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Mon vieux !

 

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Il est de certains glissements sémantiques plus révélateurs de la dérive d’une civilisation que n’importe quels faits divers aussi récurrents soient-ils.

Vieux.

Je me souviens dans mon enfance à quel point on me reprenait quand je disais « vieux » pour désigner un « vieux ». Allez savoir, c’est méprisant aujourd’hui paraît-il. Il faut dire « personne âgé ». Enfant, on ne comprend très bien pourquoi il ne faut pas appeler un « chat » un « chat » mais plutôt un ballon le « référent bondissant »… Devenu adulte, on ne comprend pas plus tout en comprenant où cela veut en venir…

Bref, il va sans dire, et cela est aujourd’hui malheureusement bien trop normal de considérer la jeunesse (des sens et du corps s’entend – combien ils sont vieux d’esprit tous ces « jeunes » vraiment jeunes et ces vieux « jeunes ») comme l’absolu premier et primant sur tout. Le « jeunisme » comme on dit.

Et par réciproque, tout ce qui est « vieux » devient méprisable, à commencer par nos anciens, reléguer dans les débarras de la société, cachés à la vue de tous, quand ils ne sont pas parqués en mouroirs presque étatisés avant l’arrivée du rédempteur fatal: l’assassinat légal dont le nom de code édulcoré est « euthanasie ».

Logique tout cela au fond: sans plus de perspectives célestes et une négation complète de la mort comment pouvoir aimer la vieillesse qui nous jette à la figure notre déchéance (physique) future. « Tu viens de la poussière et tu retourneras à la poussière ».

Allons à l’autre bout du monde, au Vietnam par exemple. Des gens qui vous estiment beaucoup, mais vraiment beaucoup, vous appellent « mon vieux ». Et pour le compliment hors catégorie « mon très très vieux ». Alors que vous avez … 30 ans.

Il n’y a pas de marque de respect plus importante là-bas semble-t-il: se faire appeler de « vieux » alors qu’on est jeune.

Et oui, c’est logique: c’est dire avoir la sagesse de l’expérience de toute une vie à un âge jeune. Cette expérience si précieuse qui permet de cultiver les vertus (naturelles) de prudence et de justice et donc de bien conseiller les autres, sans compter le réservoir de mémoires et de témoignages servant tant à l’histoire de la famille voire des sociétés plus grandes qu’à l’édification des petits par des œuvres réussies et des échecs cuisants.

Vivement que cette sage coutume naturelle reprenne ses droits sur nos terres chrétiennes. Le 4ème commandement fonde la société: « Tu honoreras ton père et ta mère ». Inclus tous les ancêtres jusqu’à Adam.

Evidemment, nous pouvons avoir devant nous, dans nos sociétés, une vieillesse véritablement misérable : ce qui devait arriver arriva. Les soixante-huitards vieillissent aussi ! Dommage pour eux… ils étaient les seuls à ne pas le croire. Mais enfin, la vieillesse, quand elle est belle porte ses fruits à des hauteurs spirituelles inégalées. Mais quand elle est hideuse, les vices s’obstinent, et comme un Voltaire décrépissant, perdant toutes les voluptés du monde une par une, s’enlaidit devient de plus en plus haineuse envers tout ce qu’elle perd inexorablement. La haine devient tenace de plus en plus.

Prions pour leur conversion, bien que les âmes obstinées dans le mal, à Dieu ne plaise, arrivent rarement au tribunal céleste dans des conditions favorables…

En attendant, nous tous les jeunes, soyons vieux ! Et fièrement vieux !  Vieux dans nos idées, dans nos vertus, dans nos traditions, dans nos œuvres. Et si nous avons la grâce de vieillir, soyons vraiment de bons vieux pour l’édification de nos descendants.

Car nous sommes la charnière paradoxale: aucune illusion sur le mal que peuvent faire les hommes et l’état réel et actuel de la vieillesse qui vieillit si mal aujourd’hui, d’un point de vue morale sans aucun doute mais même d’un point de vue physique (celle née de l’après-guerre). Mais nous savons que même les pires vieux sont nos prédécesseurs et nos parents et que nous leur devons au moins la vie. Et donc qu’ils méritent nos honneurs, sans flétrir la justice néanmoins.

Pour finir, certains diront peut-être que le saint aimerait ne pas vivre longtemps, pour presser son accession au ciel et réduire les risques de la chute lors de ses tribulations terrestres. C’est vrai, et peut-être que cela explique pourquoi l’espérance de vie augmente: Dieu dans sa miséricorde, voulant sauver tout le monde, allonge la vie terrestre pour nous donner une chance de nous racheter avant qu’il soit trop tard. Combien de temps cela durera-t-il ?

Paul de Beaulias

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France

Une réflexion sur “Mon vieux !

  • PELLIER Dominique

    Comme on dit souvent, on n’est vieux que dans son coeur. Il est vrai que les années passent et je peux me dire au moins, à l’automne de ma vie. Mais comme Dieu me donne une belle santé pour mon âge, à part certains problèmes héréditaires, je ne me sens pas vieux, même si je n’ai plus la vivacité de mes vingt ans. J’aime personnellement bien contrefaire la vieillesse, en maquillant ma voix, me courbant, comme sous le poids de l’arthrose ou l’arthrite, mais c’est pour faire rire la galerie et moi-même par la même occasion. Mais vieux, moi ????

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