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Le Roi au-delà de la mer par Jean Raspail

Ex-libris.

Jean Raspail, Le Roi au-delà de la mer, Albin Michel, Paris, 2000

Il fallait bien recommander un livre de notre cher Jean Raspail, gageure insigne puisque l’ensemble de son œuvre, au style si particulier, et à l’épaisseur certaine, vaut recommandation. Disons que pour rendre honneur à son œuvre, pour donner une idée de cadeau à tout esprit sensible au beau et à la beauté morale, nous avons été dans l’obligation de limiter notre recommandation à un ouvrage, qui fut particulièrement marquant pour votre serviteur à une époque où il ne connaissait rien à l’histoire et rien à la charge chevaleresque des grands élans royaux.

L’œuvre de Jean Raspail est vaste et quiconque trouvera le genre qui lui plaira : depuis Le Camps de saints, roman-fiction bien trop réaliste hélas, à la saga du royaume patagon, une de ces réalités si poétiques qu’elle vaut mieux que toutes les fictions dans le Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie, (et dont il est d’ailleurs toujours possible de devenir sujet patagon si sa demande est accepté par le consul général du royaume, Jean Raspail, par lettre patente) jusqu’à la récente réédition de son récit de voyage, Terres Saintes et profanes, en terre sainte à une époque maintenant révolue.

Nous devons beaucoup à Jean Raspail qui fut le propagateur de la royauté du cœur : la royauté n’est pas avant tout cérébral et le meilleur régime possible sur le papier, comme l’a démontré à loisir un Maurras – démonstration adéquate et juste -, mais elle est avant tout une royauté sur les cœurs : Jean Raspail illustre dans son œuvre cette caractéristique de la royauté qui agit sur les cœurs en les unissant dans l’amour du roi, en agissant presque magiquement sur les âmes, en exaltant et encourageant les vertus de sacrifice et de chevalerie, l’espoir et le courage. Ce que l’on pourrait appeler l’esprit royal.

Jean Raspail a redécouvert un aspect de la monarchie bien oublié au vingtième siècle, dans un contexte que rendait à son époque la restauration virtuellement impossible. Clin d’œil de la Providence : il fallait une époque bien triste et bien désespérée, bien égoïste, bien matérialistes et bien planificatrice et mécaniste pour permettre ce genre redécouverte de l’élan gratuit pur par excellence, du sacrifice pour le sacrifice, de la beauté du geste pour la beauté du geste, de l’action par pur amour et esprit chevaleresque, sans contrepartie si ce n’est l’honneur.

Le Roi au-delà de la Mer. Nous aurions pu proposer Sire, dans un autre genre, plus d’actualité – puisque nous prions pour le sacre incessant du roi. Mais le Roi au-delà de la Mer. Le dernier carré des royalistes perdus se retrouvent à l’appel du roi dans un château lointain de l’Écosse, par un signe énigmatique, et se prépare à reprendre de force le trône usurpé depuis si longtemps par une ribambelle de fous du roi qui se prennent pour des rois, ce qui seraient hilarant s’ils ne singeaient pas le souverain avec toutes les conséquences que cela a sur le pays réel et rêvé.

On parle du roi, on se pose de question. Son absence justement le rend visible aux yeux de tous. Que prépare-t-il avec ses fidèles ?

Jean Raspail propose deux fins différentes : celle de la soumission aux règles du jeu, et une certaine mort de la royauté du cœur, et celle de la reconquête désespérée du territoire, héroïque, qui finit par le sacrifice ultime dans un combat chevaleresque de David contre Goliath de tous les bons sujets de ce roi.

C’est un roman, mais instructif. Nous ne sommes plus à l’époque de Jean Raspail, et la royauté n’est pas une lointaine chimère rêvée et remplie de nostalgie, tournée en ridicule, quand encore serait-elle connue par le sujet moyen – dont nous étions il n’y pas si longtemps. Non, nous avons un Roi conscient de sa tâche avec quatre enfants royaux, des idées claires, une foi forte, des prises de position solides et traditionnelles, concises et dans la ligne de tous ses ancêtres les rois, pour son royaume et ses sujets, pour le salut des âmes, pour la gloire de Jésus-Christ.

