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” Le Temps du Silence “, une Exposition à l’Abbaye de la Sauve-Majeure jusqu’au 8 mai 2016

C’est dans ce chef-d’œuvre de l’art roman, des sculptures et des vestiges exceptionnels dans un paysage hors-du-temps, que Bruno Rotival a décidé de faire revivre pour quelques mois, en une exposition, la vie monastique au XXIème Siècle. 21 Photographies 2m sur 1m en noir et blanc, délicatement et judicieusement posées sur les murs de ce qu’il reste de l’Abbaye de la Sauve-Majeur. Un site à ciel ouvert, un magnifique témoignage d’architecture religieuse au cœur de l’Entre-deux-Mers, à 20 km de Saint-Emilion.

La démarche de Bruno Rotival naît d’un constat alarmant : ” Dans ce monde qui nous laisse que peu de temps pour réfléchir, peu de place pour nous exprimer, peu de moments pour nous arrêter, comment définir les rencontres qui justement ont fait naître nos plus intenses émotions, celles que l’on découvre lentement lorsque l’on prend le temps de cette halte nécessaire. ” Cette Exposition hors du temps et de l’espace est le fruit de 40 années à photographier l’intimité de plus de 80 lieux monastiques. Des communautés religieuses de moines et moniales qui ont tout simplement accepté de s’ouvrir et de partager, le temps d’un échange, le temps d’une image, leurs chemins du Silence.

Comme une syllabe dans un poème, toute chose a dans le train de ce monde, son lieu et son temps. “ Guigues 1er le chartreux. La contemplation est l’acte d’une âme qui s’oublie immobile devant quelque chose de plus beau qu’elle. ” Seul parle vraiment celui qui sait se taire, sans ce lien avec le silence, le mot devient bavardage. ” note Anselm Grün dans son livre consacré au silence. Dieu étant au-delà des mots. Déjà au 12ème Siècle le moine Gilbert de Hoyland s’interrogeait : ” Notre Silence vous parât-il inertie ? C’est en lui qu’on apprend et qu’on pratique le grand art d’aller en ligne droite vers Dieu. “

Cette absence de mots inutiles, le photographe Bruno Rotival a voulu le traduire en images : ” Ce silence, je l’ai cherché, j’en ai besoin, je l’ai trouvé au-delà des images. ” Evoquer la vie d’un moine peut paraître aujourd’hui incongrue, absurde, bizarre. Ce mode d’existence peut sembler complètement désuet. Pour beaucoup d’entre nous leur choix de vie semble une chose étrange, une évasion de la réalité, voire une folie ? Et pourtant, pour eux, c’est la seule qui mène à Dieu. : ” Je me trouvais dans un espace disponible avec le simple nécessaire. Mais ce qui me frappe le plus, c’était le silence qui brusquement m’enveloppait. J’avais l’impression d’être tellement loin du monde ordinaire. Et pourtant, rien ici ne semblait vouloir m’entraîner ailleurs. J’étais bel et bien dans la réalité sans fard. Elle me faisait peur mais je n’avais pas envie de la quitter. ” Confidence de Dom Jean-Pierre Longeat, la première fois qu’il découvrit le monastère de Ligugé, pour une retraite.

Ce que l’on peut trouver dans un monastère, c’est une oreille attentive et une ouverture sur une vie qui dépasse les limites de l’immédiatement visible. Et paradoxalement, ces hommes et ces femmes jadis tant ignorés, se retrouvent maintenant sous le feu des projecteurs. Ces chercheurs de Dieu auraient-il trouver l’absolu qui nous fait tant défaut ? Le silence serait-il le chemin qui nous ouvre à la lumière?

Avec profondeur et humilité la vision de Bruno Rotival nous transporte dans ce monde monastique presque incompréhensible pour notre époque. Avec patience et discrétion, toujours sans flash, pour mieux apprivoiser l’éternité, pour mieux attirer et recevoir la beauté de l’instant en lui enlevant progressivement les dernières zones d’ombre. Une ombre d’ailleurs toute relative, puisqu’elle permet de sculpter chaque mot qui grâce à la prière deviendra lumière.

L’exposition est à la hauteur de cette ambition, en caressant du regard ces portraits, ces attitudes au travail, en méditation, on trouve certains visages burinés mais oh combien expressifs. Une telle intensité dégage un vrai moment de paix, d’accomplissement. Comme si la vie intérieure des moines et des moniales avait réussi à venir jusqu’à nous, nous proposer de marcher un peu dans le cloitre de son Abbaye, et de nous amener cet amour sans limite.

Ce cheminement du cloître à la cellule, et de l’atelier à l’Office, est merveilleusement traduit dans un ouvrage récent ” Le Choix du Silence “. Un regard sur le monde monastique de plus de 140 photographies en noir et blanc de Bruno Rotival, magnifiquement accompagnées par les textes de François-Xavier Verger, administrateur de Cluny, préface de Frédéric Mitterrand. Il y a de très nombreuses photos de la vie quotidienne, la préparation des repas, le travail manuel qui est privilégié, ainsi que les moments de détente, les promenades, mais aussi le recueillement dans les cimetières du monastère. ” Aujourd’hui encore des hommes et des femmes postulent pour ce genre d’existence. Ces vies sont de vraies provocations et contestations radicales de notre mode de vie consumériste et hédoniste. On s’étonne d’ailleurs que les monastères n’aient pas encore été interdits…La république maçonnique l’avait déjà fait au début du XXème Siècle. ” (Note de l’auteur Idwoillemont).

Eric Muth

L’Abbaye de la Sauve-Majeur est ouverte à la visite toute l’année, l’exposition ” Le Temps du Silence “ quant à elle est visible jusqu’au 8 Mai 2016. La Sauve-Majeur est à 25 km de Bordeaux – direction Créon).

www.la-sauve-majeur.monuments-nationaux.fr

Tél : 05 56 23 01 55

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