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Le Trésor de l’Angélus. Lettre mensuelle aux membres et amis de la Confrérie Royale

Prière mariale sous forme de récitation quotidienne que la Tradition chrétienne nous a transmise, l’Angélus est pour nous plus qu’une pieuse dévotion : elle est un engagement auquel s’adjoint une intention spécifique et impérieuse : le rétablissement et la prospérité du Roi de France légitime. Mon propos n’est pas aujourd’hui de retracer l’historique de cette honorable invocation mariale mais d’en méditer le sens, afin de ranimer en nous la ferveur de cette triple supplication qui scande chacune de nos journées.

Lorsque nous méditons le chapelet ou que nous faisons oraison, les auteurs spirituels nous recommandent en premier lieu d’imaginer l’endroit où se déroule l’événement médité, pour donner de la vie au mystère qui, sans cela, pourrait s’avérer un peu « sec à digérer ». L’Annonciation, que nous remémore chaque angélus, se déroula à Nazareth. Ici, représentons-nous l’humble maison de Marie pour y retrouver la douceur paisible qui y règne et le suave parfum des vertus de Notre-Dame qui vient l’embaumer. Là, point de luxe ni ostentation, tout porte à la prière au point d’attirer même les anges.

Pour goûter cette atmosphère de prière et d’élévation d’âme, il nous est bon de demeurer avec Marie : c’est d’ailleurs la volonté expresse de Jésus crucifié à l’égard de ses disciples : « prendre Marie chez soi ». Durant le temps de l’Avent qui nous a préparés aux joies présentes de Noël, la sainte liturgie nous a elle-même plongés dans ce climat spirituel d’une teinte toute mariale en nous faisant célébrer successivement plusieurs fêtes en rapport avec l’Annonciation, préludant à la Nativité :

  • L’Immaculée Conception, le 8 décembre, privilège unique dans l’histoire de l’humanité et qui prépare en Marie sa future Maternité divine (fêtée le 11 octobre) ;
  • La Translation de la Santa Casa à Lorette, le 10 décembre, maison qui fut le théâtre où s’est jouée l’Annonciation, et que transportèrent les saints anges depuis la Terre Sainte jusqu’en Italie (à l’extrême Est de Sienne) ;
  • L’Expectation de la Très Sainte Vierge, le 18 décembre, qui honore l’attente de l’Enfantement par Marie. Quel merveilleux sujet de méditation que Marie enceinte, Tabernacle du Très-Haut et Arche mystique de l’Alliance !
  • C’est du reste Marie enceinte du Sauveur qui vient apparaître sous les traits de Notre-Dame de Guadalupe au Mexique (1531) : encore une fête proche puisqu’on la célébrait le 12 décembre dernier. Tout est cohérent dans notre sainte religion, dans ses dogmes comme dans son calendrier liturgique ! La lex credendi coïncide avec la lex orandi.

Lorsque nous récitons quotidiennement le triple angélus, il est bon de nous rappeler ces merveilleux événements pour secouer notre routine spirituelle et « donner corps » à notre prière, puisque précisément l’angélus nous fait méditer le mystère de l’Incarnation, le Christ prenant chair pour nous sauver.

Au milieu du tumulte et de l’agitation urbaine, notre esprit a besoin de se ressourcer souvent, de se replonger en Dieu. La psychologie moderne n’a pas inventé les méthodes de relaxation bénéfiques pour l’esprit : la contemplation, la prière silencieuse répandent depuis des siècles leurs bienfaits sur les âmes pieuses, qui alors rayonnent autour d’elles d’après ce principe spirituel : « Une âme qui s’élève élève le monde ». L’angélus est, avec le chapelet, la prière idéale pour « quitter » cette terre quelques instants et puiser en Dieu les grâces dont nous avons besoin pour terminer saintement notre journée et Lui confier toutes nos intentions, per Mariam, cum Maria et in Maria.

