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L’Ukraine, énième navire en perdition.

Amis lecteurs, il est vraisemblable que les images d’affrontement en Ukraine vous aient laissés pantois. Devant ces confrontations tournant à la guerilla urbaine, la justification apportée par nos médias n’était rien de moins qu’une opposition entre Pro-Russes et Pro-Européens qui se muait en guerre civile, entre les méchants Ours russes en embuscade de Iédinaïa Rossiïa, le parti de Poutine, et un bloc occidental promu au rang de défenseur des libertés individuelles.

Cette explication à coup de sabre, n’est que bien peu digne de ceux qui se proclamment journalistes: quitte à informer, autant le faire avec sérieux en creusant un peu les sujets. Je vous rassure, cela ne prend que cinq minutes, un peu d’anglais, et de vieux souvenirs de première année de faculté d’Histoire.

L’Ukraine se caractérise par un peuplement relativement homogène, de langue et de culture slave. L’ukrainien et le russe sont deux langues issues de l’ancienne langue parlée dans le royaume de Kiev : le Ruthène, jusqu’au Xe siècle.
En effet, le premier Tsar de Russie, Vladimir, dont on peut lire une belle biographie romancée par Vladimir Volkoff, régnait à Kiev et non à Moscou. Ce n’est qu’à partir du XIe siècle que le pouvoir se déplaça à Novgorod, coeur économique de la Russie médiévale sur la route des fourrures. Le Royaume des Rurikides, les fils de Ruric, souche nordique dont descendait Vladimir, se dispersa entre les descendants, selon un droit de succession privilégiant la division égalitaire du patrimoine entre les enfants. C’est à la fin du moyen âge qu’une famille princière moscovite descendant aussi des Rurikides, adoptant le droit d’aînesse, permit de jeter les bases du pouvoir dynastique Impérial Russe.

Retenons surtout, pour notre raisonnement, deux choses: la Russie est née en Ukraine et le trident Rurikide est le symbole de cet acte de naissance.

Il en découle une certaine hostilité identitaire entre Russes et Ukrainiens, chacun se réclamant d’avoir créé le pays dont il ne fait pas partie, chacun revendiquant l’héritage des Rurikides pour lui même. Ainsi, n’allez surtout pas dire à un Ukrainien un peu chauvin que les Ukrainiens sont Russes. Dites lui plutôt que les Russes sont en fait Ukrainiens. Et inversement.

Cependant, il existe tout de même une frange de population ukrainienne, dans l’héritage du pan-slavisme, qui se déclare pro-russe. C’est une part de population non négligeable qu’on estime entre 20% et 30%.

La grande affaire de l’Ukraine, est que le pays a subi la crise de 2008 de plein fouet et se trouve en ce moment noyé sous les emprunts qu’il peine à rembourser([1]) une information peu connue en dehors de cet article de décembre sur Bloomberg. Aussi le gouvernement Ukrainien a-t-il cherché tant vers l’Europe que vers la Russie, un généreux mécène pour sauver le pays de la cessation des paiements. En échange de quelle contrepartie? On peut songer aux mines de fer, aux gisements d’uranium et aux blés ukrainiens, sans parler des opportunités stratégiques que ce pays faisant office de frontière entre la Russie et l’Europe, peut offrir.

De fait, le gouvernement, pro-russe, a opté pour le soutien de la Russie. Un choix qui peut se comprendre: occupée à sauver les soldats Grèce et Portugal, l’Europe paraît déjà bien empêtrée dans ses affaires internes et peu suceptible de soutenir l’économie ukrainienne moribonde, tandis que la Russie présente un aspect plus disponible et semble en capacité d’éponger une dette estimé à 15 milliards de dollars ([2]).

Ainsi, les nationalistes ukrainiens, soucieux de ne pas voir le Pays retomber dans le giron Russe, s’opposent violemment au gouvernement. Ce sont ces nationalistes qui, notamment, occupent les rues, avec le symbole du trident Rurikide ou une adaptation d’apparence plus douce, vraisemblablement censée donner une image plus acceptable du mouvement, avec trois doigts levés. Ce qui revient au même: c’est le logo du parti Svoboda, que d’aucuns qualifieraient sûrement de nauséabond, mais ces mêmes européistes oublient cela devant l’autel de leurs petites manipulations bassement intéressées. 
 
Constatons aussi que l’Europe, outre ses sympathies douteuses et inefficaces, est prise en flagrant délit d’incapacité à s’imposer sur la scène internationale.

Définitivement: l’Europe sera Russe ou ne seras pas. 

Roman Ungern


[1]    http://www.bloomberg.com/news/2013-12-09/ukraine-default-swaps-jump-to-four-year-high-as-russia-backs-off.html

[2]    http://www.lemonde.fr/europe/article/2014/02/08/la-russie-tiendra-sa-promesse-d-aide-financiere-a-l-ukraine_4362867_3214.html

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