Tribunes

La Monarchie héréditaire est-elle encore un régime d’actualité ?

A l’heure où la démocratie parlementaire, et plus particulièrement la République française, traverse une crise grave et profonde, à la fois en terme de légitimité politique et en terme d’efficacité économique, beaucoup se prennent à songer à d’autres formes de régimes politiques possible: dictature…, démocratie directe…, monarchie…? 

Ecartons tout de suite la dictature qui n’est pas un Etat de droit et qui ne repose que sur la force armée. Personne ne souhaite que la France retombe sous le joug d’un dictateur à la Mussolini !

La démocratie directe à la Suisse présente l’avantage immense de donner à la population un véritable contrôle de la situation politique, alors que la démocratie parlementaire est essentiellement un régime de confiscation du pouvoir par des oligarchies incapables et souvent corrompues. La difficulté est qu’à part la Suisse on a assez peu d’expérience de ce type de régime. En outre la Suisse a toujours été un petit Etat neutre, pacifique, à la population fortement homogène, ce qui n’est pas le cas des grands Etats européens. Son implantation à grande échelle serait donc un redoutable saut dans l’inconnu, notamment en France où les tensions sociales sont fortes.

Reste alors la monarchie héréditaire.

Celle-ci attire souvent la sympathie du public. Il y a en France comme dans bon nombre d’Etats européens une véritable nostalgie pour cette prestigieuse organisation politique et sociale. Mais la transmission héréditaire du pouvoir est souvent vue par nos compatriotes comme handicap majeur, tant les esprit son habitués à l’idée de compétition politique et à l’obsession du “rendement”.

L’hérédité présente certainement de nombreux défauts et l’on conviendra sans peine que la dévolution successorale n’est ni logique, ni rationnelle, ni même juste au regard de nos conceptions contemporaines pétries d’individualisme et de rationalisme. 

Mais l’avantage de l’hérédité est qu’elle assure, sinon la compétence, du moins l’indépendance et une construction patrimoniale sur le long terme.

Il y a de ce point de vue un parallèle à faire entre les régimes politiques et les entreprises.

Les entreprises familiales, et la monarchie est par définition une entreprise familiale, le capitaliste est un propriétaire qui cherche à faire fructifier ses bien pour lui est ses descendants. Actuellement ces entreprises familiales sont souvent prospères (par exemple Hermès) et respectueuses de leurs salariés, de leur savoir faire, également de leur outil de travail. Aussi de leurs traditions et de leurs clients…

En revanche les entreprises appartenant à des groupes internationaux anonymes sont gérées par des “managers” qui ressemblent beaucoup à nos hommes politiques élus. L’important pour eux est de dégager des profits à court terme et de garder le pouvoir pour s’enrichir vite. La gouvernance est abstraite et souvent inhumaine (délocalisation, dumping, etc…). Sur le papier ces managers sont les meilleurs; ils sortent souvent d’écoles prestigieuses: l’ENA, HEC, Polytechnique, Central, etc…sans compter bien sûr les universités américaines. Mais dans la réalité ils obtiennent souvent de piètres résultats, parfois même ils conduisent à des désastres économiques et sociaux.

Haberer, Messier, étaient de brillants gestionnaires avides d’argent et de pouvoir. DSK aussi est caractéristique de cette caste. Et on vient d’apprendre qu’il était désormais mis en examen pour “proxénétisme aggravé”. Cela en dit long sur les “valeurs républicaines” et cette fameuse démocratie parlementaire dont on voulait faire l’horizon indépassable de l’histoire humaine…!

On pourrait dire aussi que la démocratie ressembe souvent à une copropriété dirigée par un syndic plus ou moins compétent, plus ou moins corrompu. Et parfois ce syndic de copropriété finit par devenir syndic de faillite… La monarchie au contraire est une entreprise familiale vivante dans laquelle le souverain ne peut pas se désintéresser de son peuple et de ses élites.

Du coup, le royaliste n’est pas dogmatique et fermé, à la différence du technocrate ou du démocrate. Il ne nie pas la supériorité abstraite du manager; mais il considère que ce n’est là qu’un aspect parmi d’autres de la vie sociale et qu’il est impossible d’enfermer l’intelligence politique dans le carcan d’une évaluation académique.Il observe que dans la vie réelle le véritable capitaliste, le propriétaire ou le monarque ont une gestion finalement plus judicieuse et intelligente que le génial manager mégalomane ou le syndic froid et cynique.

Encore une fois, les royalistes prennent l’homme pour ce qu’il est et non pas pour ce qu’il devrait être. Ils ne sont d’ailleurs pas du tout hostiles à l’idée de participation des citoyens à la vie politique, en soumettant par exemple à réferendums à la Suisse pour tout ce qui touche à l’identité de la population et à ses libertés. Simplement ils connaissent les limites de la “volonté populaire” ses revirements, ses faiblesses, ses errements toujours redoutables. Ils souhaitent qu’existe au-dessus de cet océan tumultueux une autorité arbitrale, impartiale et permanente.

Cela étant, il n’est évidemmenr pas question de tout soumettre à l’hérédité comme à l’époque féodale, mais de réserver une place à des légitimités politiques autres que la sempiternelle élection ou à la loi d’arain de la compétition permanente.


 

Olivier Tournafond
Professeur à l’Université de Paris XII

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