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La douleur et la souffrance ne sont pas un mal en soi !

Notre temps est malade de sa peur de la mort, qu’elle renie partout autant qu’elle le peut. Ce reniement provoque, par un paradoxe qui n’est qu’apparent, que cette mort, qui est une réalité pourtant absolument consubstantielle à notre nature déchue (nous mourrons tous un jour), c’est-à-dire blessée – et encore même dans le cas de la nature rachetée dans le baptême -, bref que cette mort se retrouve partout à tous les niveaux de la société, dans toutes les conversations, dans tous les esprits. C’est une loi de notre nature : plus nous voulons nier notre état objectif et naturel, plus la réalité se rappelle à nous d’une façon des plus terribles qui soit. La question est de se rendre compte le plus rapidement possible des illusions qui nous dominent afin d’éviter le pire pour nous et pour ceux qui dépendent de nous.

Notre société est effectivement ridicule dans son aversion plus que maladive de toute forme de douleur et de souffrance. On a fait disparaître le soin de l’âme ? Le soin du corps devient la nouvelle idole, et les différents techniciens du corps – qui méritent de moins en moins, hélas, le qualificatif de médecins – sont élevés au rang de démiurge, de grand gourou avec leurs nouveaux temples, les hôpitaux en tout genre.

Le nouveau dogme, au sens purement étymologique du terme  – c’est-à-dire croyance non-fondée sur la révélation appuyée par la raison – veut qu’il faille éviter toute douleur et souffrance comme des maux terribles, par tous les moyens. Passons le ridicule de pleutrerie et de « chochotterie » qui pourrait faire sourire s’il n’était pas généralisé et légitimé… Vivement que le temps des chevaliers revienne, le retour des hommes braves et des femmes vaillantes. Des hommes qui n’ont pas peur de la mort et des femmes courageuses donnant sans faiblir leur amour à leurs nombreux enfants charnels ou spirituels.

Tentons donc d’analyser ce dogme qui engendre la peur panique de la douleur et de la souffrance.

La douleur et la souffrance sont-elles des maux en soi ?

La réponse est non. Pourquoi ?

Partons d’abord de la douleur physique. Sans cette douleur, nous ne serions pas viables pour (sur)vivre. Ce fait est d’ailleurs illustré par ce syndrome très rare, cette déficience qui empêche une personne atteinte de cette maladie de sentir toute douleur : cette tare est si lourde qu’une personne atteinte de ce syndrome ne survit pas longtemps, en général. Pourquoi ? Tout simplement car il devient incapable de reconnaître le danger pour sa vie physique dont l’informe la douleur, et donc d’agir le cas échéant pour se protéger, ou pour se soigner, puisqu’il ne sent pas la douleur. Ne pas sentir de douleur physique amène ainsi avec certitude à la mort, car on ne la voit pas venir. La douleur physique, malgré le désagrément physique, est un bien en ce qu’elle nous indique un mal qui se trouve dans notre corps, et nous permet ainsi d’en prendre conscience et de le combattre.

Cela est tout aussi vrai pour la souffrance morale, qui, comme la douleur physique, surgit quand un mal agit, et la souffrance ressentie permet de se rendre compte de ce mal et d’agir pour l’extirper. Notre siècle combat ardemment la douleur physique, mais la souffrance morale n’a jamais été aussi répandue, sous sa forme de malaise permanent, ou de mal-être, qui n’est masquée -mais non effacée – que par l’endormissement dans les sens, la jouissance et le divertissement constant qui permet de dissoudre la conscience et la contemplation dans le bruit de l’instant. En évitant de faire prendre conscience de son malaise profond.

