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Cinéma. Mission (1986), un film édifiant !

Je ne croyais pas possible qu’un film qui ait reçu la Palme d’or à Cannes puisse être autre chose qu’un navet, voire un film pornographique. Je me trompais : autrefois, cela existait, apparemment…

Mission est un film vraiment intéressant, tant du point de vue historique que religieux. Il est inattendu que le film soit britannique, mais cela fonctionne très bien.

Ce film nous permet de mieux comprendre l’ambiance délétère des années 1750 au sein des cours européennes, et comment, par la suppression des missions jésuites d’Amérique du Sud que met en scène le film, l’ordre entier sera expulsé de tous les pays d’Europe de l’Ouest encore catholiques, et ouvrira en grand les valves du poison des Lumières et des forces révolutionnaires pour la Révolution. Pire : cette suppression de l’ordre fut comme une répétition générale de la Révolution, qui donna aux révolutionnaires l’assurance qu’ils pouvaient aller bien plus loin grâce à la faible résistance des prélats et des rois devant leurs menées1

Nous avons un enseignement puissant à tirer de ce film, outre les connaissances purement historiques : jamais la compromission n’a fonctionné, et jamais sacrifier la justice par une fausse charité (par faiblesse ou par lâcheté, en réalité) ne fonctionne : les ennemis sont des ennemis ; ne feignons pas de les considérer comme autre chose. Cela ne peut apporter que des catastrophes… L’on peut (et l’on doit !) aimer son ennemi, prier pour lui et pour sa conversion tout en le combattant, ce n’est pas contradictoire, bien au contraire !

Les acteurs sont bons : le cardinal, sur place pour juger s’il faut dissoudre ou non les missions, en sachant que l’enjeu est l’existence de l’ordre même en Europe, nous fait sentir le poids de sa responsabilité — en particulier quand il passe des heures et des heures dans l’église, devant le Saint-Sacrement, pour savoir ce qu’il doit faire. S’il couvre les jésuites, les Portugais dissoudront l’ordre tout de suite, dissolution qui risque bien de s’étendre à tous les pays par effet domino. S’il supprime les missions sur le Nouveau Continent, les dégâts sur toutes les bonnes âmes amérindiennes seront considérables. 

Ce film nous enseigne encore, s’il était besoin, que l’homme, même chrétien, reste un homme. Dans la petite ville dépeinte, les plus pieux missionnaires processionnent dignement à côté d’une populace faisant des fêtes de carnaval très peu chrétiennes en esprit. De même, les chasseurs d’Indiens ont pignon sur rue, malgré l’illégalité de leurs actions (en effet, en terre catholique espagnole, l’esclavage est interdit) car cela arrange beaucoup de personnes… On ferme donc les yeux (« pas de vagues », dirait-on aujourd’hui).

Les jésuites, comme toujours les catholiques, gênent des intérêts temporels, des ambitions et des orgueils personnels… Les Portugais sont coupables d’avoir choisi le diable, les Espagnols de ne pas résister assez et de laisser complaisamment les jésuites aux mains des Portugais, et l’Église d’être lâche en octroyant son onction à cette injustice manifeste. Ils seront tous punis avec la Révolution qui vient…

On sent aussi combien ces peuples primitifs étaient déchus avant leur conversion. Ils furent d’ailleurs eux-mêmes les persécuteurs des missionnaires. Ah, combien les belles missions jésuites leur ont apporté ! Tout et bien plus encore ! On ne peut qu’admirer, dans cette scène d’anthologie où le cardinal annonce au roi guarani qu’il faut quitter la mission, le courage de ce chef qui refuse, affirmant que mettre fin à la mission serait l’œuvre du diable, que le diable est dans la forêt, et qu’il faut en parler au roi du Portugal. Le roi tribal répond encore que le cardinal ne connaît pas la volonté de Dieu. Le cardinal, bien embêté, ne dit pas que c’est la volonté de Dieu, seulement que le roi du Portugal ne veut pas écouter… Et le roi des Guaranis de répliquer : « Je suis roi moi aussi, et je ne veux pas écouter non plus. »

Et ils se battront, avec certains jésuites qui ne peuvent se résoudre à les abandonner. Signalons en particulier ce Père, ancien trafiquant d’esclaves et assassin de son propre frère, dont l’histoire, présentée au début du film, est un modèle d’édification par la conversion, la pénitence et la justice avec la charité.

Enfin, soulignons une autre scène vraiment bien sentie : celle où les Portugais attaquent le village guarani. Seuls les femmes, enfants et vieillards restent là, en chantant des cantiques et en adorant le Saint-Sacrement, derrière leur bon prêtre. Les Portugais reconnaissent bien les chants familiers en latin, et voient Jésus-Hostie ! Un instant d’hésitation… mais les officiers ordonnent de mettre le village à feu et à sang, malgré l’absence des hommes… On voit bien qui était du côté du diable…

Loin de tout manichéisme, juste historiquement et agréablement religieux, c’est un film à voir ! Retenons surtout deux enseignements majeurs : les compromis et la vexation de la justice, même avec les meilleures intentions, sont dommageables ! Et ne prêtons pas l’oreille aux médisants, ces races de vipère, qui ont réussi l’impensable par la diffamation et le mensonge, et que des princes et des prélats ont bien voulu croire…

Antoine Michel

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France !


Pour voir le film (non sécurisé) : Voir le film Mission en streaming VF ou VOSTFR.

1Voir à ce sujet la belle conférence du Père Thomas: « Antijésuitisme et Lumières » ou encore celle de feu le Professeur Brancourt, figure du légitimiste dans les années 1980 : « L’affaire des Jésuites au XVIIIe siècle »

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