Toute une vague antichrétienne tente de faire taire aujourd’hui nos vieux clochers de France : tant qu’elles représentent encore le fonds de chrétienté qui habite notre sol, que nos voix s’unissent avec ferveur au son des cloches avant qu’on les bâillonne ! Rappelons que le tintement des cloches qui s’ébranlent dans les airs a valeur d’exorcisme puisqu’elles sont bénites – et même « baptisées » –, constituant ainsi les messagères célestes et le « signe sonore de ralliement » des Chrétiens. L’angélus est donc un rendez-vous qui unit tous les Catholiques dans la Communion des saints (même si nous ne le sommes pas encore !), les rangeant en « armée en bataille » (spirituelle). C’est l’occasion aussi pour nous de nous unir particulièrement aux autres membres et sympathisants de la Confrérie royale.

La foi de Marie

Tout Chrétien reçoit le don de la foi comme une lumière divine qui pénètre son intelligence et qui lui permet, par l’amour de Dieu, de vivre spirituellement des biens que Dieu lui donne pour obtenir son Salut. Marie reçut Elle-même ce don de la foi qui fut, à l’Annonce de l’archange Gabriel, la pénétrante et lumineuse Parole de Dieu qu’elle conçut par l’Amour personnel et incréé, le Saint-Esprit.

Aux privilèges qu’Elle a obtenus, Marie joint en effet la vertu personnelle d’une foi totale et exemplaire, méritant l’éloge évangélique : « Beata quæ credidit : Bienheureuse Celle qui a cru ! » (Lc 1, 45). Durant sa vie terrestre, Elle a réalisé la figure parfaite du disciple du Christ, miroir de toutes les vertus, et Elle a incarné les béatitudes évangéliques encouragées par le Christ. C’est donc en Elle que toute l’Église, dans son incomparable variété de charismes et d’œuvres, atteint la plus authentique forme de l’imitation parfaite du Christ.

Comme le dit profondément saint Augustin, la Parole divine fut à la fois conçue en son intelligence de croyante, et substantiellement conçue en son corps d’engendrante. C’est bien le Verbe de Dieu qui s’incarne en Elle et qu’Elle accueille par la toute-puissance du Don de l’Amour du Père. Entrant ainsi dans la volonté-même de Dieu s’incarnant pour nous sauver, la Vierge prononce son Fiat au nom de toute l’humanité : Elle accueille Jésus comme le Sauveur du monde, se faisant l’humble instrument de ce prodigieux décret divin. Ainsi est-Elle déjà l’Église en son principe maternel puisque Elle conçoit en sa foi et en son cœur la Tête et Chef de l’Église, Corps mystique du Christ.

   Marie n’est donc pas seulement une croyante parmi d’autres mais le modèle de tout croyant, Celle qui est absolument fidèle (de fides : la foi) : il ne peut y avoir de foi plus parfaite parmi les créatures. Même le Fiat d’Abraham n’était que le signe prophétique du Fiat de Marie ; tous les Fiat des saints ne sont que la participation plus ou moins grande du Fiat de Marie, lequel est absolument unique. Il s’est réalisé dans le temps, à une période donnée de l’histoire bien sûr, mais il fait écho au Fiat éternel de Dieu décidant de sauver le monde en nous donnant, de toute la surabondance de son Amour, son Fils unique. Le Christ, en réponse au Père, répond : « Tu m’as façonné un corps, alors j’ai dit : ‘‘Voici je viens pour faire ô Dieu ta volonté’’ » (Hb 10, 5-7).

Il ne faut donc pas voir l’Incarnation comme un simple événement historique mais comme l’Événement par excellence : point central de toute notre histoire venu transfigurer notre monde ; l’instant de l’Incarnation est suspendu à l’éternité tout comme il le fut aux lèvres de Marie (va-t-Elle répondre oui ou non à l’ange ?), et c’est à cet instant que toute l’histoire du monde doit être référée. D’où la significative convention de compter les années à partir de la naissance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avant comme après.

