Vie des royalistes

L’héraldique capétienne : la branche aînée de la maison de Bourbon (1ère partie)

Les armoiries, système emblématique  sans égal, sont nées en France dans la première moitié du XIIème siècle, puis se sont rapidement étendues au reste de l’Europe et, finalement, très au-delà. Il est facile de s’en convaincre en recherchant les armoiries des différents Etats du monde et en observant l’importance de l’influence du système héraldique initial. Ce qui nous permet de souligner d’emblée l’ahurissant paradoxe qui fait de la France le seul pays occidental qui n’a plus d’armoiries d’Etat depuis septembre 1870 et les débuts de la Troisième République. Nous aurons bientôt à exposer cela en détail et à pointer du doigt cette face volontairement cachée de l’identité de la France.

Auparavant, il nous semble nécessaire de fournir quelques précisions sur les armoiries des dynastes capétiens contemporains.

Par dynastes capétiens, il faut entendre tous les princes issus par mâles d’Hugues Capet, par lignes légitimes c’est-à-dire résultant d’unions matrimoniales consacrées par le sacrement du mariage (excluant donc de fait non seulement les enfants adultérins mais aussi ceux qui ont été conçus ou sont nés avant le mariage de leurs parents).

Tous ces dynastes descendent aujourd’hui, après extinction des autres branches (Dreux et Courtenay), de Louis XIII. Ils forment une seule et unique maison, divisée en plusieurs branches, et que Louis XIV nomma officiellement en février 1662 (Traité de Montmartre) l’auguste maison de Bourbon, après qu’elle a été appelée, à partir de la fin du XIIIème siècle, maison du roi de France ou maison de France. L’Almanach royal de 1830 (sous le règne de Charles X) groupait d’ailleurs sous cette appellation, et dans l’ordre de primogéniture, tous les dynastes de France, d’Espagne, des Deux-Siciles et de Lucques (pour Parme). C’est ainsi que l’on peut affirmer, sans qu’aucune contradiction ne soit possible (les textes venant à l’appui de cette affirmation sont nombreux et irréfutables), qu’il n’a jamais existé de maisons nationales indépendantes. L’interdépendance fut, au contraire, constante depuis Louis XIV et les exemples qui le démontrent sont légion (des attributions respectives des ordres de Saint-Michel et du Saint-Esprit dans un sens comme de la Toison d’or dans l’autre, selon les règles d’usage vis-à-vis des fils de France et des infants d’Espagne, aux pactes de famille successifs, malgré des relations rendues parfois conflictuelles par la situation  politique européenne sous la régence de Philippe d’Orléans ou le règne de Louis XV). Jusqu’à l’appel de Louis XVI à son cousin Charles IV d’Espagne en octobre 1789 (“J’ai choisi Votre Majesté comme chef de la seconde branche pour déposer en vos mains la protestation solennelle que j’élève contre tous les actes contraires à l’autorité royale qui m’ont été arrachés par la force depuis le 15 juillet…”) ou la protestation de Charles X en avril 1830 contre la pragmatique de Ferdinand VII qui changeait la loi successorale en Espagne (et même si l’on admet aujourd’hui que cette décision de Ferdinand VII, en faveur de sa fille Isabelle, est l’un des éléments essentiels qui ont rendu caduques les renonciations d’Utrecht !).

Ainsi définie, la maison de Bourbon comprend deux branches et quelques lignes. Nous allons en présenter les armoiries pleines ainsi que les brisures lorsqu’elles existent, ce qui permettra facilement de situer chaque dynaste et de mieux comprendre leur rang au sein de cette illustre maison. Nous y découvrirons, s’il en était besoin, pourquoi Gérard de Nerval a pu écrire : “Le blason est la clé de l’Histoire“. Mais à l’appui de cette phrase poétique nous citerons Hervé Pinoteau, toujours très pragmatique en la matière : Les capétiens naissent, se marient, meurent, accèdent à des souverainetés (Luxembourg, Espagne), manifestent des prétentions, des droits… bref, vivent. Pour s’y retrouver au milieu de cette forêt, le blason est souvent un excellent aide-mémoire : il indique, enseigne, manifeste et même, en quelque sorte, déclare la guerre aux blasons identiques illégitimement portés. Par les tristes temps qui sont les nôtres, alors que la Révolution universelle semble maîtresse du terrain, le blason comme l’ordre de chevalerie (le véritable, pas celui de contrebande, et Dieu sait s’il y a de faux ordres !) ou encore le titre, sont à peu près les seuls signes d’identité, de droit et parfois de volonté, cette qualité étant rare chez les dynastes; on a souvent remarqué que ce sont ceux qui ont les droits les plus contestables qui sont les plus explicites dans l’exposé de leurs motifs. Il faut donc rester la tête froide devant les dynastes trop bavards, devant un “consensus” souvent truqué depuis longtemps… ; revenons aux sources, au droit, à l’histoire des nations et au service du Juge d’arme céleste.

