Idées

Lettre d’un émigré. La culture cow-boy, la culture révolutionnaire et la culture traditionnelle

Certains traits intéressants, composant chacun une certaine culture, peuvent ressortir de la contemplation attentive des groupements d’hommes qui travaillent, nommés communément entreprises,  dans trois pays différents que sont les États-Unis, la France et le Japon.  Trois cultures d’entreprise qui dessinent dans chacun de ces pays une conception différente de la société. Les réalités particulières peuvent contredire le schéma que je me propose de composer, la réalité étant toujours mixte, mais les traits généraux ressortent néanmoins, et peuvent servir de critères, voire de caractères, plus ou moins prononcés et applicables dans chaque cas particulier.

Le premier caractère serait celui des entreprises américaines, dont le premier objectif serait de faire du fric, qui devient l’équivalent numérique du talent, de la réussite et de l’excellence, dans un individualisme affirmé et assumé. Cette culture cow-boy est quelque peu barbare, et dessine une sorte de féodalité sans structure verticale, un corps sans os qui se développe dans tous les sens, absorbe les coups facilement, mais reste inconsistant et sans cohérence. Dans ce monde assumé de réussite individuelle, il est admis que le bon réussisse et le mauvais soit viré. L’entreprise américaine promeut rapidement les talents et exclut tout aussi rapidement les inadaptés à la compétition. La vie est dure, mais comme cette loi de la jungle est assumée, les défaits et les petits vivotent, chacun tenu par le désir de réussir, et assuré que, s’ils n’ont pas le talent, du moins, seule leur vie deviendra dure, mais ils ne seront pas non plus méprisés pour ce qu’ils sont. Ce caractère individualiste et révolutionnaire, mais sans ossature que seule la longue histoire peut donner, uniformise les comportements dans l’entreprise, mais exclut une bonne partie de gens moyens, qui n’ont plus qu’à survivre, laissés pour compte et devant se débrouiller. Cette marge qui évolue assez librement, telle des électrons libres, qui peuvent se défendre avec des armes, et possèdent leur terre complétement, joue contre l’élément socialiste totalitaire qui se remarque dans nos sociétés européennes possédant une histoire, donc une ossature solide.

Le second caractère serait celui de trop d’entreprises françaises, sorte de goulag d’un nouveau genre, alliant l’étroite définition individualiste et pécuniaire américaine, avec un idéal inversé et pervers provenant de la révolution et de sa démesure sans limite. Ici, la société use encore et terriblement des formes traditionnelles qui ont perdu tout leur esprit premier et ne sont plus que des outils de malheur : une hiérarchie de fer sans aucune tendresse ni sollicitude, des classes multiples qui, comme dans la plus pure réalisation des théories marxistes – et là est le drame-, s’exploitent les unes et les autres, se détestent et s’opposent, avec du mépris et de l’envie à tous les niveaux, et cela de façon toujours plus prononcée à mesure que l’on se rapproche du centre révolutionnaire parisien. L’ossature solide issue des âges, et la belle figure des anciens temps, bien amochis par les derniers siècles, pourraient  se reconnaître entre les rides et les miasmes nocifs de la république, à y regarder de près et en détails, mais l’esprit est trop souvent mort. L’ancienne ossature, et la belle constitution de notre royaume sont manipulées par une tête corrompue qui insuffle partout le diable, la démesure et ses folies. Ici socialisme et totalitarisme sont proches, car, à la différence de l’outre-Atlantique où tout est mou et sans formes ni idées, la carcasse sans âme ici contraint, et possède encore la trop grande efficacité d’une tradition pervertie. La diversité et la spontanéité sont autrement plus difficiles que là-bas, puisque tout est figé, ainsi que la féodalisation de la société, empêché par l’assistanat et la police idéologie et légale, féodalisation qui  permettrait au moins à certaines parties de rester saine – seules quelques poches, quelques bulles, parviennent à s’extraire des  étaux et maintenir leur liberté. Un symptôme flagrant de ce caractère révolutionnaire est que, à la différence de l’Outre-Atlantique, les inadaptés de la folie individualiste et quantitative de la recherche à tout prix –c’est le cas de le dire- des profits démesurés ne sont pas comme là-bas laissés à leur sort, à moitié crevés dans les cas où les liens ne sont pas là pour aider, mais sont assistés, les enclavant et les enfermant dans une situation d’avilissement bien pire encore que la pauvreté, de laquelle  rien de bon ne sort, dans laquelle le lien s’atrophie, dans laquelle le diable use du confort, du laxisme, du laisser-aller pour corrompre profondément les cœurs et détruire les volontés. La charité se fait inverser par le diable en solidarité. Les esclaves d’entreprise sont tout aussi mal lotis, dans un asservissement aussi peu glorieux que celui des assistés, à la merci du haut despote, dans une compétition larvée et sans fins et des mépris croisés incessants. Le haut despote lui-même est un avili esclave, et plus personne dans ce cercle infernal ne peut être libre, chacun étant esclave des autres et de la logique révolutionnaire.