Le mystère de l’Annonciation n’est pas seulement le premier de toutes les séries des mystères du saint Rosaire, mais il est premier en absolu, comme « ce qui est premier dans un genre et qui est cause de tout ce qui est contenu dans ce genre » (saint Thomas). C’est en germe que les mystères du Salut sont exprimés dans l’Annonce faite à Marie, et c’est ce mystère fondamental qui fut médité continuellement dans son Cœur par la Vierge avançant dans le pèlerinage de sa foi comme vraie disciple de Jésus : « Quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon frère, et ma sœur, et ma mère » (Mt 12, 50).

C’est cette méditation qui forma son propre esprit dans le Saint-Esprit, comme saint Paul interpréta tous les événements qu’il relata en rapport avec sa fulgurante conversion sur le chemin de Damas, ou saint Luc rédigeant ses écrits (le 3ème Évangile & les Actes des Apôtres : l’Église naissante et les premières années) d’après les confidences de Marie sur l’enfance de Jésus. Tous les événements de la vie humaine de Jésus se trouvent liés à cette Annonce angélique et contemplée dans cette lumière de joie messianique qui fut la sienne à ce moment-là, et qui se prolonge dans l’accomplissement de sa gloire céleste où elle vit en plénitude la joie de la « fille de Sion »[1] depuis son Assomption.

Dans l’Annonciation, nous trouvons encore signifiée l’éminente vocation de Marie voulue par Dieu et énoncée par l’ange, qui est sa Maternité divine. Réel motif de joie de ce mystère : quoi de plus utile que la révélation par le « messager de la joie » (saint Augustin) de sa propre vocation, annonce qui doit diriger toute une vie et ragaillardir l’âme dans les tribulations qui ne manquent jamais d’arriver ? Pensons à sainte Jeanne d’Arc dont les Voix lui assuraient sa mission propre et pour lesquelles ses juges ecclésiastiques ne se sont pas lassés de la harceler.

Vocation et fécondité vont de pair dans ce mystère, et c’est le fruit concret que nous pouvons en tirer pour notre propre vie : dire « oui » à l’attente divine sur nous, c’est s’assurer immanquablement des grâces de bonheur et de rayonnement. Cette perspective permet de vivre le reste de la journée avec un engagement renouvelé : donnons notre Fiat avec, s’il était possible, la même foi et la même confiance que Marie notre Mère : vivons avec un « oui » au cœur. Serviam !

L’angélus

L’angélus constitue un envoi en mission, et c’est ce que symbolisent également les cloches sonnant à la volée. N’oublions pas que, juste après l’Annonciation, Marie part annoncer la Bonne Nouvelle à sa cousine Élisabeth qu’Elle sait maintenant enceinte aussi. Il s’agit de la Visitation, mystère joyeux intercalé entre l’Annonciation et la Nativité. « Bienheureuse celle qui a cru ! », proclame alors avec raison Élisabeth à sa sainte cousine, exclamation à laquelle feront échos les propres mots de Notre-Seigneur à saint Thomas l’Apôtre : « Bienheureux ceux qui croient sans avoir vu » (Jn 20, 29). Lorsque nous récitons l’angélus, souvenons-nous que nous sommes aussi appelés en mission, chacun personnellement, et que le Fiat de Marie que nous répétons est notre propre réponse à cet appel.

De toute la ravageuse tornade postconciliaire, l’angélus est l’une des rares prières qui ait échappé au funeste aggiornamento, et l’on peut s’en réjouir. Le pape Paul VI reconnaissait lui-même :

« Sa structure simple, son caractère biblique, son origine historique qui la relie à la demande de sauvegarde dans la paix, son rythme quasi-liturgique qui sanctifie divers moments de la journée, son ouverture au mystère pascal qui nous amène, tout en commémorant l’Incarnation du Fils de Dieu, à demander d’être conduits ‘‘par sa Passion et par sa Croix jusqu’à la gloire de la Résurrection’’ font que, à des siècles de distance, elle conserve inaltérée sa valeur et intacte sa fraîcheur. (…) La valeur de la contemplation du mystère de l’Incarnation du Verbe, de la salutation à la Vierge et du recours à sa miséricordieuse intercession reste inchangée ; et, malgré les conditions nouvelles des temps, ces moments caractéristiques de la journée – matin, midi et soir – qui délimitent les périodes d’activité et constituent une invite à s’arrêter pour prier, demeurent inchangés pour la majeure partie des hommes. » (Paul VI, Marialis cultus, 1974, § 41).

