Vie des royalistes

Les chiffres du monarchisme français

Le 30 août 2016, la chaîne d’information LCI (en partenariat avec BVA/ l’Alliance royale) a publié un sondage sur la possibilité d’un retour de la monarchie en France.  A l’heure où notre pays subit les assauts d’un communautarisme extrémiste et le retour d’un certain robespierrisme revisité et ultra-laïcard qui menacent de plonger l’hexagone dans la guerre civile, quelle est la réalité des chiffres du royalisme depuis la chute de la monarchie, il y a 168 ans ?

Si nos livres d’histoire actuels enterrent bien trop facilement le système monarchique après la chute de la monarchie de Juillet en 1848, laissant penser à nos chères têtes blondes que les rois ont disparu comme leur héritage politique, c’est nier totalement les réalités chiffrées de l’histoire du monarchisme français.  Depuis plusieurs décennies, divers historiens réhabilitent toute l’action politique, économique et sociale du comte de Chambord, Henri (V) d’Artois – ce dernier des Bourbons qui repose encore en terre étrangère conformément à son testament –comme celle de l’histoire du royalisme français.

Avec une majorité royaliste à l’Assemblée nationale après la chute du Second empire et l’accouchement d’une IIIe république sur les décombres fumants et sanglants de la Commune, la restauration de la monarchie en 1871 ne fait plus de doutes. Mais devant le refus du comte de Chambord de transiger à ses principes, « hérités d’Henri IV, François Ier et Jeannes d’Arc » dans la « célèbre affaire du drapeau blanc », celle-là finira par échouer. Un épisode qui demeure dans l’histoire du monarchisme français comme une blessure tragique et douloureuse qui se ressent encore de nos jours. La représentation monarchiste au parlement va décroitre progressivement pour pratiquement disparaître dans les années 1930 et se fondre dans les partis républicains conservateurs, ou rester localement implantée dans les campagnes. Le monarchisme divisé tant sur la doctrine à adopter que sur le plan dynastique (entre une branche aînée aux accents étrangers et une autre entachée d’un régicide), c’est finalement la très orléaniste Action française (AF) de Charles Maurras qui s’impose dans ce combat politique et intellectuel pour pérenniser l’idée royale et porter son essence nationale à son firmament. Du mouvement des Jeunesses royalistes à l’Action française qui s’en voulait une héritière directe, en passant par celui du légitimisme (qui finira par s’étioler au cours de la première moitié du siècle précédent, faute de princes, plus impliqués à recouvrer un trône espagnol que celui de France qu’ils jugeaient trop hypothétique), les royalistes toutes tendances confondues occupent le pavé et obtiennent des élus tant à l’assemblée (l’AF enverra 17 députés [élus ou apparentés] lors de la chambre dite Horizon bleue) que dans les mairies. Point d’orgue de ce bouillon royaliste : la journée du 6 février 1934 qui, sans l’indécision de Maurras et le manque d’unité des différentes ligues, aurait certainement permis d’écrire le destin monarchique de la France autrement.

La seconde moitié du XXe siècle ne fait pas disparaitre pour autant le royalisme ni les prétendants au trône en dépit des soubresauts de la seconde guerre mondiale. Les premiers résistants au nazisme sont royalistes, alors que les communistes collaborent déjà avec parcimonie avec l’ennemi et que l’armée française est en déroute. La république, dans un beau mensonge d’Etat, se targuera du contraire, préférant montrer une certaine adhésion des monarchistes aux thèses de Vichy, puisqu’il est vrai aussi que de nombreux cadres de l’AF participeront au gouvernement du Maréchal Pétain,  cette « divine surprise » du germanophobe Maurras.  Le comte de Paris, Henri d’Orléans, occupe l’espace de la prétention dynastique, est de tous les complots, et ne ménage pas ses efforts pour recouvrer un trône dont il estime être le légataire. On le trouve en 1942 à Alger où il tente en vain de se faire reconnaître, après l’assassinat de l’Amiral Darlan, le dauphin du Maréchal, ou encore dans la première décennie des années 1960 auprès du général de Gaulle, qui ne cache plus ses intentions de le préparer à sa succession. Les journaux de l’époque, comme l’Express (pour ne citer que lui), en font d’ailleurs de fréquentes « headlines ». Le Vatican lui-même est sondé sur la question.

