Politique

[Point de vue] Sur la Loi travail : contestons moins, et apprenons à innover !

« Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes »
Jacques Bénigne Bossuet, dit « Bossuet »

La Loi travail : voilà le dernier projet gouvernemental qui fait jaser la France depuis maintenant près de deux mois. De manifestations en manifestations, de la naissance de Nuit debout au phénomène des casseurs, et de l’augmentation des violences policières à l’apparition d’un mouvement de grève qui met en péril l’économie du pays, il semblerait toutefois que la glose de ce texte n’ait pas encore mis le doigt sur la véritable problématique qu’il soulève.

Celui-ci se présente comme une réforme profonde du droit national du travail.    
Texte libéral par excellence, il bouleverserait la hiérarchie des normes établie dans cette branche particulière du droit, en faisant primer les accords d’entreprise sur les accords de branche et les accords interprofessionnels.   
Il donne également la possibilité aux patrons de moduler avec plus de souplesse la durée et les horaires de travail de leurs salariés.         
Enfin, il permettrait de ramener le taux de majoration des heures supplémentaires à 10%, contre les 50% actuels.           

Bref, ce texte devrait permettre, a priori, de donner un nouveau coup de fouet à l’économie française, dont la croissance est stagnante, et est de plus en plus menacée par celle, parfois galopante, des pays émergents.          
Donc plus de souplesse, plus de liberté, plus de « laissez faire, laissez passer ».

Laisser faire, laisser passer, oui, mais jusqu’à où ?

Il faut être clair : l’application des théories économiques néo-libérales au monde de l’emploi, encouragée aussi bien par Bruxelles que par l’OMC et les grandes multinationales, déconstruit continuellement les acquis sociaux des travailleurs français, et les placera, tôt ou tard, aux frontières d’un esclavage nouveau.

En ce sens, il leur appartient, à présent, de se demander si oui ou non ils souhaitent que leur pays poursuive son intégration à l’ordre économique international libéral.

Il faudrait, pour cela, qu’ils se demandent tout d’abord si ce mode de vie est enclin à les rendre plus épanouis, et à rendre la Société plus harmonieuse.

Le premier inconvénient du salariat est qu’il donne une vision partisane de la société.
Depuis la Révolution industrielle, les luttes sociales n’ont jamais cessé. D’une part, le monde du patronat fait pression sur les décideurs publics pour obtenir un écosystème plus favorable à ses activités ; quand d’autre part, le monde ouvrier lutte pour obtenir des conditions de vie plus confortables – ou, tout simplement décentes, si l’on remonte dans le temps.

Jusqu’à présent reconnaissons que la mentalité est restée la même : chacun veut tirer le drap de son côté, et le plus possible. Il s’agit d’un partisanisme mortifère qui morcelle notre société.

Le contrat de travail, quant à lui, a ceci de désavantageux qu’il soumet les parties contractantes à des obligations dont elles préfèreraient, bien souvent, pouvoir ne pas s’acquitter. Dans les métiers les moins qualifiés et les structures de grande taille, cela donne lieu à une indifférence mutuelle entre les deux parties, sinon à un conflit ouvert.

Il semblerait que la « lutte sociale » en France ait évoluée, au fil du temps, vers une tradition de la contestation molle, et qu’elle ait cessé d’être une dynamique intelligente de lutte contre l’idéologie du système nuisant aux travailleurs.    
A cet égard, les circonstances actuelles représentent une opportunité pour faire naître une remise en cause profonde et durable de ce système.  
Cela commence donc par chercher les alternatives concrètes que nous pouvons lui opposer.

A ce titre, le corporatisme en vigueur à l’époque des Rois mérite d’être mentionné.       
Dans ce cas, c’est la corporation qui définit, en accord avec les pouvoirs publics, le cadre juridique de l’exercice du métier qu’elle représente. Pour chaque corps de métier, l’existence d’une hiérarchie solide et de traditions propres, permettent de maintenir la paix sociale.

Dans une vision plus contemporaine, l’entreprise autogéréereprésente également une opportunité intéressante.            
Dans ce cas, la répartition du capital entre l’ensemble de ses membres, ainsi que l’équilibre des rémunérations, permettent d’assurer la stabilité de l’entreprise en tant que communauté.

Ces deux suggestions sont autant d’opportunités potentielles pour nous aider à réformer, par le bas et en profondeur, le système économique actuel.

Cette réforme, qui aura lieu inéluctablement, devra faire en sorte que la société ne soit plus fondée sur une structure dualiste et conflictuelle.  
Elle devra également permettre de mettre fin au paradigme consumériste, qui n’intéresse d’ailleurs plus personne en dehors des médias, des politiciens, et des grandes entreprises.

En attendant, il nous semble souhaitable que chacun fasse son devoir national, en réfléchissant aux alternatives crédibles à un système qui ne connaît que trop bien les mécanismes de notre contestation, et semble porter l’esclavage dans ses gènes originels.
Français, plutôt que de nous perdre en débats interminables, ou pire, en assauts fratricides, nous devons tourner le dos à cette machine folle, et apprendre à construire sans elle.

Théophile Ducran-Lapoigne

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