Selon l’usage romain, la Confrérie royale a adopté plusieurs invocations qui suivent l’angélus proprement dit, ce qui fait que nous ajoutons, après l’oraison concluant le triple Ave Maria :

  • trois Gloria Patri, afin d’honorer particulièrement la Très Sainte Trinité à qui s’adressent ultimement toutes nos louanges ;
  • Angele Dei… : la prière à notre ange gardien, que l’on néglige trop souvent et qui pourtant se trouve missionné par Dieu pour être le gardien de notre vocation, « notre » archange Gabriel député par Dieu pour nous protéger, corps et âme ;
  • Requiem æternam… : la supplication pour nos chers défunts, que nous ne devons pas oublier non plus, afin qu’ils entrent plus rapidement en Paradis, d’où ils pourront intercéder pour nous, la reconnaissance étant une vertu prisée au sein de la Communion des saints ;
  • enfin, bien sûr, la triple invocation pour le Roi : Domine salvum fac regem Notre-Dame de l’Annonciation nous a obtenu l’Avènement du Sauveur : que Notre-Dame de l’Assomption, à qui est consacré le royaume de France, nous obtienne l’avènement du Roi, son Lieutenant.

L’indispensable intermédiaire que constitue la Très Sainte Vierge Marie se trouve très bien résumée par son glorieux chantre, saint Louis-Marie Grignion de Montfort, paroles de vérité qu’il serait bon d’avoir en tête lorsque nous récitons l’angélus :

« La Sainte Vierge est le moyen dont Notre-Seigneur s’est servi pour venir à nous : c’est aussi le moyen dont nous devons nous servir pour aller à Lui : car Elle n’est pas comme les autres créatures, auxquelles si nous nous attachions pourraient plutôt nous éloigner de Dieu que de nous approcher : mais la plus forte inclinaison de Marie est de nous unir à Jésus-Christ, son Fils : et la plus forte inclinaison du Fils et qu’on vienne à Lui par sa sainte Mère. » (S. Louis-Marie Grignion de Montfort, Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge, § 75).

L’Ave Maria

Arrêtons-nous quelques instants sur la simple et belle prière du Je vous salue Marie. Je cite ici le Saint-Père Jean-Paul II qui nous livrait une méditation personnelle dans l’une de ses dernières lettres apostoliques :

« La première partie de l’Ave Maria, tirée des paroles adressées à Marie par l’ange Gabriel et par sainte Élisabeth, est une contemplation d’adoration du mystère qui s’accomplit dans la Vierge de Nazareth. Ces paroles expriment, pour ainsi dire, l’admiration du ciel et de la terre, et font, en un sens, affleurer l’émerveillement de Dieu contemplant son chef-d’œuvre – l’Incarnation du Fils dans le sein virginal de Marie –, dans la ligne du regard joyeux de la Genèse (cf. Gn 1, 31 : ‘‘Dieu vit tout ce qu’Il avait fait et voici, cela était très bon’’), de l’originel pathos avec lequel Dieu, à l’aube de la création, a regardé l’œuvre de ses mains. Dans le Rosaire, le caractère répétitif de l’Ave Maria nous fait participer à l’enchantement de Dieu : c’est la jubilation, l’étonnement, la reconnaissance du plus grand miracle de l’histoire. Il s’agit de l’accomplissement de la prophétie de Marie : ‘‘Désormais tous les âges me diront bienheureuse’’ (Lc 1, 48).

