Politique

Question de campagne : l’Education

Alléluia ! Ou plutôt : « Hosanna ! » – Carême oblige ! – clament haut et fort ceux d’entre nous qui se sont intéressés à la question de la réforme du collège qui est entrée en vigueur en septembre 2016.

En effet, à grand renfort de communication politique dont il a le secret, Emmanuel Macron se met en marche sur les plates-bandes de Najat Vallaud Belkacem et déclare vouloir rétablir les classes « bilangues », les classes européennes. Ceux d’entre nous qui sont enseignants aimeraient encore entendre annoncer la suppression des EPI, ces machines à brasser de l’air dont les effets sur les élèves sont, au mieux, nuls. Le candidat Macron semble prêt à opérer une révolution éducative et les professeurs, malgré les vacances scolaires, pousseraient presqu’un soupir d’aise et de soulagement.

Oui mais voilà.

Premièrement, s’il faut reparler de M. Macron, il faut au moins spécifier qu’il se distingue par sa capacité à dire à son interlocuteur ce qu’il souhaite entendre. Ainsi Macron est l’aboutissement le plus parfait qu’il m’ait été donné de voir de ce qu’est un démagogue. Ses annonces sur l’éducation sont une tentative de se concilier les votes des enseignants, corps non négligeable dans une élection qui risque d’ajouter à son illégitimité intrinsèque le scandale d’une abstention record !

Deuxièmement, il incite de se pencher sur notre système « d’éducation ».
Car enfin, quand les enquêtes PISA successives montrent une constante progression de l’élève France vers le plus parfait échec, la question n’est pas de savoir s’il faut réformer, mais comment et pourquoi !

En France, le temps de l’école est un temps d’éducation. Le mot a son importance : c’est devenu une banalité de le dire. Si le terme d’instruction sous-entend une forme d’objectivité et d’acquisition d’un savoir conçu comme neutre, l’éducation consiste, elle, en la transmission d’une morale et de manières d’être. L’objectif de l’Education nationale est premièrement de former des citoyens : les sites du gouvernement s’en font l’écho à pleines pages. Extrait : « des Français dans la transmission des savoirs, premier moyen de lutter contre l’obscurantisme et d’assurer la réussite de tous, mais aussi dans la transmission des valeurs de la République[1]. » Ou encore même la loi : « Outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission première à l’école de faire partager aux élèves les valeurs de la République. » On notera que si on utilise le mot « outre » on s’attendrait que la proposition subordonnée à cette principale soit « secondaire » et non pas première. Finesse des textes.

Dans un pays normalement constitué, quand la mission d’une institution d’instruction est de faire adhérer à une doctrine et une morale, on utilise le mot d’endoctrinement.

Or quand la mission première est d’endoctriner, comment pourrait-on croire qu’il soit possible de transmettre sereinement un contenu scientifique ? Une des raisons, pas l’unique, de l’échec de l’Education nationale, c’est qu’elle s’obsède à essayer de faire de ses enfants des républicains, c’est qu’elle permet aux idéologues de tous poils de faire de masses d’élèves des cibles à la diffusion d’un prêt-à-penser qui ne peut qu’annihiler l’esprit critique plutôt que le développer.

L’autre raison de l’échec de l’Education nationale dans son rôle premier d’instruction c’est ce que le candidat Fillon désigne sous le poétique vocable de « caste pédagogiste » :

« L’échec de l’école est lié à l’échec de l’apprentissage des fondamentaux. Ce n’est pas la faute des enseignants. C’est la faute d’une caste de pédagogues prétentieux qui ont imposé des programmes jargonnants et qui ont pris en otage nos enfants au nom d’une idéologie égalitariste. »

Là encore, M. Fillon serait crédible si, sous sa responsabilité de Premier ministre, l’Education nationale n’avait pas produit tout autant de stupidités « pédagogistes » que sous les ministères de Jospin. Sentant, lui aussi, la caste des professeurs s’énerver -à bon droit- de la vacuité de ses programmes qui s’enfoncent encore et toujours, le candidat essaye de voler au vent, ambition de feuille morte s’il en est. Les actions parlent pour les hommes, et celle de Fillon Premier ministre font son cercueil.

Ces pédagogistes, pourtant, existent. Ils sont ceux qui « proposent » avec toute la force de la hiérarchie aux enseignants de changer de méthode. Fini le cours magistral, bienvenu aux mis en activité : le savoir émane de l’élève comme dans la très funeste fiction de Rousseau, l’Emile.

Comme il s’agit de faire adhérer des enfants à une doctrine, il faut que ceux -ci ressentent et vivent les situations. Voilà venir les « jeux de rôles » et les « mise en situation », les « études de cas », les « mise en activités ». Ce qui ne peut être enseigné de cette manière, ou qui pourrait ennuyer l’élève, par exemple la chronologie ou la liste des os du corps humain, devient suspect de ne pas être digne d’être enseigné. Qu’importe, bon sang : ils sont citoyens !

Mais le premier devoir de l’Etat n’est-il pas d’assurer l’avenir du pays ? Que ferons-nous de ces générations de citoyens hors-sols faute de savoir qu’il en existe un ? Que ferons-nous de ces jeunes qui ne peuvent que très mal tenir un raisonnement (qu’il soit scientifique ou logique) correct, sans parler de présenter une argumentation digne de ce nom ?

Le prince disait si bien en 2000 devant l’IMB que « L’avenir est entre les mains des jeunes ».

En cela il rejoint les préoccupations de ces ancêtres et parents qui, à travers l’histoire de la monarchie montrèrent un vif intérêt pour l’instruction. Comme le Comte de Chambord qui déclarait le 30 janvier 1865 : « La Famille et l’Etat ont égal intérêt à ce que l’éducation à tous les degrés jouisse pleinement de l’indépendance qui lui est nécessaire pour former dans tous les rangs de la société d’honnêtes gens, des Français dévoués, de vrais chrétiens. »

Avant de conclure : « Mais il n’y a que la liberté qui puisse produire ces heureux résultats. […] Surtout préservons les classes populaires du joug tyrannique et de l’odieuse servitude de l’instruction obligatoire qui achèverait de ruiner l’autorité paternelle, et d’effacer les dernières traces du respect dans la famille et dans l’Etat. »

Quand on voit les efforts -heureusement contrariés- récemment déployés par Najat Vallaud Belkacem pour réduire la liberté d’enseignement[2], l’avertissement de Henri V devient plus urgent encore.

Oserons nous libérer l’enseignement ?

 

Roman Ungern

 

 

[1] http://www.education.gouv.fr/cid88749/l-ecole-ses-partenaires-mobilises-pour-les-valeurs-republique-synthese-des-assises.html

[2] https://www.contrepoints.org/2017/01/29/279331-conseil-constitutionnel-refuse-reformes-de-najat-vallaud-belkacem

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