Chretienté/christianophobieHistoire

Ex-libris. « Le Roman de Saint Louis », par Philippe de Villiers

J’avais lu à sa sortie Le roman de Charette de Philippe de Villiers. J’avoue que mes impressions sur ce livre furent mitigées. Cependant, étant donné que je m’en tiens rarement à une première et mauvaise appréciation, j’avais prévu de lire Le roman de Saint Louis. C’est maintenant chose faite. J’avoue sans peine que je suis vraiment très content de l’avoir lu. Nous sommes vraiment en présence d’un livre qui mérite d’être étudié par le plus grand nombre.

Il existe plusieurs biographies historiques de référence consacrées au saint roi. Nous citerons plus particulièrement deux auteurs dont nous apprécions le travail : Jacques Le Goff et Jean Richard. Nous pouvons pareillement convoquer le sieur de Joinville qui commit en son temps une œuvre admirable : Vie de saint Louis. Cet ouvrage est à mes yeux, l’un des textes historiques les plus intéressants et les plus attachants que nous aient légués les Temps Féodaux. Ce témoignage de première main contribua grandement à la canonisation de Louis IX.

À la fin du présent ouvrage, dans une partie intitulée « note de l’auteur », Villiers indique les nombreux livres qu’il a étudiés pour commettre le sien. Ainsi, chacun sera libre de constater que la bibliographie et les sources sont conséquentes et variées. Tout le monde pourra y puiser les trésors nécessaires pour parfaire ses connaissances.

Villiers reconnaît sans peine, que pour lui, la somme de Le Goff est « indépassable » et représente même « un monument ». Tout le monde ne partagera pas cet avis, mais il mérite d’être relevé pour embrasser la démarche de Villiers. Il écrit volontiers : « Je rêvais de retrouver la trace et l’image d’un Saint Louis à l’humanité sensible, un Saint Louis de chair, à figure humaine ». L’écriture à la première personne contribue à cette intimité qui nous rapproche du roi et de cette histoire magnifique tant admirée et contée par nos aïeux. Pourtant, Louis IX a beau être notre seul roi canonisé par l’Église catholique romaine, il semble aujourd’hui moins connu que d’autres figures de notre histoire nationale tels Philippe-Auguste, Jeanne d’Arc, Louis XIV, Louis XVI, Napoléon ou même De Gaulle…

En partant de ce constat, j’espère vraiment que cette biographie permettra aux jeunes et moins jeunes de (re)découvrir ce grand personnage, archétype même du roi très chrétien, que beaucoup appellent de leurs vœux pour diriger notre pays. Saint Louis ne fut pas seulement ce roi épris de Croisade et voulant reconquérir le tombeau du Christ tombé aux mains des Infidèles. Il incarna surtout à merveille ce roi biblique, saint, juste, humain ayant constamment l’envie, le désir ardent de défendre le Bien Commun en établissant une justice digne de la bonté du Très-Haut.

Le récit s’ouvre par un texte magnifique dont nous ne dirons rien de plus, pour laisser aux lecteurs le grand plaisir de l’assimiler le moment venu. Autant l’écrire de suite, ce prologue nous jette littéralement dans le bain et l’ambiance de l’époque. Par conséquent, Villiers nous emmène sur les pas de Saint Louis, de Poissy à Paris, de Paris aux Provinces de France, des Provinces de France aux deux dernières Croisades. Nous le suivons dans sa jeunesse, au Sacre, quand il doit se battre contre ses Barons ou pacifier son royaume en l’administrant avec une fermeté empreinte de douceur, au point de devenir un modèle pour les princes chrétiens de toutes les époques qui suivront.

Nous voyons également le roi s’imposer comme arbitre de l’Europe, soumis au Pape pour les questions spirituelles mais intransigeant dès que les questions temporelles sont abordées. Il rend la justice sous un chêne à Vincennes, pardonne à ses ennemis, aux traîtres, et n’ambitionne que d’accomplir les Volontés du Très-Haut, comme il le récite quotidiennement en prononçant la prière du Notre Père…

Villiers s’attache à montrer le roi tel qu’il fut, sans jamais céder aux visions caricaturales propagées par des écoles de pensée – soit trop élogieuses soit trop critiques – méprisant la réalité historique. Lire sur Saint Louis, c’est rencontrer trois femmes qui comptèrent énormément pour lui : la Vierge Marie (sa maman du ciel), Blanche de Castille (sa mère terrestre) et Marguerite de Savoie (son épouse par la grâce de Dieu et des volontés politiques défendues alors par sa mère, la reine). Les rapports ne furent guère simples entre la mère et la belle-fille, mais ce mariage de raison d’état devint en réalité un véritable mariage d’amour…

L’écriture est fluide, vive et très agréable. Un gros travail de recherche a dû être effectué par l’auteur, car il emploie de nombreux mots et expressions de l’époque. Cet aspect renforce considérablement la proximité avec le narrateur et ce côté immersif fort instructif. Le lecteur pourra être tenté plusieurs fois de croire qu’il tient entre ses mains les vraies mémoires de Louis IX. Les introspections régulières opérées par Villiers nous plongent au cœur même de la pensée royale. Elles éclairent sur ses doutes et ses volontés. Elles nous offrent aussi l’occasion de mieux saisir les échecs et les réussites du roi.

Ce dernier aurait pu être moine, tant il méprisait les vanités de ce monde. Plusieurs fois, il apparut en public vêtu des humbles tuniques des tertiaires dominicains et franciscains. Il se posa même la question de renoncer à la couronne pour porter l’habit. Mais ses différents conseillers, dont sa mère et des clercs savants, lui ont rappelé ses devoirs de roi tout en lui expliquant qu’il ne devait pas penser à sa personne mais aux intérêts du royaume et de ses sujets. Sa naissance l’avait placé sur un très beau trône : il devait s’oublier. Louis IX acquiesça et se soumit volontairement aux enseignements des Cieux dans sa vie terrestre. Ainsi, il agit de la plus belle des manières…

Nous lisons donc avec intérêt le propos suivant de Villiers, qui se situe dans la dernière partie de l’ouvrage : « Ma plume a couru pour retranscrire, comme celle d’un scribe pressé, les chroniques aux encres anciennes. Je n’ai rien inventé. Ni les événements, ni les personnages, ni même l’insolite. Peut-être ai-je arrangé quelque détail, c’est tout ». De fait, il demeure important de lire ce livre en appréciant chaque mot, chaque tournure de phrase pour vraiment s’imprégner de cette époque, si particulière et fondamentalement passionnante, que les historiens nomment les Temps Féodaux.

Villiers conclut sobrement : « Ce livre est un simple témoignage de témoignages. Un travail de moine copiste qui tente de faire revivre Saint Louis pour notre temps ». A travers ce beau « témoignage » pour reprendre son expression, nous ne sommes guère surpris de déceler chez Villiers une déception profonde devant l’état catastrophique dans lequel se trouve la France aujourd’hui. Je le comprends parfaitement sur ce point-là ! A défaut d’avoir des lendemains meilleurs, ce roman nous permet, en nous replongeant avec délicatesse dans le règne du saint roi, de maintenir notre Espérance chevillée au corps…

Franck Abed

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.