Le centre de gravité de l’Ave Maria, qui est presque comme une charnière entre la première et la seconde partie, est le nom de JésusParfois, lors d’une récitation faite trop à la hâte, ce centre de gravité disparaît, et avec lui le lien au mystère du Christ qu’on est en train de contempler. Mais c’est justement par l’accent qu’on donne au nom de Jésus et à son mystère que l’on distingue une récitation du Rosaire significative et fructueuse. (…) Répéter le nom de Jésus – l’unique Nom par lequel il nous est donné d’espérer le Salut (cf. Ac 4, 12) –, étroitement lié à celui de sa Très Sainte Mère, et en la laissant presque Elle-même nous le suggérer, constitue un chemin d’assimilation, qui vise à nous faire entrer toujours plus profondément dans la vie du Christ.

C’est de la relation très spécifique avec le Christ, qui fait de Marie la Mère de Dieu, la Theotokos, que découle ensuite la force de la supplication avec laquelle nous nous adressons à Elle dans la seconde partie de la prière, confiant notre vie et l’heure de notre mort à sa maternelle intercession. » (Jean-Paul II, Rosarium Virginis Mariæ, 2002, § 33).

Nous implorons en effet la Vierge Marie d’intercéder pour nous à chaque instant de notre vie, et à l’heure la plus grave, celle de notre propre mort : nunc et in ora mortis nostræ. La Mère des Chrétiens (Mater Christianorum) coopère ainsi à l’accroissement des membres de l’Église, Corps mystique de son Fils, dans la vie de la grâce par sa prière ininterrompue, se faisant leur avocate, leur auxiliatrice, leur adjutrice et leur médiatrice.

Notre vœu

Le 25ème jour de chaque mois est l’occasion de nous rappeler que nous nous sommes engagés, par vœu, à offrir toutes nos prières et toutes nos bonnes actions dans le but de rendre Dieu favorable à notre demande : la restauration de notre Roi Très-Chrétien. Ainsi, mensuellement, une journée dédiée est consacrée à raffermir notre ferveur pour hâter le règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui passe en France par la restauration de son régime légitime : Dieu le veut ainsi.

Pourquoi un vœu ? Saint Thomas d’Aquin nous dit qu’« il est plus méritoire de faire une chose par vœu que sans vœu » (IIa-IIæ, q. 88, a. 6) ; et : « Les œuvres de perfection méritent plus de louanges lorsqu’elles sont accomplies par vœu » (IIIa, q. 28, a. 4).

Recueillons ensuite l’enseignement du R.P. Garrigou-Lagrange († 1964) :

« 1) Le vœu est un acte de la vertu de religion (ou de latrie) qui est supérieure aux vertus d’obéissance, de chasteté et de pauvreté, dont elle offre les actes comme un culte au Seigneur ;

2) Par un vœu perpétuel, surtout s’il est solennel, l’homme offre à Dieu non pas seulement un acte isolé, mais la faculté-même, et il est mieux de donner l’arbre avec les fruits que d’offrir seulement des fruits ;

3) Par le vœu, la volonté s’affermit de façon irrévocable dans le bien, et il est plus méritoire d’agir ainsi, comme par opposition il est plus grave de pécher par une volonté obstinée dans le mal. » (Réginald Garrigou-Lagrange o. p., Les trois âges de la vie intérieure, prélude de celle du Ciel – Traité de théologie ascétique et mystique, Paris, Cerf, 1938, p. 294.)

Précisons un point important : si le vœu est bien prononcé de manière solennelle : « devant Dieu et toute la Cour céleste » (ainsi commence la formule de consécration), devant le prêtre et devant toute l’assemblée chrétienne réunie (qu’elle soit abondante ou minime) – puisque nous encourageons les membres de la Confrérie à le prononcer au cours de la célébration d’une Messe, au moment de l’Offertoire –, il ne s’agit cependant pas d’un vœu solennel proprement dit car il n’y a pas de reconnaissance spécifique par l’autorité ecclésiastique (canon 1192 § 2 du Code de droit canonique). Cela ne veut bien sûr pas dire qu’il n’a pas de valeur ! Mais il n’équivaut pas aux vœux de religion (pauvreté, chasteté & obéissance) qui placent les religieux dans un état de tendance à la perfection, status perfectionis acquirendæ ; il s’agit pour nous d’un vœu privé.