Le dernier caractère, qui s’approche de nos anciennes corporations, concerne les entreprises nipponnes, qui, dans la pratique, restent des sociétés féodales assez indépendantes où les liens restent traditionnels. Ici, l’entreprise-corporation est dirigée vers les hommes, et admet inconsciemment la transcendance, l’au-delà, l’œuvre derrière le travail – en témoignent les sanctuaires d’usine, les autels pour les morts illustres de l’entreprise, etc. C’est une grande famille, où il ne saurait être question d’exclure certains, puisque le lien familial ne peut se rompre. Les forts restent humbles, et usent de leur force pour aider le faible. Ainsi, un excellent élève progressera en entreprises bien plus lentement que son alter-ego américain et français, mais le laisser-pour compte américain ou l’assisté français est ici un travailleur comme un autre, qui a sa place, et qui peut ainsi vivre sa vie sans mépris, sans être coincé dans un mauvais lien, ou pire, se retrouver sans lien, mais pouvant cultiver le bon lien, en réalisant des œuvres tout aussi estimables que d’autres, bien que leur nature soit parfois différentes peut-être, et rarement quantitavisable. Le résultat de ce caractère traditionnel donne une société plus harmonieuse, où le lien de la famille corporative permet de renforcer et soutenir les autres liens – de famille, de la terre, du pays, de la nation, etc.

Outre-Atlantique, un amas informe sans ossature, en Europe, une carcasse pourrissante sans Roi, à l’Extrême Est un corps à la constitution, certes affaibli, mais encore solide, avec une belle figure de Roi qui relie au divin, tire vers la bonne direction et permet au corps de se défendre contre les exhalaisons méphitiques révolutionnaires.

Heureusement, cette carcasse penaude possède encore sa tête et ne demande que sa restauration par le sacre qui le reliera à son corps. De plus, nous tous, partie de ce corps, pouvons-nous relier à la tête, et ouvrir des foyers de sainteté dans le corps pour préparer une fusion nouvelle harmonieuse. La constitution d’un pays comme un corps est une métaphore intéressante mais a ceci d’insuffisant qu’elle oublie que chaque personne est entière et peut en elle-même se relier au Roi et à Dieu sans attendre le reste des entiers.

Que la multitude d’entiers composant notre France prenne conscience et se tourne vers sa tête, et demande son Sacre pour enfin réunir en volonté ce qui n’aurait jamais dû être éloigné – mais qui ne fut non séparé au fond puisque le Roi pense à la France, des Français pensent au Roi et le Roi en France ne meurt jamais – et nous relier ainsi au Ciel. De carcasse purulente, de République révolutionnaire, oui, notre beau pays peut se restaurer en belle figure divine et belle, la France royale, pléonasme fondateur.

Paul de Beaulias

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