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Comment la révolution conciliaire a détruit l’office divin, par Paul de Lacvivier

Le concile Vatican II, commis entre 1962 et 1965, fut le 1789 de l’Église, et nous en vivons aujourd’hui cruellement les conséquences. Nous aimerions d’ailleurs ici souligner l’une de ces conséquences, souvent oubliée bien que tout à fait symptomatique de la révolution conciliaire : la réforme de l’office divin.

Tout le monde connaît le divin office, cette prière quotidienne qui se répartit dans la journée et la nuit sur les huit heures canoniques : matines, laudes, prime, tierce, sexte, none, vêpres, complies, se fondant essentiellement sur la lecture des 150 psaumes de David (qui étaient autrefois tous lus chaque semaine).

Nos rois possédaient tous un livre des heures, c’est-à-dire ce bréviaire. Depuis les premiers temps, les ermites, les moines, les clercs et les laïcs fervents ont prié cet office, afin de louer et glorifier le Seigneur en continu, sans cesse, pour l’avènement de son règne sur cette terre, en attendant de le rejoindre dans son règne éternel au ciel.

Les moines ont leur vie adossée au rythme de l’office divin, avec messe, chapelets et adorations eucharistiques en plus. Tout prêtre, tout clerc avait autrefois le devoir de dire l’office divin, comme membre de la hiérarchie de l’Église, dont la première mission est de rendre gloire et honneur à Dieu. Or, la révolution conciliaire a détruit ce magnifique édifice bimillénaire… en quelques années seulement !

Cette destruction s’est faite de façon perverse, non pas de façon frontale, mais de biais, pour ne pas heurter trop frontalement les sensibilités catholiques et mieux détourner les bonnes consciences : on avance caché, comme des termites rongeant la menuiserie d’une maison, sans que les habitants ne se rendent compte de rien. Puis tout s’écroule d’un coup : la jolie peinture de la façade laisse place à la la pourriture. Nous y sommes…

En quoi consista cette réforme du divin office ? Suppression de l’obligation de dire matines durant la nuit pour les ordres religieux, et réduction drastique du nombre de psaumes à prier… Les matines se trouvent réduites à un ridicule « office de lecture », sans psaumes, ou si peu, que l’on peut placer où l’on veut dans la journée ; Prime est tout bonnement supprimé ; le latin est évidemment déconseillé ; le nombre de psaumes réduit à presque rien.

Les conséquences ? Elles sont nombreuses et terribles. Le divin office est cassé, détruit dans son essence : il n’est plus une glorification et une prière constantes de l’Église au Dieu trinitaire. Du jour au lendemain, la nuit n’est plus occupée par la prière des religieux. Car Matines est l’heure canoniale la plus riche et la plus longue, répondant à l’ordre de Notre Seigneur de veiller dans la nuit, et assurant à toute la Chrétienté l’assurance que Dieu est glorifié et loué même durant le sommeil des justes. Un « trou » de grâce se forme ainsi, la nuit est rendue aux démons : quelqu’un a-t-il jamais essayé de calculer les conséquences terribles dans l’économie de la grâce de cette suppression de la plus belle partie du divin office pendant le moment le plus propice aux actions démoniaques ?

La conséquence de cette suppression des matines sous leur forme classique est aussi spirituelle : on rabaisse le niveau spirituel des moines, en les empêchant de se faire violence au quotidien, par obligation d’interrompre leur sommet et de veiller plusieurs heures dans la nuit pour le plaisir du bon Dieu. Qui aimerait devenir moine si c’est juste pour avoir une petite vie réglée, mais sans trop toucher au sommeil, sans trop combattre ? Vous imaginez-vous une troupe de commandos de marines à qui l’on interdirait de s’entraîner plus d’une ou deux heures par jour ? Les moines sont l’élite combattante de l’Église, faisant les plus grands sacrifices dans leur chair : les matines en sont un élément non négligeable. En outre, cette violence faite à la chair était immédiatement récompensée par la satisfaction et les grâces reçues par l’accomplissement des matines, rendant ainsi les servitudes de la vie monastique bien plus douces. La révolution conciliaire a ravi une consolation de plus aux moines, rendant leur vocation d’autant plus difficile sous prétexte de leur faciliter la vie

Tout cela montre combien le combat spirituel et la gloire de Dieu ont été mis à la trappe par la révolution conciliaire, pour le confort ridicule des petits hommes. Pire que cela : le fait de réduire les psaumes à rien, et de ne privilégier que les lectures, a aussi des conséquences déplorables sur la vie spirituelle, tout en dévoilant le côté intellectualisant d’une nouvelle religion gnostique et élitiste.