→ Il serait utile à tout membre de (re)lire les explications données par l’abbé Louis de Saint-Taurin sur cette question (explication théologique + réponse aux questions courantes) sur le site de la Confrérie royale : https://confrerieroyale.com/voeu/

Chaque chapelain de la Confrérie royale qui reçoit le vœu n’oblige aucunement le baptisé à le formuler, faut-il le rappeler : il ne fait qu’attester de la démarche sacrée qu’accomplit la personne qui, de libre volonté, se consacre à la Couronne de France. Il intervient donc comme simple témoin, mais comme témoin privilégié pourrait-on dire, à la manière du mariage où les époux sont les ministres du sacrement en se donnant l’un l’autre leur engagement sacré, la présence du prêtre étant obligatoire pour attester du consentement mutuel et libre des époux.

L’engagement des clercs dans la Confrérie royale ne contrevient par ailleurs pas à la prescription du Code de droit canonique : « Les clercs ne prendront pas une part active dans les partis politiques » (can. 287 § 2), la doctrine légitimiste étant par définition le contraire du système des partis, qui s’oppose et détruit « la paix et la concorde » des Français que « les clercs s’appliqueront toujours et le plus possible à maintenir » (can. 287 § 1). Les clercs voués n’ont pas la même fonction que les fidèles laïques qui sont, selon la doctrine sociale de l’Église, seuls en charge de construire l’ordre temporel.

*

Par notre engagement solennel de réciter, trois fois par jour, la belle prière de l’Angélus qui nous remémore l’événement décisif de l’Incarnation de notre Dieu, implorons de Notre-Dame, Reine de France, sa protection pour que, « sous une si puissante Patronne, notre royaume soit à couvert de toutes les entreprises de ses ennemis, qu’il jouisse longuement d’une bonne paix ; que Dieu y soit servi et révéré si saintement que nous […] puissions arriver à la dernière fin pour laquelle nous avons tous été créés » (Vœu de Louis XIII, 1638).

Que ce beau Temps de la Nativité nous fasse goûter la paix et la joie que l’Enfant-Jésus est venu apporter à notre monde. Dans sa divine liturgie, l’Église ne cesse de nous inviter à méditer le triple avènement de Jésus-Christ : 1) jadis à Bethléem au premier Noël ; 2) maintenant, en notre âme par sa grâce ; 3) à la fin du monde, comme Juge souverain des vivants et des morts. Puisse ce retour glorieux du Christ-Roi être préfiguré par celui du Roi de France, garant et promoteur de la royauté sociale de Jésus-Christ sur notre terre !

En cet anniversaire de la naissance de notre patrie aux fonts baptismaux de Reims, en la Noël 496, ravivons en nous ce Vœu que nous remémore le triple angélus quotidien, nous souvenant que le triomphal pennon de Jehanne la Pucelle figurait précisément la scène de l’Annonciation, image de victoire contre les forces des ténèbres et les ennemis du royaume. Toujours nous serons fidèles à remplir notre engagement, en récitant à heures fixes « ces Angélus qui viennent alléger nos journées et les suspendre au Ciel » (R. P. Sertillanges). Noël ! Noël !

R. P. Clément de Sainte-Thérèse +


[1] L’identification que Saint Luc fait de Marie avec la « fille de Sion », c’est-à-dire avec la communauté d’Israël à la plénitude des temps, et qui émerge indirectement dans le récit de l’Annonciation (Lc 1, 28-33), apparaît comme l’écho de trois prophéties : 1) Sophonie (3, 14-17) ; 2) Joël (2, 21-27) ; 3) Zacharie (2, 14-15). Ces trois oracles ont pour objet l’annonce de la joie messianique qui se répand sur l’Israël des derniers temps, lorsque le Seigneur accordera à son peuple le salut et la libération définitive.

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