Politique

Le piège de la loi naturelle

Il est bon de parler de la loi naturelle et les défenseurs de ce qu’il reste de chrétienté dans ce pays ont raison d’user de cet argument. Néanmoins, et malgré tout, nous aimerions alerter ici sur les insuffisances de cet angle d’attaque.

Pour résumer, la loi naturelle est souvent alléguée pour défendre un principe important, ou se défendre d’une loi mauvaise, comme la dépénalisation de l’avortement ou les unions contre-nature, en insistant sur l’aspect universel des principes inscrits dans la nature de l’homme et sur les conséquences que le non-respect de cette loi naturelle provoquerait. Nous pouvons néanmoins noter deux insuffisances, voire deux risques à se limiter au front de la loi naturelle.

Un tel discours pourrait donner tendance à croire qu’il est possible, pour un pays, de respecter pleinement la loi naturelle sans la foi catholique — et il ne serait pas étonnant que beaucoup de tenants du droit naturel le pensent —, mais en pratique cela est faux, aucun pays non catholique ne respecte le droit naturel comme il faut. Les pays païens, en la matière, ne font que respecter a minima et plus ou moins inconsciemment un minimum de droit naturel, car c’est une sorte de principe de réalité : sans ce respect, la société explose, la violence se répand et le désordre s’installe. Personne ne veut cela, et quand ce genre de désordres s’installe, quand cela devient une question de survie, nous revenons naturellement à quelques bases de l’ordre naturel.

Un pays apostat, certes, se vautre toujours plus dans la contre-nature, défiant par son degré de perversion les grandes civilisations païennes, qui, souvent, reconnaissaient du bout des lèvres une certaine loi naturelle, mais sans jamais l’appliquer en pratique. L’exemple typique est celui de l’avortement et, plus généralement, de l’infanticide : sauf la Chrétienté, aucune civilisation n’a véritablement empêché ces pratiques (toute-puissance du pater familias romain sur ses enfants, eugénisme spartiate, sacrifices humains à Canaan ou au Machu Picchu, banalisation de l’avortement partout dans le monde, etc.). Seuls les pays catholiques, dès les origines, ont interdit, y compris aux parents, de tuer leurs enfants ; nous en avons le témoignage dès le Ier siècle, avec le Didaché, qui interdit également l’usage de la contraception (cf. Michel Rouche, Les Origines du christianisme, p. 56).

L’explicitation de la « loi naturelle » n’a pu se faire qu’en terre très chrétienne, qui, avec l’aide du Saint Esprit, a pu distinguer dans l’observation et l’expérience ce qui faisait partie de la nature humaine et ce qui n’en faisait pas partie : les plus brillantes civilisations païennes ne sont pas arrivées à une définition aussi claire du droit naturel, et même des Romains comme Cicéron, qui l’ont pressenti et lui ont donné son nom, n’en ont eu qu’une connaissance balbutiante et un usage limité.

Les principes de la loi naturelle correspondent à peu près aux Dix Commandements, or les trois premiers commandements ne sont que peu ou pas appliqués ; les autres, à partir du quatrième, ne le sont que dans la mesure où cela arrange tout le monde, sans trop atteindre l’ordre publique. Créer une vendetta à cause d’un adultère, non, mais avoir des maîtresses sans déranger personne, pourquoi pas, tant que les conséquences visibles sont supprimées (par exemple, par l’assassinat de l’enfant fruit de l’adultère).

En ce sens, le monde apostat dans lequel nous vivons est un retour à cet ordre païen. Les excès contre-nature ne peuvent durer longtemps à cause des désordres insupportables qu’ils provoquent : mais l’ordre sans foi qui s’annonce sera dure et totalitaire, comme chez les païens. Un minimum de « justice » (une sorte de compromis social garantissant un semblant d’ordre, fonctionnant par l’élimination sans pitié de tout « déviant » et par l’écrasement de toute aspérité par l’imposition d’une quelconque religion sociale, aujourd’hui le globalisme, l’écologie et la santé).

Ainsi, il faut bien comprendre que l’application pratique de la loi naturelle n’est possible qu’adossée à la foi chrétienne et soutenue par la grâce, d’origine surnaturelle. Vous aurez beau convaincre toute la planète qu’il est contre-nature d’avorter — et toute personne de bonne volonté le reconnaîtra sans difficulté —, les avortements ne cesseront pas pour autant…

Parlons du droit naturel, cela est clef, mais rappelons aussi que ce droit doit être soutenu par la Foi car, sans la foi, la loi naturelle aura beau être connue, elle ne sera pas respectée, ou seulement de façon fragmentaire.

Paul-Raymond du Lac

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France !

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