La douleur ou la souffrance ne sont pas ainsi des maux en soi, ils ne sont que la conséquence de maux, qui sont donc ailleurs. Supprimer la douleur ou la souffrance ne supprime pas le mal. C’est la suppression du mal qui supprime la douleur ou la souffrance. Ici se trouve une première arnaque de notre temps : on amalgame douleur et mal pour faire croire que la douleur est le mal, là ou au contraire la douleur salutaire permet de se rendre compte de la présence d’un mal qui se trouve ailleurs, et dont il est nécessaire de se débarrasser. Extirper le mal a une conséquence fortuite : faire disparaître la douleur ou la souffrance, mais cette conséquence est au fond secondaire par rapport au devoir d’extirper le mal.

Allons plus loin : la douleur n’est au fond qu’une faculté donnée par le Créateur, et donc bonne en soi, qui nous permet de nous rappeler à la vie et de nous éloigner du mal. La souffrance résulte simplement d’un mal dont la faculté « douleur » nous fait prendre conscience, que ce soit physiquement ou moralement. C’est ainsi une sorte de complément à la conscience, qui ne fait que prendre conscience de la loi naturelle : la souffrance, elle, est un appel à agir toute de suite et maintenant contre des maux qui se trouve effectivement en nous ou autour de nous, là où la conscience, faculté purement morale, est cette faculté qui nous permet de prendre conscience du bien et du mal. Ces facultés se développent et s’éduquent, et peuvent ponctuellement se tromper, ce qui ne remet pas en cause l’éternité de la loi divine et l’absolu du bien et du mal et de la loi naturelle. Notre société fait un travail de sape pour rabougrir la conscience et empêcher qu’elle grandisse, tout en la faussant le plus possible : c’est le travail de sape du relativisme moral. Qui passe, pour la souffrance, aussi par le divertissement, et la phobie de la douleur, car souffrance comme douleur sont les occasions de prise de conscience du bien et du mal, qui sont ainsi ravis à nos âmes. Le divertissement engourdi notre capacité à souffrir activement, et donc à se rendre des maux qui nous habitent.

La suppression idéologique, pourrait-on dire, de la douleur est en cela particulièrement diabolique : c’est vouloir supprimer le plus possible nos ressorts naturels pour d’une part prendre conscience des maux qui nous atteignent et, d’autre part, agir pour en éloigner les causes profondes.

Pour la douleur physique c’est limpide, mais au fond le plus important est pour la souffrance morale. Car celle-ci, souvent, se trouve liée au péché, et en particulier du prochain.

Notre Seigneur Jésus est celui qui a le plus souffert de toute l’histoire, dans son corps et son âme, et pourtant il ne possède pas une once de mal en lui. Il a porté la Croix pour expier justement les pêchés, ces maux moraux, pour sauver toute son humanité chérie.

Souffrance et douleurs sont ainsi des capacités bonnes et précieuses qui existaient avant notre déchéance, comme le prouvent le fait que l’Homme-Dieu, sans pêché donc, a souffert : il n’a jamais chu et il pouvait souffrir. Cela est bon. Pourquoi ? Car Dieu n’a jamais voulu que nous chutions, donc il nous a doté des facultés nécessaires pour repérer le mal, et donc, en fait, pour protéger et exalter notre vie : dans le paradis terrestre on pouvait souffrir, mais personne n’avait jamais souffert avant la chute – à part peut-être quelques douleurs physiques ou morales bénignes, car même au paradis terrestre et dans la plénitude de notre nature avec les dons preternaturels en plus, nos ancêtres Adam et Eve n’étaient pas parfaits, et ils pouvaient faire des erreurs. Et donc qu’ils sentent la douleur et puissent souffrir sont en soi de bonnes choses afin de nous permettre d’éviter le mal.

Alors n’ayons pas peur ni de la douleur ni de la souffrance. Ils nous appellent à la vie et nous ont été donné pour notre protection, notre sauvegarde et notre progrès moral : il ne s’agirait pas de jeter de si précieuses armes.

Et sachons les offrir en sacrifice pour l’expiation du mal, en oubliant jamais que si la souffrance est une conséquence du mal, la souffrance n’est pas un mal en soi.

Antoine Michel

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France

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