Societé

L’extension du domaine de la lutte

Nous vivons une époque pour le moins étrange. Les progressistes ne cessent de proclamer l’horreur que la marchandisation du corps humain leur inspire. Ils se proposent même d’éradiquer purement et simplement la prostitution par le biais d’une loi. Une de plus sur le sujet, qui n’en doutons pas ne réglera pas plus la chose que les précédentes. Pourtant la marchandisation du corps humain est partout présente dans leur univers. En promouvant la gestation pour autrui, ne font-ils pas la promotion de la location des ventres ? Le marché, comme la nature, ayant horreur du vide, il s’est engouffré dans la brèche. Visiblement, cela ne semble pas déranger grand monde dans le camp du progrès. Comprenne qui peut.

Autre grande réussite contre la marchandisation du corps humain, même si elle tient plutôt du symbolique, la création d’un site de rencontre au nom évocateur : Adopte un mec. Au début, cela semblait tenir du gag, du petit coup d’un créatif de pub surfant sur le regain du féminisme militant. Seulement voilà, il fallait aller plus loin, transformer l’essai. Et c’est tout naturellement que des boutiques se sont ouvertes, proposant une marchandise d’un genre nouveau : l’homme sous emballage.

Certes, ce n’est pas de la prostitution, enfin au sens où nous l’entendons. Ces messieurs sont volontaires, ils se prêtent à ce « jeu » dans l’espoir de trouver sinon l’âme sœur, au moins une compagne pour le temps que durera une aventure née sous de pareils auspices. Les féministes diront que ce n’est que le juste retour de manivelle, mais la vérité est que le corps humain est là aussi rabaissé à l’état de marchandise.

Le camp du progrès aime à prendre la pose du puritain lorsque ça l’arrange, tout en continuant de promouvoir la liberté de jouir sans encombres. Exercice d’équilibriste on ne peut plus difficile qui n’évite pas de se retrouver face à ses contradictions. Lutter contre l’exploitation des prostituées est certes louable, mais quand dans le même temps des petits malins cherchent à transformer les femmes en demi-mondaines, les manifestations de désapprobation tardent à se faire entendre. Pourtant pas un de ces messieurs, pas une de ces dames, qui n’ont de cesse de mettre la vertu en avant ne peuvent dire qu’ils ne savaient pas. Les preuves sont étalées sur tous les espaces publicitaires disponibles :

On ne saurait être plus clair sur la voie qui est proposée.

Est-ce donc là le projet de société qui nous est proposé ? L’infidélité comme art de vivre, et la réification du corps humain comme seul horizon viable. Le tout sous les habits proprets du progrès, présenté comme la seule et unique voie à suivre pour une humanité radieuse, émancipée des vieilles lunes obscurantistes du passé. En fait, il semble que la social-démocratie soit en train d’accoucher, bien qu’elle s’en défende, du stade ultime du capitalisme puisque même l’homme devient une marchandise. On peut désormais louer un ventre sous contrat, avec toutes les clauses possibles et (in)imaginables, choisir son compagnon sous blister, s’offrir les services d’une entreprise spécialisée dans l’organisation de l’infidélité, et trouver une chaîne hôtelière disposée à faire ce qui était réservé aux bouges des quartiers borgnes.

Qui peut encore croire aux déclarations enflammées stigmatisant la mondialisation, alors que celle des ventres est déjà en route ? Ce ne sont pas les bénéficiaires du mariage homosexuel qui vont s’en priver. Qui peut croire aux protestations de morale et de vertu alors que dans le même temps cette société accouche des pires horreurs morales qui soient ? Pas moi en tout cas. Je m’attends d’ailleurs à ce qu’un jour refleurissent les pétitions publiées dans Le Monde et Libération, qui dans les années 70, demandaient à ce que la majorité sexuelle soit abaissée et la pédophilie dépénalisée. Conséquence logique de l’incessante extension du domaine de la lutte.

Pascal Cambon

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