus court non plus : seule la passion animale et ses pulsions sont stimulées.

Les journaux ne sont même plus capables de faire le niveau zéro de leur métier, à savoir fournir des « informations » correspondant à des réalités vérifiées par leurs soins.

Alors ne parlons même plus du journalisme d’opinion, du vrai, celui de l’Action française d’avant-guerre et de la bonne presse du dix-neuvième : celui où les journalistes bien cultivés analysent et ordonnent les informations collectées par les ouvriers journalistes, dont on comptait sur la probité. Ainsi, le journaliste aidait le lecteur à ordonner le fouillis et donner les éléments de compréhension, puis il analysait et donnait son opinion à la lumière de cette analyse adossée à une saine doctrine. Le lecteur pouvait ainsi avoir non seulement l’avis, mais surtout les éléments pour se faire lui-même une idée sur un sujet et se faire une opinion sur l’analyse en question.

Notre journal, à son niveau modeste, veut œuvrer pour cette restauration d’un vrai journalisme.

Rémi Martin

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France !

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.