PREMIERE BRANCHE OU BRANCHE AINEE.

Elle est issue de Philippe de France, duc d’Anjou, petit-fils de Louis XIV, après qu’il est devenu Philippe V roi d’Espagne, en 1700. Elle est l’aînée depuis l’extinction de la branche restée française, issue de Louis, duc de Bourgogne, dauphin de Viennois et petit-fils aussi de Louis XIV, à la mort de Henri V, comte de Chambord, le 24 août 1883.

Son chef de nom et d’armes est aujourd’hui Monseigneur Louis-Alphonse de Bourbon (né le 25 avril 1974, soit 760 ans jour pour jour après Saint-Louis), second fils du prince Alphonse, duc d’Anjou et de Cadix, décédé en 1989, qui était lui-même le fils aîné du prince Jacques-Henri, duc d’Anjou et de Ségovie (décédé en 1975) dont le père n’était autre que le dernier roi d’Espagne avant la guerre civile, Alphonse XIII. Jusqu’à la disparition du dernier représentant de la branche aînée espagnole, dite carliste, en 1936 (qui avait relevé les pleines armes de France après la mort du comte de Chambord), Alphonse XIII portait ce que l’on appelle “les petites armes d’Espagne” (écartelé de Castille, de Leon, d’Aragon et de Navarre, enté en pointe de Granade) avec, sur le tout, un écusson d’azur à trois fleurs de lys d’or, à la bordure de gueules (d’Anjou moderne, issu de Philippe V).

(Armoiries d’Alphonse XIII, avant 1936 – dessin Arnaud Bunel)

Après 1936, Alphonse XIII, devenu le nouveau chef de nom et d’armes de la maison de Bourbon, retira la bordure de gueules ainsi que le permettent les règles héraldiques. Il porta donc les pleines armes de France sur le tout de ses armes d’Espagne.

(Et après 1936)

Son fils aîné Jacques-Henri, duc d’Anjou et de Ségovie, qui avait renoncé au trône d’Espagne pour des raisons de santé, choisit une composition différente (officiellement réglée en 1969) et porta un écu parti de France et d’Espagne, timbré de la couronne royale de France (fermée et fleurdelisée), entouré des colliers de la Toison d’or, de Saint-Michel et du Saint-Esprit (par ordre d’ancienneté), tenu par deux anges en robe blanche, aux ailes multicolores et surmonté d’un sacré-cœur de Jésus de gueules navré d’or au centre d’un cœur de Marie d’azur dont il est séparé par un filet d’or, ensemble placé sur un soleil d’or à 12 rais droits et 12 rais ondés.

Le prince Alphonse, duc d’Anjou et de Cadix, porta les mêmes armes que son père mais son secrétariat n’utilisait en réalité qu’un écu d’azur à trois fleurs de lys d’or avec couronne royale française et colliers des ordres de Saint-Michel et du Saint-Esprit (donc sans armoiries d’Espagne).

Ce sont aujourd’hui les armoiries de Monseigneur le prince Louis-Alphonse de Bourbon, duc d’Anjou, ou pleines armes de France.

Les règles en la matière sont formelles : nul n’est autorisé, en dehors de lui, à les porter sauf à devenir, en droit, un usurpateur. Le problème s’est d’ailleurs posé lorsque le prince Henri d’Orléans, alors comte de Clermont, intenta un procès au prince Alphonse, duc d’Anjou et de Cadix, devant le Tribunal de grande instance de Paris au motif de lui faire interdire de porter le titre de duc d’Anjou et les pleines armes de France. Le jugement fut rendu le 21 décembre 1988 et le prince Henri d’Orléans fut débouté de sa requête, le Tribunal précisant que ni lui ni sa famille ne pouvaient établir qu’ils possédaient un droit sur le titre de duc d’Anjou, pas plus qu’ils ne pouvaient faire interdire le port des pleines armes de France à la branche aînée des Bourbon (rappelant en passant que, conformément à l’usage dans les branches cadettes, la famille d’Orléans avait toujours porté, même au temps du roi Louis-Philippe, les armes de France brisées d’un lambel d’argent).

Fort mécontent de cette décision rendu au nom du peuple français, le prince Henri d’Orléans en fit appel devant la Cour d’Appel de Paris. L’arrêt de la Cour (22 novembre 1989) fut identique.

