Vie des royalistes

[Exclusif] Jacques Charles-Gaffiot raconte la Couronne d’épines avec passion!

Le mois dernier, c’est un homme atypique et autodidacte, spécialiste de l’imagerie royale que Vexilla Galliae a rencontré en la personne du baron Pinoteau. Son successeur, tout aussi atypique et autodidacte est quant à lui une autorité dans le domaine des arts religieux. Car si la foi déplace les montagnes, Jacques Charles-Gaffiot déplace les trônes, les textes sacrés et d’insignes trésors qu’il parvient à réunir en d’exceptionnelles monstrations internationales, présentées aux communautés des fidèles, des curieux, des touristes et des esthètes, comme au château de Versailles en 2013 (Trésor du Saint Sépulcre – Présents des cours royales européennes à Jérusalem). Mais ce pèlerin reçu au Vatican comme dans de confidentiels monastères échange parfois son bâton contre une plume pour nous transmettre ce qu’il a contemplé (contemplata aliis tradere).

 Son dernier opus, Une passion française – La Couronne d’épines (Les Editions du Cerf, 2014), préfacé par Monseigneur Patrick Jacquin et dédié à “M. l’abbé Chritian-Philippe Chanut” relate avec minutie l’histoire de cet arma Christi (pas) tout droit venu d’Orient, là où le 12 avril nos frères chrétiens fêtent Pâques, enfin ceux qui ne sont pas encore massacrés…

Alphée Prisme

 Vexilla Galliae : Dans cette chronologie très détaillée et référencée que vous établissez dans Une passion française – la Couronne d’épines, quelles sont les dates charnières et les lieux clefs que vous retiendriez de l’itinéraire de la sainte Couronne, depuis son invention en Orient jusqu’à sa susception actuelle en Occident?

 Jacques Charles-Gaffiot : La date de 409 est bien sûr particulièrement importante puisqu’elle fait référence au premier témoignage écrit de l’existence de la couronne d’épines. Mais, comme j’ai tenté de le montrer, ce texte, rédigé par saint Paulin de Nole, constitue sans doute l’aboutissement d’une tradition orale plus ancienne qu’il est possible de remonter au début de la seconde moitié du IVe siècle, c’est à dire à l’époque où réapparaissent dans la chrétienté les reliques dominicales, comme par exemple le suaire. 

 V. G. : Vous expliquez que “la fascination exercée en Occident par la Couronne d’épines manifeste la volonté inopinée de s’approcher d’une compréhension portant sur les fondements du principe de légitimité et les modes d’exercice du pouvoir”. Est-ce à dire que depuis la Révolution française, depuis que les lilia ne fleurissent plus inter spinae, la France est comme perdue, au milieu des vicissitudes?

 J. C.-G. : Le désir de saint Louis d’asseoir en quelque sorte la monarchie française sur les principes évangéliques pour affirmer sa légitimité, établissant ainsi la plus proche ressemblance possible entre la cité terrestre et la cité céleste est une tentative qui a connu au fil de l’histoire bien des revers. Mais il n’en reste pas moins vrai que ce mode de gouvernement idéal dans son principe, par-delà huit siècles, réussit encore à imprégner l’ordre juridique de notre société contemporaine. Les légistes de l’époque de saint Louis ont contribué à jeter les bases de principes universels qui se sont perpétués dans notre pays avant d’être adoptés par le monde d’aujourd’hui. 
 Comme à l’époque de Louis IX, les gouvernants actuels ne sauraient renoncer totalement à chercher à imiter cette figure idéale. Certes, ils n’en n’ont souvent guère conscience mais les peuples qu’ils dirigent attendent toujours de leur part d’être des garants efficaces de la justice et de la paix. 

 V. G. : En vous lisant, on se rend peu à peu compte que le vrai miracle tient dans la survivance concrète de ce “diadème de dérision”, pourtant jalousement gardé, échangé, caché, balloté, objet de convoitise et caution d’impécunieux royaumes terrestres, mais toujours là, parmi nous, après deux millénaires. Comment l’expliqueriez-vous?

 J. C.-G. : Il en va ainsi pour toutes ces reliques dites “dominicales”, c’est à dire rattachées directement à la personne de Jésus. Notre époque, à la suite de Luther et des “Lumières” voudrait que le culte des reliques soit l’unique expression de la superstition. Bien sûr certaines d’entre elles ne présentent nulle trace d’authenticité, cela va sans dire. Mais, dans le contexte de l’incarnation du Verbe, ce qui motive ces dévotions est davantage l’expression d’un esprit critique, qui se développe au lendemain même de la mort de Jésus, de sa résurrection ou de la Pentecôte, et qui détermine les premiers chrétiens, puisque tout fait de l’histoire laisse des traces, d’aller à la recherche de celles-ci pour mieux comprendre les faits. 

