Lettres d'un émigréPolitique

Japon et loi de succession : la force des coutumes

Après la dernière guerre, le Japon fut occupé et réduit à l’impuissance par l’ogre américain. Le pire fut évité ; la royauté ne fut pas abolie, mais l’occupant mit en place un système de désorganisation sociale profond, démantelant une par une toutes les institutions traditionnelles et mettant au centre du nouveau système les principes révolutionnaires. Beaucoup d’entre eux furent contournés pendant longtemps, mais ils sont là, inscrits dans le marbre et ils portent leurs mauvais fruits.

L’un des éléments qui fut attaqué le premier est le classique révolutionnaire : les lois de succession, pour détruire les grandes puissances familiales. Le système de succession japonais est aujourd’hui purement égalitariste : fini le chef de maison, finie la succession à un seul héritier. En pratique, dans les villes, ces mœurs égalitaristes s’imposent. Et pourtant, des successions traditionnelles continuent de se produire dans les campagnes, et pour ceux qui veulent.

Comment est-ce possible ? Le droit de tester est pourtant aussi nié. Les japonais de l’époque se sont arrangés pour ajouter une clause, dirions-nous, au principe de succession égalitariste et à la limitation du droit de tester : il est possible de renoncer à son héritage. Un héritier peut renoncer à son héritage et ne rien recevoir. Cela signifie donc que si tous les enfants sauf un renoncent à l’héritage, celui-ci revient à un seul enfant, et il est donc possible de maintenir le patrimoine familial. Comme la société japonaise est très consensuelle, et que, dans le tissu des campagnes, la réalité reste coutumière et traditionnelle, il suffit que le patriarche demande instamment aux héritiers de renoncer pour qu’ils renoncent, même à contre-cœur. Il n’est pas encore dans les mœurs d’aller porter plainte, surtout en famille. Cette exception a donc permis de limiter quelque peu la casse de la révolution égalitariste dans la succession – un temps, certes, tant que la vieille génération conserve la volonté de maintenir la lignée, et que les coutumes restent suffisamment prégnantes pour s’imposer aux héritiers qui ne revendiquent pas leur « droit ». Mais chez les moins de 70 ans, tout cela s’étiole. Les principes révolutionnaires ont fait leur travail de sape, lentement, mais sûrement.

C’est un poison corrosif qui fait de cette exception une hérésie pour la plupart des juristes japonais contemporains. Il suffira d’un coup de vent, dans l’état actuel des choses, pour que cette exception soit abolie, sans que personne ne conteste ni ne le remarque, à part peut-être quelques dinosaures campagnards. Il est bon de sauver les meubles comme le montre l’exemple japonais, mais il faut aussi savoir contre-attaquer et atteindre la source du mal : sinon les principes donneront leurs conséquences tôt ou tard, comme la France l’a tant expérimenté avec toutes les lois dites « sociétales », pour ne citer qu’elles.

Paul de Beaulias

Pour Dieu, pour le Roi, pour la France

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