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Ex-Libris. La Restauration française, par Blanc de Saint-Bonnet

Ce n’est pas un livre d’histoire étudiant impassiblement une certaine période historique portant en France le nom de « Restauration ». Non, c’est un gros livre écrit dans le feu de la révolution de 1848 et de ses suites, sous la Seconde République donc.

La Restauration française est indubitablement l’un des maîtres ouvrages du trop méconnu Antoine de Blanc de Saint-Bonnet. Ce n’est pas le tout premier, puisqu’il avait plus jeune, en 1841, publié L’Unité spirituelle, un traité fleuve en trois tomes ; mais c’est bel et bien La Restauration française qui le fit vraiment connaître et le propulsa sur le devant de la scène (ce dernier titre a été réédité en 2022 par les Éditions du Drapeau blanc).

Long essai charpenté en courts chapitres eux-mêmes répartis en trois « livres » (respectivement : « Le capital », « L’ordre social » et « L’aristocratie »), La Restauration française n’a pas une portée limitée aux seuls événements qui en ont directement réclamé la rédaction, à savoir ceux de 1848-1849. C’est un ouvrage intemporel, dont les conséquences ont aussi été littéraires, puisque de grands noms de la littérature comme Jules Barbey d’Aurevilly en firent leur livre de chevet.

Ce n’est en tout cas pas un livre qui ressemble aux autres. Il est difficilement classable. Son écriture présente des allures de mysticisme ou, plutôt, d’inspiration :

« La démocratie triomphe, et je viens combattre la démocratie. Les aristocraties sont repoussées, et je viens dire que ce sont elles qui ont créé les nations. L’industrie, les banques, le crédit, les emprunts sont proclamés, et je viens dire qu’ils ruineront les peuples. Partout la fausse liberté et la Révolution s’annoncent, et je viens avec ma conscience seule combattre la Révolution » (p. 11 de la réédition de 2022).

Sans surprise dans la mesure où l’on catalogue communément Antoine Blanc de Saint-Bonnet parmi les principaux auteurs royalistes, le grand journal légitimiste de l’époque salua avec force louanges la parution de La Restauration française en 1851 : « C’est le seul traité absolument victorieux de l’éternelle vérité contre les erreurs modernes ; c’est le coup de massue suscité par Dieu contre tous les apôtres de la Révolution. C’est le livre événement dans toute l’étendue du terme » (La Mode, 21 juin 1851). Si seulement il avait pu suffire à avoir définitivement raison de la Révolution… !

L’inspiration de l’ouvrage est authentiquement traditionnelle. On y retrouve bien des parentés avec des auteurs précarlistes comme l’abbé Jaime Balmes ou carlistes (et donc plus tardifs) comme le député et orateur Juan Vázquez de Mella. À certains égards aussi, La Restauration française fait songer au Syllabus de Pie IX qui arriverait relativement peu de temps après, et à de beaux mots de papes postérieurs. Quand Léon XIII allait s’écrier une trentaine d’années plus tard : « La liberté est la faculté de se mouvoir dans le bien », Blanc de Saint-Bonnet écrivait au milieu du XIXe siècle : « La liberté n’est que le droit de pouvoir faire plus de bien » (p. 18). La veine est généreusement catholique de bout en bout.

En outre, de nombreuses lignes, lues presque deux siècles plus tard, paraissent prophétiques :

« Si la religion voyait encore diminuer son empire, la Société réelle verrait disparaître le sien. C’est alors qu’on verrait la loi entrer dans les consciences, pour diriger les volontés ; dans la famille, pour maintenir les mœurs ; dans la propriété, pour commander l’économie. La loi irait étouffer l’homme jusque dans le sein de sa mère » (p. 129) !

Là où maintenant il y a si peu de société qu’on a dû forger le néologisme de « dissociété » (cf. Marcel De Corte) ; là où le législateur ne reconnaît plus aucune limite à son champ d’action ; là où l’économie est réglementée de part en part ; là où les textes législatifs ne s’immiscent plus jusque dans les familles pour y maintenir des mœurs en perdition, mais pour détruire la notion même de famille ; là où tout est fait pour bâillonner et rééduquer les esprits et les consciences ; là où, non content de légaliser l’avortement, on le rembourse et on condamne ses contradicteurs… C’est chez nous, malheureusement !

Jean de Fréville

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