De guerre las, le prince Henri d’Orléans renonça à se pourvoir en cassation. En d’autres termes, l’héraldique avait eu raison de prétentions dynastiques infondées et de “séquelles d’un conformisme de salon” puisque, comme le rappelait Hervé Pinoteau : “Hors de toute réclamation d’un trône, de toute affirmation politique, le chef de maison s’est donc vu reconnaître la possession d’un signe relatif à une tradition multiséculaire, celle qui va du baptême de Clovis à la prise d’Alger”.

Disons un mot cependant du titre de duc d’Anjou. Le prince Jacques-Henri de Bourbon, fils aîné du roi Alphonse XIII et grand-père de Monseigneur le prince Louis-Alphonse, fut le premier à relever ce titre, en mars 1946, après qu’il eut été épisodiquement utilisé par quelques princes de la ligne carliste et à l’instigation des milieux traditionalistes et légitimistes français. Son fils aîné, le prince Alphonse de Bourbon, déjà duc de Cadix (décret du chef de l’Etat espagnol du 22 novembre 1972), releva le titre de duc d’Anjou après la mort de son père, le 3 août 1975. En vérité, le titre de duc d’Anjou qui avait été attribué par Louis XIV à Philippe de France, deuxième fils du Grand Dauphin (après Bourgogne et avant Berry), est un titre de cadet. Il revint à la couronne en 1700, après que le duc d’Anjou fut devenu roi d’Espagne sous le nom de Philippe V. Il fut d’ailleurs attribué au futur Louis XV, avant qu’il ne devienne dauphin (1710-1712) puis à un fils de celui-ci qui mourut très jeune (1730-1733). Le futur Louis XVIII, d’abord titré comte de Provence, reçut plus tard (1771) le titre de duc d’Anjou qui fit de nouveau retour à la couronne en 1795 lorsque Louis XVIII, alors en exil, succéda à son neveu Louis XVII, mort au Temple. Ce titre n’a donc pu être transmis par Philippe V à sa descendance mais, étant de fait revenu à la couronne dans sa branche aînée, il fut repris par la ligne traditionaliste espagnole comme rappelant le roi Philippe V. Il ne s’agit donc que d’un titre de courtoisie ou d’attente. En revanche, il est clair et indiscutable en droit que l’attribution de quelque titre que ce soit appartenant à la couronne ne peut relever que du chef de maison et, en aucun cas, d’un autre prince, fut-il regardé comme prétendant par certains. La désignation du prince Charles-Philippe d’Orléans comme duc d’Anjou par son oncle le prince Henri d’Orléans, comte de Paris, (8 décembre 2004) n’est donc pas recevable.

Monseigneur le prince Louis-Alphonse de Bourbon a épousé le 6 novembre 2004 Maria-Margarita Vargas y Santaella (née le 21 octobre 1983). Selon la tradition héraldique, toutes les princesses épouses de capétiens portent les armes de leur époux auxquelles elles peuvent associer les leurs. Aucun règlement spécifique d’armoiries ne semble intervenu publiquement en ce qui concerne la princesse Marie-Marguerite mais nous pouvons simplement noter que les Vargas portent, tant dans leurs branches d’Espagne que dans celles d’Amérique latine, un écu d’argent à trois faces ondées d’azur.

Le prince Louis-Alphonse et la princesse Marie-Marguerite de Bourbon ont eu une fille, la princesse Eugénie (prénom de l’épouse du roi Alphonse XIII), née le 5 mars 2007 puis deux garçons jumeaux, nés le 28 mai 2010. Le premier de ces fils, le prince Louis, dauphin de France (ou de Viennois selon l’antique usage), a été titré duc de Bourgogne. Le second, le prince Alphonse, a été titré duc de Berry. Le choix de ces titres est particulièrement significatif. En effet, celui de duc de Bourgogne revient traditionnellement au dauphin de France ou à son fils aîné depuis 1682 (ce fut le cas de l’aîné des enfants du Grand dauphin -frère aîné de Philippe V d’Espagne- puis de l’aîné des enfants de Louis XVI, Louis-Joseph-Xavier). Le titre de duc de Berry est titre de cadet, comme le fut Charles, troisième fils du Grand dauphin et Charles-Ferdinand, fils du roi Charles X et père du comte de Chambord. Un règlement d’armoiries est intervenu pour ces deux jeunes princes.

Le prince Louis de Bourbon, duc de Bourgogne, porte désormais et comme tous les dauphins de France avant lui, un écu écartelé, aux 1 et 4 d’azur à trois fleurs de lys d’or, aux 2 et 3 d’or au dauphin d’azur, crêté, oreillé et barbeté de gueules, autrement dit : écartelé de France et du Dauphiné de Viennois.  Il faut y ajouter la couronne delphinale (fermée par 4 dauphins), les colliers des ordres et les anges déjà décrits. Rappelons que cette disposition héraldique remonte au traité de Villeneuve-les-Avignon entre le roi Philippe VI de Valois et Humbert II de la Tour du Pin, dauphin de Viennois, signé le 23 février 1343 et attribuant le Dauphiné de Viennois, alors fief de l’Empire, au fils aîné du roi. Le premier dauphin de France fut le fils aîné de Jean II le bon, le futur Charles V.