Puis vient l’heure des désillusions du gaullisme qu’un mitterrandisme efface pendant un temps avec le millénaire capétien (1987) et le bicentenaire de la mort de Louis XVI (1993), des évènements médiatisés qui rassemblent à chaque fois des milliers de personnes. La résurgence politique du (néo)-légitimisme, avec un Institut de la Maison de Bourbon auquel donne toute sa vigueur le duc d’Anjou et de Cadix, Alphonse de Bourbon, coïncide également  avec celle de l’Action française-Restauration nationale qui se fera remarquer lors des fêtes de Jeanne d’Arc (interdites par le gouvernement socialiste de l’époque), dans la plus  grande tradition des camelots du roi. Du combat pour le maintien de l’Algérie française au rejet de la construction européenne, les monarchistes, comme les deux prétendants, occupent encore tous les fronts politiques sans que ne leur soient consacrés des reportages sérieux. La presse-papier préfère ignorer leurs actions et évoque, à peine et dans un certain mépris, ces « nostalgiques folkloriques de l’ancien régime ».

Dans les années 1990, alors que la  Ve république monarchique commence à montrer des signes d’essoufflement, 80 % des Français rejettent pourtant toute idée de retour à la monarchie. Entre image désastreuse des conflits familiaux chez les Orléans et les caricatures du genre sur lesquelles flirtent allégrement les médias, les nombreuses scissions à l’AF et l’ultra-légitimisme affiché de certains, les chances de restauration de la monarchie sont alors quasi nulles. Les quelques chiffres mis à la disposition des uns et des autres ne montrent approximativement que 10 % d’adhésion à l’idée de restauration. Et pourtant, le royalisme avait depuis longtemps fait sa mue et certains, comme la Nouvelle action royaliste, avaient entamé une campagne de modernisation de l’idée royale pour tenter de la porter vers la magistrature suprême en 1974, avec les résultats modestes que l’on connaît. Il faut attendre 2007 pour qu’un sondage BVA (auprès d’un échantillonnage de 956 personnes interrogées) donne une première photo du monarchisme français au XXIe siècle. Seuls 17%  se déclarent plutôt ou tout à fait favorables au retour d’un roi quand 20 % d’entre eux affirment peut-être ou certainement déposer un bulletin en faveur d’un candidat royaliste lors de l’élection présidentielle.

L’Alliance royale (AR), nouvelle venue sur la scène politique « royco » entend alors à son tour porter la voix du roi sur le vaste échiquier républicain en faisant fi de la querelle dynastique. Mais en dépit d’une bonne médiatisation plus ou moins partisane, le mouvement, en 15 ans d’existence, finit par entamer un lent déclin pour sembler ne plus être qu’un groupuscule inaudible. Faute d’avoir un leader politique de talent, l’AR est devenue peu à peu absente du débat politique français pour laisser à l’Action française une place de quasi leadership dans le monarchisme français, et que pourrait lui envier le légitimisme actuel qui ne présente aucune capacité militante équivalente.

Si les chiffres annoncés étaient de prime à bord optimistes, ils contrastent avec ceux qui suivent : 72 % des Français interrogés sont également persuadés que le retour de la monarchie peut atteindre aux libertés individuelles et 69 % à l’image de la nation. Les royalistes sont visiblement victimes de cette image d’extrême-droite, à laquelle ils sont liés dans l’inconscient collectif général.

L’année 2009 apporte son lot de surprises. Dans une nouvelle enquête interne établie par l’équipe de SYLM (Support Your Local Monarch), mise en sommeil depuis peu, les chiffres montrent que l’attrait du monarchisme parmi la jeunesse, qui cherche de plus en plus ses repères, sont indéniables. Avec 14 % de participation  pour les 16/35 ans et 25 % pour les 35/55 ans, ce sont les sempiternelles caricatures distillées par la presse nationale qui en prennent un coup. Le monarchisme au XXIe siècle se veut résolument jeune. Majoritairement à droite (avec 22 % pour la droite classique et 12 % pour l’extrême-droite, contre 7 % à gauche), le royalisme est alors loin d’être aussi religieux et « ringard » que l’on tentait de le faire croire aux Français. Si 49 % des sondés se déclarent catholiques, 21 % d’entre eux se veulent agnostiques et 12 % très traditionnalistes, rejetant Vatican II. Et loin des guerres d’ego qui agitent le microcosme royaliste, 31 % des monarchistes appellent à une immédiate et complète refonte du monachisme quand 19 % souhaitent que la question du prétendant ne soit plus la priorité. C’est d’ailleurs dans ce contexte qu’ont lieu en 2011 les premières et uniques assises du monarchisme, qui devaient accoucher d’un projet monarchique minimum commun, et qui se sont avérées être un échec face aux différents mouvements qui ont chacun tenté de s’arroger le leadership virtuel des assises.