Le pays est de plus dans un état de plus en plus critique, la nécessité de retrouver sa tête dans le roi est patente, il ne s’agit que de faire prendre conscience de son existence et de ce qu’il incarne.

Nous ne sommes donc pas désespérées, au contraire, et loin de nous tout rêve dans cette restauration en cours qui passe par les familles et les jeunes générations montantes : rien de plus concret et de plus quotidien.

Jean Raspail a fait le lien entre ses parents et ses petits-enfants, dans une époque certainement la plus difficile moralement, intellectuellement et spirituellement. Soyons-lui gré !

Retenons l’exemple de l’esprit chevaleresque, de l’esprit de sacrifice – jusqu’à l’ultime-, pour la fidélité et la fidélité pour elle-même, l’esprit de gratuité et l’esprit d’honneur.

Le vingtième siècle, héritier en mal du dix-neuvième siècle, avait oublié la sagesse immémoriale et la supériorité en tout point de la royauté.

Nous avons ici un premier vingtième siècle maurassien, démontrant la supériorité de la monarchie en termes politiques, institutionnelles et naturelles – correspondant à la constitution intrinsèque de la France et de son histoire. Restauration du cerveau, de la tête.

Nous avons ensuite un second vingtième siècle avec Jean Raspail, qui transmet le trésor de la fidélité, de l’esprit chevaleresque, de la gratuité, de la noblesse de la royauté, de l’amour intrinsèque qui s’écoule de père de la nation vers ses enfants les sujets. Restauration de l’esprit, du cœur.

Premier vingt-unième siècle. Appelons de nos vœux la restauration entière et intégrale qui a besoin de ces deux piliers, l’un dans la tête, l’autre dans le cœur, l’un dans la raison, l’autre dans l’amour, l’un dans la justice, l’autre dans la charité. Mais cela ne suffit pas : il faut sanctifier cette nature saine (de la raison et du cœur) par la restauration surnaturelle de la royauté française. Nous attendons ainsi celui qui contribuera à encourager cette restauration dont nous devons déjà vivre au jour le jour à notre place et dans nos possibilités : la restauration par la Foi, par la royauté de NS Jésus-Christ dans la société par le lieutenant de Dieu sur terre, restauration qui vient sublimer et accomplir toutes les restaurations naturelles qui se trouvent dans l’ADN de la royauté.

La Révolution hait le roi car il est le garant d’une nature saine.

Et une nature saine est le requis primordial pour que la surnature agisse et sanctifie.

D’où l’histoire si miraculeuse de la France dans son histoire.

Faire tomber le roi, c’était faire tomber la nature, et donc la surnature par entraînement.

La restauration se fait dans la nature et la surnature simultanément. Le vingt-unième siècle verra-t-elle une restauration ? Par le bon sens et la raison droite des honnêtes gens, par les actes chevaleresques des sujets fidèles et remplis d’abnégation, et par la vie des futurs saints et martyrs, qui sont ultimement les vecteurs nécessaires et principaux d’une restauration triomphale en adéquation avec sa nature profonde. Souvenons-nous toujours que la France a été fondée par une ribambelle de saints, et continuée par des saints en pagaille : elle ne continuera, renaîtra, repartira que par les saints.

Mais pour faire naître des saints, il faut penser clair, agir droit, avec l’esprit chevaleresque, la sensibilité spirituelle nécessaire sur laquelle croit et mâture les germes spirituels de la sainteté.

Vive le Roy !

Rémi Martin

Ex-Libris précédents:

Le Roi David par Dom Jean De Monléon

Être roi par Jean Barbey

La Révolution française par Philippe Pichot-Bravard

Charles X ou le sacre de la dernière chance par Landric Raillat

Le Sacre du Roi par Patrick Dumouy

Le Baptême qui a fait la France par Renée Mussot-Goulard

Le Roi, Mythes et symboles par Jean-Paul Roux

La Contre-Révolution sous la direction de Jean Tulard

Naissance de la nation France par Colette Beaune

La royauté et le sacré par Christophe Levalois

Histoire de France par Jacque Bainville

Histoire religieuse de l’Occident médiéval par Jean Chélini 

Écrits historiques de combats par Jean Sévilla

Le Vicaire du Christ par Roberto de Mattei

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