Prier les psaumes tous les jours était un préservatif à toute dérive hérétisante : les psaumes sont remplis des suppliques au Seigneur, de la crainte du Seigneur, de la joie dans les louanges et les bénédictions, de la nécessité des épreuves et du sacrifice.

Quand vous répétez plus de huit fois par jours « Ô Dieu, venez à mon aide. Hâtez-vous Seigneur de me secourir » (Deux, in adjutorium meum intende. Domine, ad adjuvandum me festina), comment voulez-vous devenir moderniste ou prométhéen ? Comment voulez-vous devenir arrogant et avoir une pensée centrée sur l’homme ? C’est extrêmement difficile… Mais ce verrou a été cassé… Sans compter que les psaumes, magnifiques, et les lectures des nocturnes apportaient l’idée juste du beau rapport entre Ancien et Nouveau Testaments ! La mode conciliaire est aujourd’hui de nous balancer à la figure des textes de l’Ancien Testament, en oubliant de nous fournir en parallèle la lecture complémentaire des Pères de l’Église, qui expliquent la signification de ces textes incompréhensibles pour le commun des mortels… Comment mieux mettre la confusion dans la tête des fidèles ?

Il est fort probable que tous les révolutionnaires du concile ne priaient déjà plus le divin office dans les années 1960, et qu’ils devaient l’avoir en horreur, sachant bien qu’il véhicule tout l’esprit de la dévotion pieuse telle que voulue par Notre Seigneur, et telle que nourrie et développée par des centaines de générations de moines.

Notons l’aveuglement intellectuel, qui préfère ne conserver que « les lectures », voire les augmenter, en changeant leur contenu dans le même temps, et en les plaçant dans la journée plutôt que dans la nuit. Certainement une forme de naturalisme : pour étudier, il vaut mieux être reposé et en bon état d’éveil. Mais ce n’est pas l’objet des matines ! Les lectures des nocturnes, insérées dans un magnifique chapelet de psaumes, nourrissent l’âme spirituelle et le combat, et imprègnent les âmes saintes, en les nourrissant et les fortifiant, comme ne pourront jamais le faire quelque étude intellectuelle que ce soit.

La nature du travail spirituel est bien différente, et tout moine qui en a l’expérience le sait… Détruire ces méditations spirituelles nécessaires à la formation des âmes d’élite fut un crime, de même que rogner sur les entraînements clefs des forces spéciales, ou sur les « colles » des préparationnaires, serait un scandale… On perd une part essentielle de la vie monastique : celle qui plaît le plus au Seigneur dans la sainte violence faite aux corps pour la gloire du bon Dieu, et celle de la formation spirituelle des âmes d’élites.

Finissons par la suppression de prime, bien symptomatique elle aussi : c’est l’office qui contient le martyrologe, comme par hasard… Les révolutionnaires n’aiment pas, semble-t-il, que l’on entende chaque jour la litanie interminable des saints martyrs et confesseurs morts par amour de Notre Seigneur, pour sa gloire et pour la conversion des âmes.

Notons le dégât encouru pour les fidèles : prime était l’office le plus souvent suivi et prié par les fidèles les plus pieux, avec leur prêtre à l’église, ou en privé, pour bien commencer la journée. Ce joyau a aussi été enlevé aux fidèles, quelle tristesse, surtout quand on pense que ces prières étaient priées telles quelles par les premiers chrétiens… Autrefois, les laïcs imitaient les moines, et les plus pieux importaient la règle monastique chez eux et essayaient de s’en approcher, chacun selon leur état. La lecture du divin office en faisait partie, nos rois s’y adonnaient. La révolution conciliaire détruit la vie monastique et force les moines à vivre comme le monde… Les moines sont appelés maintenant à imiter les plus mondains…

Alors ne nous étonnons pas des décombres que nous voyons, c’est une conséquence inévitable, d’autant plus lorsqu’on se souvient que les réformes (re-former, revenir à une vie chrétienne plus pure) salutaires pour l’Église sont toujours venues du monde monastique, qui venait compenser les abus mondains des autre clercs (cisterciens, ordres mendiants, etc.).

Finissons-en avec la réforme conciliaire au plus vite ! Et prions pour un renouveau monastique, préalable nécessaire à tout renouveau de la Foi !

Paul de Lacvivier

Pour Dieu, pour le roi, pour la France !

Une réflexion sur “Comment la révolution conciliaire a détruit l’office divin, par Paul de Lacvivier

  • Benoît Legendre

    C’est bien simple ! Quand dans les paroisses que j’appelle “vaticanistes”, il y a une vocation religieuse, cela arrive tous les six, sept ou huit ans… dans les paroisses traditionalistes, il y en a trois, quatre ou cinq par an !

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