 V. G. : Vous n’êtes pas tendre avec les croisés que vous qualifiez de “barons de l’Occident dévoyés, belliqueux et querelleurs”. Les barons de l’Orient ne l’étaient-il pas tout autant, à en juger par le nombre de morts aussi bien chez les agresseurs que chez les agressés?

 J. C.-G. : En s’emparant de Constantinople dans le seul but de s’emparer des trésors accumulés dans l’antique capitale byzantine, les barons d’Occident ont obéi à une cupidité très éloignée des motifs qui avaient présidé à l’organisation de la croisade. Cette erreur sera fatale. L’empire latin sera bien éphémère. La ville ne se relèvera jamais du désastre et pourra près de deux siècles plus tard tomber comme un fruit mûr sous le joug ottoman. Dans chaque conflit armé, des actes de barbarie peuvent être recensés des deux côtés des belligérants. Mais dans ce cas précis, les chevaliers des royaumes latins ont montré une cruauté et une convoitise bien peu excusable.

 V. G. : La France est-elle apparue comme universelle, à l’instar de la sainte Couronne, symbole de l’autorité divine, quand saint Louis l’acheta au XIIIe siècle, faisant, ainsi que vous l’écrivez, de “l’antique Lutèce à la fois Nouvelle Constantinople et Nouvelle Jérusalem“?

 J. C.-G. : Paris, “nouvelle Rome”, ou  nouvelle capitale de l’empire ou de l’univers chrétien est un rêve très ancien qui trouve déjà ses racines au milieu du IVe siècle lorsque l’empereur Julien dit l’Apostat vient prendre régulièrement à Lutèce ses quartiers d’hiver. La résidence impériale sur l’île de la Cité donnera naissance à un palais où viendront s’établir plus tard les premiers souverains. Le fils de Clovis, le roi Childebert, adoptera plus tard encore le plan des basiliques impériales à cinq nefs pour construire la cathédrale. 

 Saint Louis a naturellement conscience du geste symbolique qu’il accomplit. La couronne d’épines n’est pas déposée dans un des grands trésors ecclésiastiques de son royaume comme à Saint-Denis, mais dans le palais de la Cité.   

 V. G. : On peut lire sous votre plume qu’il revient à Louis XVI, “seul lecteur véritablement attentif du minutieux travail du chanoine Morant, d’avoir sauvé ce qui subsiste de nos jours de ces fabuleux trésors et d’avoir permis à la Couronne d’épines d’échapper à sa destruction inévitablement programmée”.

 Le Président de l’Association Louis XVI que vous êtes pense-t-il que ce roi de France, comme Celui de l’univers, a vaincu en tombant? Ne pourrait-on pas y voir un signe, celui d’une épreuve suprême que seule une France christique pourrait relever?

J. C.-G. : C’est une analogie qui peut être relevée. Celle-ci présente sans doute une valeur prophétique dont la portée ne peut être connue que du seul Maître des temps.

V. G. : Jean-Christian Petitfils, “convaincu de l’authenticité de la Couronne d’épines, jusqu’à preuve du contraire” déclarait sur les ondes d’Europe1 le vendredi 3 avril “qu’aucune expertise scientifique n’a été faite sur la Couronne d’épines” – ou plutôt son cercle de joncs. Puisque c’est un aspect que vous n’abordez pas dans votre passion française, peut-on vous demander s’il vous semblerait d’intérêt de solliciter la science afin qu’elle se penche sur cette relique, et n’en-a-t-il par ailleurs jamais été question?

J. C.-G. : A trop vouloir prouver, on risque d’occasionner de nouvelles polémiques entre les spécialistes comme on le constate autour de l’étude du Saint-Suaire ou de la Sainte Tunique d’Argenteuil. 

Jean-Christian Petitfils adopte, me semble-t-il, la bonne solution. Il appartient aux chercheurs, aux historiens d’apporter la preuve du contraire. En l’espèce des investigations scientifiques m’apparaitraient de surcroît très difficiles puisque dans cet “univers des reliques” il convient d’évoquer l’existence des “reliques de contact” qui permettent sans doute de comprendre la centaine de “saintes épines” conservées dans nombre de sanctuaires. 

Propos recueillis par Alphée Prisme

(L’iconographie, la nomenclature des saintes épines et des parcelles de la sainte Couronne ainsi que les illustrations en couleurs agrémentent les 150 pages d’Une passion française – La Couronne d’épines, parue aux Editions du Cerf en 2014)

 – A Paris, ce jeudi 16 avril, en partenariat avec Vexilla Galliae, Jacques Charles-Gaffiot présentera et dédicacera Une passion française – La Couronne d’épines lors d’une conférence organisée par Nicolas Chotard, chroniqueur pour Vexilla Galliae et Président de l’association Lys de France dont voici le lien vers le site, pour plus d’informations : Lys de France

 – Association Louis XVI, présidée par Jacques Charles-Gaffiot : Association Louis XVI

 – Page facebook de Jacques Charles-Gaffiot : Jacques-Charles-Gaffiot

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