L’accession au pouvoir d’un gouvernement socialiste en 2012 cristallise en peu de mois une opposition contre lui et permet au monarchisme de faire entendre de nouveau sa voix au plus fort des manifestations. De celles contre le mariage pour tous, condamné à l’unisson par les deux prétendants, aux symboliques « bonnets rouges », le monarchisme est désormais de nouveau cette force qui ne demandait qu’à émerger totalement dans l’espace politique français. Un tiers des Français selon le sondage de LCI estime aujourd’hui que la présence d’un souverain au sommet de l’Etat serait bénéfique (soit 39 % des 1099 personnes sondées) et affirmerait la stabilité du gouvernement dans le temps (soit 37 %). Une progression de plus de 10 % par rapport à 2007. 31% des Français vont même à dire que l’image d’un monarque serait plus profitable à la France que celle d’un président de la république (qui souffre d’une très faible popularité avec à peine 14 % de satisfaits). L’augmentation du communautarisme religieux comme la multiplication des attentats islamistes sur le territoire, qui lui est indubitablement liée, le problème croissant du nombre de chômeurs et la perte totale d’identité culturelle sacrifiée au nom d’une certaine dictature de la pensée sur fond de crise économique et de pression de lobbies en tout genre, ont provoqué une sérieuse défiance des Français contre le gouvernement actuel et créé une fracture profonde dont la société française peine à se relever. Si près d’un électeur sur trois (soit 29 %) se déclare prêt à voter pour un candidat royaliste et si ces chiffres sont une preuve en soi que même hors du trône séculaire, la dynastie royale de France, quelle que soit sa branche, demeure à travers le temps l’incarnation d’une légitimité pour les français, l’absence actuelle de tout programme et d’unité politique communs aux royalistes rendent ce dernier chiffre pour le moins sujet à caution. Les divisions dynastiques, savamment entretenues par les conseillers respectifs des prétendants au trône, ne permettent toujours pas aux monarchistes d’espérer une nouvelle fusion en dépit des relations excellentes qu’entretiendraient le duc de Vendôme, Jean d’Orléans et son cousin Louis-Alphonse de Bourbon, duc d’Anjou. Ce dernier bénéficie d’une image plus favorable auprès d’une jeunesse monarchiste qui apprécie l’image de famille stable et traditionnelle qu’il présente face aux Orléans dont les dissensions familiales et auto-dynastiques ne cessent d’alimenter les chroniques de la presse people.

Mais faute d’implication des deux prétendants dans le débat politique (qui les rendent inconnus du grand public)comme de l’émergence d’un leader charismatique qui serait capable de répondre aux attentes de ses concitoyens et de leur offrir un visage à la fois ancré dans la modernité et dans son socle traditionnel, en dépit d’une machine militante forte et présente comme le montre depuis 20 ans les commémorations du 21 janvier, d’une presse qui semble désormais s’intéresser à son combat politique,  le royalisme Français semble toujours être condamné à s’accrocher aux haillons de partis républicains dont les têtes pensantes lui laissent miroiter à chaque élection présidentielle de vaines promesses par des déclarations grandiloquentes ici et là, en échange de leurs votes. Et pourtant aucun d’entre eux n’a pris la peine d’inscrire dans son programme, la question de la restauration de la monarchie.

Charles-Maurice de Talleyrand avait écrit qu’ « à force de murmurer le nom du roi, naîtrait l’espoir du roi puis la nécessité du roi et enfin la renaissance de la royauté ». Oserions-nous ajouter que l’unité du monarchisme achèverait d’en faire une alternative et une force politique crédible aux maux qui traversent la France aujourd’hui et permettrait aux lys de France de refleurir.

Frederic de Natal

Sources :

Sondage LCI : http://www.lci.fr/politique/pres-d-un-francais-sur-trois-prets-a-voter-pour-un-candidat-royaliste-2000674.html

Le monarchisme en France en 2015, collection « Les entretiens de la Conférence monarchiste internationale »

Le royalisme en France, état des lieux, Edition SYLM 2009

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