Politique

Inquisition : Mensonges et vérités sur la torture, par Paul de Lacvivier

L’Inquisition : le tribunal le plus juste de l’histoire

► Nicolau Eymerich et Francisco Peña, Le Manuel des Inquisiteurs : introduction et traduction de Louis Sala-Molins, Paris, Albin Michel, 2001 (1ère édition en 1974), 304 p.

« Je loue l’habitude de torturer les accusés »

Là encore, nous nous retrouvons face à une phrase sortie de son contexte. Peña dans un long commentaire sur la torture expose et rappelle toutes les règles de droit à ce sujet : en cas où les preuves ne suffisent pas pour convaincre l’accusé de son crime, ni pour le relâcher. Avec les limites et les exceptions : pas de tortures sur les enfants, sur les vieillards, les femmes enceintes, etc. Interdiction absolue de blesser le prévenu, un aveu obtenu sous torture n’a pas de valeur juridique, la question doit se faire en présence de plusieurs personnes, dont notaire, etc. Aussi, le fait important qu’un prévenu qui n’avoue pas sous la torture est présumé innocent et doit être relâché : en fait, la torture avait aussi le rôle de laver les soupçons par les tourments surmontés tout en satisfaisant la justice, qui répugne à relâcher une personne fortement suspectée quoiqu’il en soit (existence de preuves solides, mais non suffisantes légalement).

Dans ce contexte, Peña écrit le commentaire suivant, très plongé dans le contexte de son Espagne du XVIe siècle, et ne devrait pas permettre de porter de jugement général sur la torture, puisque l’inquisition médiévale ne l’a pas utilisé, si ce n’est tardivement et sous forme adoucie du fait de la pression du temporel. La torture n’a en fait rien à voir avec l’inquisition en tant que telle. C’est une pratique pénale venant de la justice civile.

Prenons la citation p. 264, en ayant conscience que, durant les deux pages précédentes, Peña liste toutes les restrictions et les conditions de la torture, somme toute réduite :

« Quant à moi, si vous voulez mon avis, je vous dirais que ce type d’érudition (qui disserte sur les méthodes de torture) me semble relever davantage du travail des bourreaux que de celui des juristes et des théologiens que nous sommes. Je n’en parlerai donc pas. Ceci dit, je loue l’habitude de torturer les accusés, notamment de nos jours où les mécréants se montrent plus éhontés que jamais. Beaucoup d’entre eux sont aujourd’hui d’une telle audace qu’ils commettent exprès toute sorte de délits avec l’espoir de vaincre les tourments, et qu’ils les vainquent effectivement à l’aide de sortilèges — comme le disait Eymerich —, sans parler de ceux qui sont totalement ensorcelés. Mais je m’oppose tout autant à ces juges sanguinaires qui, à la recherche d’une vaine gloriole — et laquelle, mon Dieu ! — imposent des tortures nouvelles, contrevenant ainsi au droit et à l’honnêteté, aux plus démunis des accusés (misellis reis), à tel point que ceux-ci meurent sous la torture ou qu’ils s’en tirent avec des membres fracturés, ou infirmes à jamais. Que l’inquisiteur ait toujours présente à l’esprit cette sentence du législateur : l’accusé sera torturé de telle sorte qu’il soit sain pour la libération pour l’exécution. »

Demandons-nous pourquoi le traducteur a oublié de mettre en exergue la seconde partie de ce passage, qui dénonce l’abus des juges en matière de torture, qui contreviennent au droit, et à l’honnêteté ! C’est incroyable de mauvaise foi quand on y pense ! Peña démontre au contraire un rare équilibre, ne transigeant ni avec les abus de la torture, ni avec les abus de clémence, qui permettent à un certain nombre de criminels de procéder habilement sans témoin, et de tabler qu’aucune preuve suffisante ne pourra être trouvée lors du procès, comptant sur la faiblesse de la « question » qu’ils endureront sans conséquences autre qu’un très mauvais quart d’heure avant d’être relâchés. On sent bien que cette remarque est spécifique à un lieu et à une époque, faisant référence à un certain fait qui ne saurait être pris pour juger de l’inquisition comme institution : ces recommandations ne sont pas générales, au contraire, et les modalités de torture évoluèrent dans le temps en fonction de l’influence du droit civil ; c’est tout sauf une constante et encore moins une caractéristique de l’inquisition.

Conclusion

Nous avons démontré sur pièces un exemple de mauvaise foi malveillante typique sur l’inquisition, qui affirme des conclusions fausses en se fondant sur des faits qui devraient en fait amener à une conclusion contraire…

Il s’agira de dire ailleurs à quel point l’inquisition était un tribunal équitable : pour l’instant exposons simplement la reconstitution de la procédure inquisitoriale en Espagne au XVIe siècle, tiré de l’étude suivante :

Jean-Pierre Dedieu, L’Inquisition et le Droit : analyse formelle de la procédure inquisitoriale en cause de foi, dans Mélanges de la Casa de Velázquez, tome 23, 1987, pp. 227-251.

Les losanges indiquent une décision, les rectangles des étapes de procédures entre chaque décision dans le procès :

Paul de Lacvivier


L’Inquisition : le tribunal le plus juste de l’histoire :

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