Le prince Alphonse de Bourbon, duc de Berry, porte d’azur à trois fleurs de lys d’or, à la bordure crénelée de gueules. En effet, à partir de Louis XV les fils et petits-fils de France ont d’abord écartelé de France et de leur apanage avant de prendre une bordure de gueules modifiée (la bordure de gueules d’Anjou étant utilisée par les Bourbons d’Espagne, de Sicile et de Parme), dentelée ou crénelée. Ce fut le cas du comte d’Artois et de son fils cadet François-Ferdinand puis du duc de Bordeaux, futur comte de Chambord. La boucle est bouclée…

Notons à ce propos que les brisures des capétiens directs comme celles des Valois et des premiers Bourbons furent nombreuses et, pour certains, complexes. Un excellent résumé en est fait dans un ouvrage d’Ottfried Neubecker intitulé “Le grand livre de l’Héraldique” (1). Mais à partir de Louis XIII le système fut très nettement et judicieusement simplifié : seuls ont subsisté la bordure de gueules dont nous venons de parler et le lambel d’argent dont nous reparlerons. La première fut la brisure de la branche aînée de Bourbon (avec ses éventuelles sur-brisures), le second celle de la branche cadette d’Orléans. Un exemple particulièrement démonstratif peut en être donné avec les armoiries du frère cadet du prince Alphonse de Bourbon, duc d’Anjou et de Cadix. Ce prince, prénommé Charles-Gonzalve (né le 5 juin 1937 et mort le  27 mai 2000, sans enfant), fut titré duc d’Aquitaine par son père le 21 septembre 1972. Il porta alors un écu écartelé, aux 1 et 4 d’azur à trois fleurs de lys d’or, à la bordure engrêlée (ligne de bordure découpée en petites dents arrondies, les pointes dirigées vers l’extérieur) de gueules, aux 2 et 3 de gueules au léopard d’or, armé et lampassé d’azur. L’écu est timbré de la couronne ouverte à 8 fleurs de lys (des fils de France), entourée des colliers des ordres et tenu par deux anges. Dans cet écu, la bordure engrêlée des 1er et 4ème quartiers ne figure pas les armes de la province du Berry, comme certains pourraient le penser ; elle est une sur-brisure de la bordure d’Anjou (dite de Bourbon en Espagne). En quelques signes tout est dit !

En marge de l’héraldique proprement dite, c’est-à-dire des armes des princes de la première branche de la maison de Bourbon, il nous faut faire un bref rappel des ordres de chevalerie (dits ordres du Roi) qui leurs sont associés.

Le premier est l’ordre de Saint-Michel (dit autrefois “ordre et aimable compagnie de monsieur Saint-Michel”), fondé par le roi Louis XI en 1469, en réplique à la Toison d’or des ducs capétiens de Bourgogne. Illustre à ses débuts, Saint-Michel a fini par souffrir de son effacement à la fin du XVIème siècle derrière l’ordre du Saint-Esprit (dit autrefois “ordre et milice du benoît Saint-Esprit”), fondé par le roi Henri III en 1578 et dont le prestige ne cessa de grandir avec le temps. Il est vrai que les règles d’attribution du premier furent très tôt assez anarchiques alors que celles du second restèrent très strictes. Dès le XVIIIème siècle, Saint-Michel devint un simple ordre de Mérite. Quoi qu’il en soit, le roi de France se titrait chef et souverain grand-maître des ordres de Saint-Michel et du Saint-Esprit, Saint-Michel passant toujours en premier comme étant le plus ancien. Les chevaliers du Saint-Esprit devaient d’ailleurs, avant de recevoir celui-ci, être reçus chevaliers de Saint-Michel (d’où le titre de “chevaliers des ordres du Roi“). Le roi, comme les chevaliers, devaient également placer le collier de Saint-Michel au plus près de l’écu et celui du Saint-Esprit à l’extérieur. C’est ainsi d’ailleurs qu’ils figurent autour des armoiries que nous venons de décrire. A ce jour le chef et souverain grand-maître des ordres est Monseigneur le prince Louis-Alphonse de Bourbon, comme aîné de tous les capétiens et chef de la maison de Bourbon.

Jean-Yves Pons

Une réflexion sur “L’héraldique capétienne : la branche aînée de la maison de Bourbon (1ère partie)

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