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Tradition et progrès sont-ils compatibles ?, par Paul-Raymond du Lac

Tradition et progrès sont-ils compatibles ? Cette question peut sembler oiseuse à certains puisque le mot « progrès » en français est si entaché de sa généalogie révolutionnaire qu’il ne résonne que comme une négation nécessaire du passé pour aller de l’avant. En ce sens, il ne saurait y avoir de compatibilité entre progrès et tradition.

Néanmoins, Francisco Elias de Tejada Spinola — un thomiste espagnol majeur du XXe siècle — pose cette question dans un article de 1943[1]. Il faut dire qu’en castillan le vocable « progrès » n’est pas aussi corrompu qu’en Français et garde son sens traditionnel de perfectionnement fondé sur la tradition.

Tejada distingue ainsi les deux progrès opposés et contradictoires, le révolutionnaire, qui détruit toute tradition, et le classique, qui prend comme racine la tradition.

Traduisons librement ce mot « progrès » par « perfectionnement », qui passe bien mieux en français, et évite des mécompréhensions qui seraient bien dommageables à notre propos.

Tejada définit ensuite la tradition, en partant de la définition du dictionnaire : transmission de pères en fils de coutumes, de doctrines, etc. Il précise tout de suite que cette transmission est dynamique et non figée ; le perfectionnement de ce qui est transmis fait partie intégrante de la tradition, qui n’est pas un fixisme antique qui ne change pas. Rien de parfait sur cette terre, donc, ici-bas, nous sommes appelé à nous perfectionner — le seul bon changement —, d’où la nécessité de parfaire ce qu’on nous a transmis, sans révolution. Gil-Robles définit quant à lui la tradition comme la continuité de la vie humaine à travers le temps, tandis que le marquis de Valdeguamas rappelle qu’un peuple sans tradition devient un peuple de sauvages.

Précisons un peu d’un point de vue légitimiste français ces définitions quelque peu vitalistes et incluant le progrès — ce qui, aux oreilles de Français ayant vécu de multiples révolutions, fait toujours un peu frémir, sans compter qu’il faudrait être prudent sur les abus que l’on pourrait opérer avec ce vocabulaire appliqué à mauvais escient à la Tradition apostolique, fixe, parfaite, éternelle, sans immanence vitale et sans modernisme possible…

Alors qu’est-ce que la tradition ? C’est ce qu’on se transmet de pères à fils d’abord et avant tout ! Nous avons plusieurs pères : notre géniteur et père nourricier, bien sûr, mais aussi, ne l’oublions pas, le père des pères, c’est-à-dire le Roi, et le Père Céleste, dont nous sommes les fils adoptifs et dont les abbés (abba, père en araméen) nous transmettent les messages. Voilà pour les traditions !

Et le progrès alors ? En tant que perfectionnement, oui, il est possible. La tradition, comme l’âme d’un corps politique, ne peut pas changer de nature, mais, comme tout corps, elle grandit et se développe pour atteindre la maturité et en théorie la perfection. Ce développement qui ne sort pas de la nature et des principes premiers est un perfectionnement naturel, voulu par Dieu.

Il faut aussi comprendre en ce sens la Restauration, qui est comme la guérison d’un corps malade. De même qu’il est légitime que la santé reprenne ses droits, la tradition doit reprendre ses droits et produire ses doux effets : c’est pourquoi seule la Restauration dans nos familles, dans nos villages, dans nos paroisses et dans le Royaume est une solution politique viable et nécessaire pour redonner sa santé à la France, mourante aujourd’hui — nous ne sommes plus en phase de développement, mais en phase de sénilité accélérée, aggravée de métastases cancéreuses et de parasites étrangers.

Pour restaurer notre tradition française, il nous faut retrouver notre père. Sans père, la transmission ne peut pas reprendre. Il est là, sachons en profiter ! Vive le Roi !

Paul-Raymond du Lac

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France !


1 « La causa diferenciadora de las comunidades politicas », dans La Revista general de lisiclacion y jurispruidencia, Instituto editorial Reus, Madrid, 1943.

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